Depuis 2007, date de son premier séjour au Vietnam, son boitier en aura vu des enfants Hmong, traversé des rizières, croisé des éléphants et connu des chutes en moto. Avec deux livres et un musée des ethnies à son actif, ce normand de 38 ans a séduit des milliers de personnes et remporté le prix du public des Trophées des Français de l’étranger.
« Pourquoi tu n’es pas venu quand j’avais 18 ans et que j’étais belle ? Aujourd'hui, je n'ai plus de dent ! » Face à cette octogénaire de l’ethnie Lu, dans un village de montagne à la frontière chinoise, Réhahn est troublé. Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que ce Français sillonne le Vietnam dont il est tombé amoureux, captant et transmettant la richesse culturelle de ses tribus.
De Caen à Hoi-An, tout commence par un parrainage
A l’origine de l’expatriation de Réhahn, il y a la petite fille qu’il parraine via l’association Enfants du Vietnam. Une rencontre, qui en appellera beaucoup d’autres : Réhahn voyage alors à Hoi-An plusieurs fois par an. Les retours dans son imprimerie caennaise lui sont de plus en plus insupportables. « Je gagnais bien ma vie, j’avais une Audi TT cabriolet, mais j’en avais marre du côté anxiogène de la France. Il me fallait de la liberté et des gens positifs, ce que je trouvais au Vietnam, où je me sentais plus en paix et sécurité ». En 2011, ce photographe amateur saute le pas et embarque femme et fils dans l’aventure de l’expatriation.
Réhahn n’a jamais regretté son choix. « Quand je vois que mon fils parle trois langues, qu’ils sont sept dans sa classe, qu’on a une relation super avec nos voisins, je me dis qu’on n’aurait pu trouver un cadre plus idéal ».
Derrière les clichés, l’histoire de 49 ethnies
Sur sa moto, Réhahn traverse le pays, en quête de clichés, mais surtout de traditions à valoriser. « Ce qui m’intéresse, ce sont les histoires derrière les personnes que je photographie. Il m’arrive parfois de les prendre après une heure de discussion ; les photos sont alors toujours plus parlantes ».
Peu après l’arrivée de Réhahn, le Los Angeles Times tombe sur son portrait d’une vieille dame Kinh sur une barque et choisit d’en faire sa une. Buzz général dans les médias vietnamiens : le Français multiplie les apparitions à la TV. Son premier livre de photos restera longtemps en tête de gondole des boutiques vietnamiennes et s’exportera dans une quarantaine de pays.
« Au fur et à mesure, je rencontrais de plus en plus d’ethnies. Je m’intéressais à leurs costumes et les chefs m’en offraient lors de mes visites ». L’idée d’un lieu où exposer tous ces souvenirs et ces anecdotes fait sont chemin chez le photographe.
La concrétisation d’une passion par un musée
La foire internationale de Caen, en septembre 2016, donne un nouveau tournant à la carrière de Réhahn. Avec 400 livres vendus et des articles dans de nombreux magazines, c’est un nouveau succès qui lui permet d’acheter un local de 500 mètres carré pour y installer son musée.
Aujourd’hui, près de 100 visiteurs passant par Hoi-An chaque jour ont l’opportunité de voir 49 ethnies vietnamiennes mise à l’honneur à travers des photos, des histoires en trois langues, des costumes et même des bandes son.
Touristes de passages, résidents d’Hoi-An et aussi les membres des différentes ethnies qui jouent régulièrement les invités surprise. C’est ainsi que le chef d’une tribu Co Tu a débarqué, peu après l’inauguration, avec un costume en écorce d’arbre, qui deviendra l’une des pièces les plus chères au cœur du Français. « On essaie toujours d’organiser un spectacle à l’extérieur, il faut voir comme les ethnies sont fières. C’est un bonheur de voir qu’elles préservent leur culture et n’en ont pas honte ».
« Rendre aux ethnies tout ce qu’elles m’ont apporté »
« Avoir monté un musée gratuit grâce à la vente de mes photos est le moyen de remercier ce pays qui a lancé ma carrière de photographe. J’aide aussi comme je peux les personnes dont je fais et vends les portraits. Sans elles, je n’en serais pas là aujourd’hui. La mamie de la barque, je l’aide à vivre correctement. Je l’ai emmenée à Hanoi où elle n’était jamais allée ».
Pour Réhahn, ce Trophée des Français de l’étranger décerné par le public est une reconnaissance qu’il n’a jamais eue de la France. Une pointe d’amertume teinte sa voix, lorsqu’il mentionne sa relation avec l’Hexagone.
Mais pas le temps pour les regrets. Dès demain, Réhahn sera dans l’avion, en route pour ses nouveaux projets. Toujours plus de photos, un musée dédié aux Co Tou à la frontière laotienne… Chez ce Français de l’étranger, l’heure du retour au bercail ne sonnera probablement jamais.
Pour en savoir plus sur Réhahn ou vous rendre dans son musée
Ci-dessous le reportage réalisé par France 24 pour l'occasion