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Chine: une reprise à deux vitesses

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Ville de Tianjin @VDLC
Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 30 novembre 2020, mis à jour le 30 novembre 2020

Derrière les statistiques officielles chinoises attestant d’un rebond économique spectaculaire post-Covid-19, la fameuse reprise en "V" (passant de -6,8% de croissance au 1er trimestre, à +4,9% au 3ème trimestre) enviée par de nombreux pays occidentaux, certaines données laissent entrevoir une reprise à deux vitesses avec de fortes disparités régionales, et non plus uniquement entre l’Ouest et l’Est, mais aussi entre le Nord et le Sud.

Disparités géographiques 

En observant le classement de la croissance économique par provinces durant les neuf premiers mois de l’année par rapport à 2019, on s’aperçoit que la majorité de celles n’ayant toujours pas rattrapé leur niveau pré-Covid-19, sont situées au Nord-Est du pays. Mais le Hubei (-10,4%), épicentre de l’épidémie, le Heilongjiang, la Mongolie-Intérieure (-1,9%) et le Liaoning (-1,1%), sont elles aussi à la peine. Elles l’étaient déjà avant la crise sanitaire, leurs moteurs économiques (industries lourdes, énergie…) ayant connu un fort ralentissement ces dernières années, puis plusieurs foyers de Covid-19 sont venus leur compliquer la tâche…

La ville de Tianjin elle, vient tout juste de retrouver son niveau de 12 mois plus tôt. Même si Tianjin reste un important « hub » logistique et manufacturier du nord du pays, avec un trafic conteneurs en augmentation de 5,2%, la municipalité perd de son attrait, n’enregistrant une hausse que de 0,5% des investissements étrangers, en dessous de la moyenne nationale de 2,5% et loin derrière Shanghai (+6,1%). Tianjin fait les frais d’une féroce compétition entre les grandes villes chinoises pour attirer les investisseurs et les nouvelles industries, elle qui a essentiellement compté jusqu’à présent sur l’investissement d’État et les consortia publics, s’endettant beaucoup et produisant peu… Résultat : son ratio dette/PIB pourrait atteindre 40%, contre 35% l’an dernier, devenant ainsi l’une des cinq régions les plus endettées du pays. Malgré ses récents efforts pour se diversifier, cela n’a pas été suffisant pour absorber le choc épidémique. Son économie ne s’élevait qu’à 1 000 milliards de yuans au 3ème trimestre, un tiers de celles de Shanghai ou de Pékin, et en dessous de celles de Hangzhou ou de Nankin. Ce faisant, elle perd sa 10ème place au classement des premières villes du pays en terme de performances économiques, laissant sa place à… Wuhan. Grande gagnante de ce classement: Chongqing, son économie (1 770 milliards de yuans) ayant dépassé sur les trois premiers trimestres de 2020 celle de Canton. L’axe Chengdu-Chongqing a d’ailleurs été désigné comme la 5ème zone prioritaire de développement régional par le gouvernement central.

Fossé Nord-Sud

À l’échelle du pays entier, les provinces du Sud représentaient 64,6% de l’économie nationale sur les neuf premiers mois de l’année. C’est 5,8% de plus qu’il y a cinq ans, reflétant un fossé grandissant entre le Nord et le Sud. De même, sept des dix provinces qui ont connu le plus fort déclin en termes de consommation par habitant sont situées dans le Nord du pays (les trois provinces du Dongbei, la Mongolie-Intérieure, le Xinjiang, Tianjin et Pékin). « L’écart entre le Nord et le Sud devrait continuer de se creuser à l’avenir et pourrait même devenir plus important que celui entre les provinces côtières et de l’Ouest du pays », prédit Huang Hancheng, consultant chez Trigger Trend.

Autre lecture de cette reprise économique : celle de la firme indépendante China Beige Book (CBB), qui dispose de ses propres indicateurs en sondant 3 300 entreprises, privées comme publiques, à travers le pays entier. Ses conclusions sont en totale contradiction avec toutes les affirmations chinoises selon lesquelles le pays aurait remonté la pente. D’après CBB, aucun pan de l’économie n’a rattrapé le niveau de l’an dernier : tous les secteurs, toutes les régions, tous les indicateurs de croissance restent en contraction par rapport à 2019. Toutefois, la firme note un rattrapage conséquent au sein des grands groupes installés à Shanghai, Pékin, Canton (et leurs grandes régions) … C’est la face "visible" de la reprise montrée par Pékin. Mais pour la plupart des entreprises ailleurs dans le pays, la reprise est beaucoup plus laborieuse. Au Tibet, au Gansu, au Qinghai et au Xinjiang, CBB n’enregistrait même aucune amélioration entre les deux derniers trimestres…

Des chiffres contestables

Différents analystes ont déjà souligné que les chiffres officiels de la croissance du 3ème trimestre ont été artificiellement gonflés par le Bureau national des statistiques, qui a réduit le point de comparaison de septembre 2019 "sur base du 4ème recensement économique". Une réalité dont est bien conscient le premier ministre Li Keqiang, qui a appelé une fois de plus le 20 novembre les provinces à faire preuve "d’honnêteté" au sujet de leurs situations économiques, de manière à "prendre les mesures nécessaires pour stimuler l’emploi, la consommation et les investissements [performants]".

Alors que la Chine devrait être le seul pays du G20 à afficher une croissance positive sur l’année 2020, que le gouvernement chinois brandit sa vigoureuse relance économique comme preuve de sa victoire sur le virus, la reprise est beaucoup plus nuancée à travers son vaste territoire, la Covid-19 ayant agi tel un "révélateur" de la mutation du paysage économique chinois et de ses disparités.

 

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