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HONG KONG 25 ans de cinéma - De l’âge d’or à la quête d’identité

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 29 juin 2017, mis à jour le 29 juin 2017

 

Depuis l'Âge d'or des années 80, 90, l'industrie cinématographique de Hong Kong a conservé sa créativité. Mais l'émergence d'industries et de marchés puissants, notamment la Chine, la plonge dans une recherche d'identité. Entre co-productions chinoises, résolument commerciales, et films d'auteurs teintés de "localisme", l'évolution est assez symptomatique des tendances que traversent la ville.

L'industrie du cinéma à Hong Kong n'est pas une petite affaire. 2,500 établissements et 16,000 personnes s'agitent quotidiennement pour produire, distribuer, acheter et exporter des films et des Drama. Mais depuis l'âge d'or, la production a très fortement décliné, passant de 200 à 300 films produits à une soixantaine annuellement.

Stephen Teo, est professeur de cinéma et auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le cinéma de Hong Kong, dont Hong Kong Cinema: The Extra Dimension et Director in Action: Johnnie To and the Hong Kong Action Film. Invité à la 41ème édition du Hong Kong International Film Festival (KIFF), il participait à une conférence sur la situation de l'industrie après la rétrocession et a accepté de parler de ce sujet avec nous.

Quels ont été les défis auxquels l'industrie cinématographique de Hong Kong a été confrontée depuis 1997 ?

Avant même la rétrocession, l'industrie cinématographique de Hong Kong était déjà en déclin. Dès le milieu des années 1990, il était clair que le public local était en train de se détacher des productions maison au profit d'Hollywood. Cela tient en partie aux changements économiques qui avaient lieu à l'époque. L'industrie était en pleine restructuration. La plupart des propriétaires avaient vendu les vieilles salles de cinéma pour construire des centres commerciaux à la place, intégrant souvent des multiplex. Et cela a abouti à une augmentation considérable du prix des tickets de cinéma au point que le public n'était plus prêt à payer pour voir un film local. Ils préféraient voir un film américain. Même sur le marché international, l'industrie connaissait également un déclin à cause de la concurrence régionale, avec le développement du cinéma coréen ou même thaïlandais. Cet état de fait a perduré après la rétrocession jusqu'à ce que le gouvernement chinois mette en place le CEPA. Le but était de permettre à l'industrie de s'implanter en Chine continentale. Je pense que ça a été vu par beaucoup comme une bouée de sauvetage. Tous les autres marchés étaient en train de reculer, ils ne pouvaient donc que se raccrocher à celui de la Chine continentale. Par conséquent, je dirais que la rétrocession a été plutôt une bonne chose pour l'industrie cinématographique hongkongaise.


Film Le Syndicat du crime réalisé par John Woo, sorti en 1986.

L'accord de partenariat économique qui couvre l'industrie audiovisuelle (Mainland and Hong Kong Closer Economic Partnership Arrangement - CEPA) a été une opportunité à court terme mais certains le voient comme une menace à moyen terme ?

C'est vrai que les résultats ont été mitigés du point de vue de Hong Kong. Mais il est impossible d'ignorer le marché chinois. En 2003, il représentait seulement un milliard de Yuan (130 millions d'euros). Maintenant, c'est 45 fois plus. C'est le second marché mondial après celui des Etats-Unis et il pourrait le surpasser d'ici quelques années. Et le CEPA donne un traitement préférentiel aux films de Hong Kong. C'est donc un gros bénéfice pour l'industrie.

A l'époque de la signature du CEPA, beaucoup espéraient que l'argent gagné en Chine continentale reviendrait à Hong Kong et permettrait de revivifier l'industrie dans son ensemble. Mais est-ce vraiment ce qui est arrivé?

Cela ne s'est pas produit en effet. A l'heure actuelle, c'est le gouvernement de Hong Kong qui essaye de soutenir l'industrie par divers mécanismes financiers. On verra ce que cela donne. La plupart des réalisateurs de l'âge d'or ont bougé à Pékin et il ne reste plus que la jeune génération sur place, qui a besoin de soutien pour percer.

