Retranscrire des scènes du quotidien, effacer les contours, faire du monde qui nous entoure une impression… Tel est le dessein du mouvement impressionniste apparu en France dans les années 1860. Principalement répandu dans le domaine de la peinture, Réhahn s’en rapproprie aujourd’hui les codes à l’aide de son appareil photo.
Durant la seconde partie du 19ème siècle, l’impressionnisme s’est affirmé dans la peinture française comme la rupture de l’art moderne avec l’académisme, qui se caractérisait notamment par un goût prononcé pour les scènes historiques. Si la tendance impressionniste est aujourd’hui très populaire, elle reste cependant discrète dans le domaine de la photographie.
Cela est voué à changer, grâce à des artistes comme Réhahn qui, après avoir passé dix ans à photographier les cinquante-quatre ethnies vietnamiennes, développe aujourd’hui la photographie impressionniste depuis l’Asie du Sud-Est.
Cet article est la suite de l'interview sur son parcours de vie au Vietnam : Réhahn, l’homme caché derrière l’appareil photo.
Une enfance dans le berceau impressionniste
Tel Obélix tombé dans la marmite de potion magique étant plus jeune, Réhahn grandit au cœur de la région ayant inspiré bon nombre d’artistes impressionnistes : la Normandie. Située au Nord-Ouest de la France, la Normandie constitue l’une des destinations impressionnistes phare, aux côtés de l’Ile-de-France. Comment ne pas se laisser emporter par la fougue de peindre en extérieur, lorsque les paysages sont ornés d’herbe et de fraîcheur, tantôt en bords de Seine ou faisant face à la mer ?
Parmi les peintres venus se perdre dans cette nature riche, on peut citer les inimitables Claude Monnet et Eugène Boudin, ou encore Gustave Courbet et Jules Dupré. C’est d’ailleurs dans cette même région qu’a vécu Claude Monnet de 1883 à 1926, dans la commune de Giverny, où l’on peut aujourd’hui visiter sa maison et ses jardins.
Ayant fondé son propre musée, le Precious Heritage Art Gallery Museum, Réhahn ne cache pas cette influence normande lorsqu’il affirme : « Mon musée, c’est mon Giverny ». On ne peut en effet ignorer son enfance dans la ville d’Honfleur, où se trouve notamment la ferme Saint-Siméon, dépeinte sur les toiles de Boudin. Avant de parcourir le monde pour finalement développer son art au Vietnam, Réhahn a donc évolué dans une région dont les couleurs et formes ont été maintes fois dépeintes par les pinceaux impressionnistes.
La lecture comme révélation
Dès son plus jeune âge, Réhahn s’est découvert une sensibilité pour l’art et a commencé à l’âge de 17 ans une collection de livres anciens. En réunissant dans sa bibliothèque des éditions originales de Victor Hugo, d’Alfred de Musset ou encore des œuvres signées par Picasso, le photographe est certain que la lecture occupe aujourd’hui une place prédominante parmi ses sources d’inspiration.
Si beaucoup se sont confrontés à un manque de créativité décourageant durant la crise sanitaire, celle-ci est vantée par Réhahn comme l’origine de ce tournant artistique. Absorbé par ses lectures de jeunesse, il a par exemple redécouvert le parcours d’Edward Hopper ou de Vincent Van Gogh, lui suscitant des envies de s’essayer à de nouveaux styles. Après s’être adonné aux portraits photographiques pendant dix ans, l’artiste souhaite maintenant se concentrer sur les scènes du quotidien et les compositions. L’exemple le plus frappant reste sa découverte du japonisme, l’influence nouvelle de l’art japonais sur les Occidentaux à la fin du 19ème siècle.
C’est en effet en lisant Le japonisme et l’impressionnisme qu’est venu à Réhahn l’idée d’une création devenue triptyque – composée de trois panneaux – rendant compte du Vietnam sous un regard japonisant. Sans cette lecture sur l’influence des codes artistiques japonais en Occident, il n’aurait probablement jamais envisagé ce contraste prononcé entre couleurs vives et obscurité, le tout en alliant l’éventail japonais, l’Áo dài vietnamien et le chapeau conique.
L’impressionnisme, une nouvelle approche de la photographie
Pour les peintres du 19ème siècle comme pour leurs successeurs de nos jours, l’impressionnisme représente une volonté de se détourner des codes. Souhaitant dépasser les règles de rigueur académiques très strictes, les premiers impressionnistes ont fait face à de violentes critiques. En 1874, le critique Louis Leroy a lui-même introduit le nom du mouvement en dénigrant l’ « impression » qui se dégageait de l’œuvre Impression, soleil levant de Claude Monet.
« Je peins avec mon appareil photo. »
Si la tendance impressionniste s’est à présent grandement popularisée, elle reste cependant minoritaire dans le domaine de la photographie. Bien que certains noms tels que ceux de Pep Ventosa ou Eva Polak se réclament aujourd’hui de ce mouvement, il est encore difficile d’identifier l’impressionnisme en photographie comme un courant à part entière.
Réhahn l’explore alors à son tour, appareil en main, à travers des reflets, les flammes ou encore des vitres. En grand héritier de Normandie, il adopte ces codes non-académiques qui lui plaisent tant et s’élance sans savoir où cette nouvelle aventure le mènera. Une envie sommeillant en lui le poussera peut-être vers des ballets cubains, sur les pas d’Edgar Degas.
Pour les amateurs de l'impressionnisme dans la photographie, la nouvelle galerie de l'artiste vient d'être inaugurée il y a quelques semaines à Hô Chi Minh Ville, au Vietnam.
« Véritable joyau caché, la galerie Réhahn est un endroit enchanteur et propose un aperçu de la culture vietnamienne à travers de très belles photos [...] Elles sont tout simplement magnifiques et capturent vraiment l'esprit humain dans son essence même. », écrit par The Culture Trip (dans son guide "The 10 Best Museums in Ho Chi Minh City, Vietnam")
Pour s'y rendre : voir Fine Art Gallery in Saigon à cette adresse.