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WAN CHAI - Sous les lumières rouges

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 24 juin 2011, mis à jour le 5 décembre 2014

Des bars remplis de monde, de la musique entraînante, mais aussi l'odeur de l'alcool et des produits illicites : Lockhart road, le repère de tous les fêtards. En prêtant davantage attention au décor de cette rue de Wan Chai, les néons  colorés attirent les regards. Est-ce vraiment ces lumières rouges qui intriguent les passants ou bien les tenues provocantes des jeunes femmes à l'entrée de ces fameux dancing club ? Inutile d'en nier l'activité et de se voiler la face? nous menons donc l'enquête à travers ce haut lieu de prostitution

Le fameux Club King sur Lockhart rd (photo Myriam Eutamène)

Autrefois, ce quartier portuaire servait de repère pour tous les marins cherchant à se distraire après de longs mois de navigation. La prostitution, comme le reste, est arrivée avec les colons anglais en 1840, puis cette activité s'est étendue autour des années 1870 lorsqu'elle est devenue légale et reconnue comme un métier à part entière. Cependant, à partir des années 1940, ce commerce est limité par une loi qui interdit le proxénétisme. Durant la guerre du Vietnam, de nombreux soldats américains faisaient de multiples escales à Hong Kong. A partir de là débutèrent les années glorieuses de la prostitution, notamment jusqu'en 1990 grâce au développement économique considérable de la ville. Le quartier rouge de Wan Chai est alors à son apogée. Poursuivre cette enquête hors des livres n'est pas chose aisée afin obtenir des informations sur la prostitution à Wan Chai de nos jours.

Les ?Mamas', ces dames en charge des prostituées, veillent à les protéger en leur trouvant un logement et en assurant leur sécurité. Ces femmes âgées d'une soixantaine d'années nous ont permis d'approfondir notre recherche, tout en gardant un regard méfiant, par crainte de leur patron aux alentours. Certaines d'entre elles refusent de témoigner, prétendant ne pas parler anglais. Elles sont parfois dans l'embarras quand nous nous réjouissons de mettre en pratique notre chinois.

Les néons d'un dancing show sur Lockhart rd (photo Elinor Gibson)

Après plusieurs rencontres, nous apprenons que 60% des revenus sont destinés au proxénète tandis que seulement 40% doit être partagé entre les prostituées. L'âge légal est de 18 ans, cependant depuis l'immigration en masse de femmes thaïlandaises et philippines à la recherche d'un salaire plus élevé, nous nous demandons si cet âge est bien respecté... La plupart des clients sont des expatriés ou de riches Chinois, prêts à payer 2000hkd de l'heure (environ 200 euros), nous chuchote Joyce*, la Mama du Club King.

La plupart des prostituées pratiquent ce métier à contrec?ur afin de permettre  la survie de leurs proches résidant dans leur pays natal. Les membres des triades de Hong Kong, la mafia, profitent alors du désarroi de ces dernières pour les convaincre de les suivre à Hong Kong, leur promettant la richesse. Mais cette promesse prend fin dès leur arrivée lorsque celles-ci se retrouvent fortement endettées, face au coût du voyage et du logement. Elles vivent alors entassées par dizaines dans de petits réduits n'ayant aucune intimité. Elles deviennent prêtes à tout pour nourrir leur famille.

Dès 20h, les jeunes femmes à peine vêtues se placent à l'entrée des établissements illuminés par les néons? c'est l'heure de se mettre au travail. De nombreux Occidentaux, une bière à la main, un sourire libidineux, se laissent entraîner à l'intérieur des bars. En nous éloignant, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer (ou d'imaginer ?) la souffrance dissimulée derrière le sourire de ces prostituées. La question qui résonne alors dans nos têtes : quelles actions de développement économique peuvent être mises en place pour éviter à ces femmes de vendre leur corps pour nourrir leur famille ?

* pour conserver l'anonymat des personnes interrogées, nous avons modifié les noms.

Elinor Gibson et Myriam Eutamène (www.lepetitjournal.com/hongkong.html) vendredi 24 juin 2011

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Lepetitjournal.com vous propose une série de neuf reportages sur le quartier de Wan Chai à Hong Kong. Ils ont été réalisés par des élèves de Seconde du Lycée Français International de Hong Kong dans le cadre de leur enseignement d'exploration Littérature & Société assuré par Sophie Gauthier (Français) et François Drémeaux (Histoire-géographie). Il s'agit d'une séquence d'apprentissage sur la presse, qui mêle théorie et pratique. Les élèves ont été invités à réfléchir sur le journalisme d'investigation aujourd'hui ; ils ont d'abord suivi quelques cours magistraux sur l'histoire des médias puis ils ont étudié, tant sur le fond que sur la forme, différents types d'articles de presse.
Après quoi, un passage à l'action s'imposait?Wan Chai est le terrain idéal pour réaliser ce type de projet : c'est un quartier ancien, proche de l'école, fortement marqué par la diversité de ses activités et de ses habitants qui, par ailleurs, sont de plus en plus soucieux de préserver leur patrimoine??Lepetitjournal.com a décidé de rendre honneur à ces journalistes en herbe et de diffuser un article par jour du 16 au 28 juin 2011.

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Publié le 24 juin 2011, mis à jour le 5 décembre 2014

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