Je pense que cette nouvelle génération voit les choses sous un prisme très local. Ce sont des localistes pour ainsi dire. Prenez par exemple Ten Years. C'est l'?uvre de jeunes réalisateurs qui veulent être indépendants par rapport à Pékin. Mais leur modèle de production est imparfait. Ten Years est trop anti-Chine. Il se base uniquement sur cet aspect pour attirer son public. Il a bien marché au box-office pour un petit budget mais c'est essentiellement grâce au bouche-à-oreille. Les cinémas locaux n'ont pas beaucoup soutenu le film. Je pense que c'était un cas unique. Je ne crois pas que vous puissiez en faire d'autres comme ça. Le film a gagné le HK Film Awards mais je pense que c'était avant tout pour des raisons politiques.

Le prix a été à nouveau remporté par un film omnibus cette année. Je pense qu'il s'agit de la seule industrie où un film omnibus a gagné la plus haute récompense deux années de suite. Mais je ne vois pas ça durer longtemps. Peut-être que les jeunes réalisateurs peuvent revitaliser un cinéma plus local. Mais pas s'ils continuent à faire des films sinophobes. S'ils parviennent à faire des films excitants et intéressants pour le public local et les marchés étrangers traditionnels, il pourrait y avoir un rebond de l'industrie. C'est le scénario optimiste.

Pensez-vous que nous allons revenir à la situation des années 1930 ? Avec Shanghai comme centre de production principal et Hong Kong comme secondaire ?

Je pense qu'il va y avoir plusieurs centres de production, pas juste Shanghai. Hong Kong sera l'un d'entre eux. Ce ne sera plus la Mecque du cinéma chinois comme ça a pu l'être avant. Je ne vois pas comment l'industrie peut retrouver son âge d'or.

Dans ma conférence pour le HKIFF, j'argumentais que cette période bénite des années 80/90 était définitivement morte, qu'elle ne reviendrait pas. Même si l'industrie se concentrait davantage sur le sud-est asiatique, le marché chinois est toujours plus gros que tous les pays de la région combinés. Ceci étant, il est toujours difficile de faire des prédictions. Nous ne savons pas ce que les jeunes réalisateurs vont faire. Certains ont à peine la vingtaine. Quels films peuvent-ils faire ? Je ne suis pas sûr qu'ils arrivent à contenir leur rejet de la Chine, pourtant, cela leur permettrait d'élargir leur horizon.

De gauche à droite : 1.Ringo Lam, 3.Henri Tang, 4.Johnnie To, 5.Tsui Hark

Que pensez-vous des films qui ont été réalisés autour de la rétrocession en 1997 ?

Il y avait clairement une anxiété envers la rétrocession dans ces films. Les jeunes réalisateurs de l'époque laissaient parler leur antipathie envers la Chine. Les films faits à ce moment-là ont été plutôt bien accueillis, comme ceux de Fruit Chan. Peut-être parce qu'ils n'étaient pas ouvertement politiques.

Selon vous, quels réalisateurs hongkongais ont réussi à s'intégrer le mieux en Chine continentale ?

Des gens comme Peter Chan ou Tsui Hark. Ils ont déménagé à Pékin en pratique et les films qu'ils font sont des ?uvres destinées au grand public chinois.

Vous ne pensez pas que la censure chinoise bride leur talent créatif ?

Je ne pense pas que la censure soit un gros obstacle dans le sens où vous devez toujours faire avec, quelle que soit l'industrie où vous évoluez. Cela vous oblige à faire preuve de plus de créativité. Mais bien sûr, cela pose des limites. Comme l'interdiction de faire des films de fantômes ou des histoires de gangsters. Mais je ne pense pas que la Chine ait nécessairement besoin de changer son système de censure. Par contre, il faut qu'ils créent une classification car à l'heure actuelle tous les films présentés doivent être grand public.

Arnaud Lanuque (lepetitjournal.com/hong-kong) - jeudi 29 juin 2017

Remerciements à Giselle Chan et HKIFF. 

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Publié le 29 juin 2017, mis à jour le 29 juin 2017

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