Dans quelques jours, le 20 novembre très exactement, ce sera la traditionnelle fête des enseignants vietnamiens : l’occasion, pour tout le pays, de célébrer les transmetteurs du savoir et de perpétuer ainsi une tradition éminemment confucéenne, qui veut que celui qui enseigne mérite un respect quasi-filial. Au Vietnam, l’enseignement avec un E majuscule a un nom, une figure tutélaire : Chu Van An (1292-1370). De très nombreux établissements scolaires portent d’ailleurs son nom, à commencer par l’un des lycées les plus prestigieux et surtout les plus courus de Hanoï.
Mais alors qui était-il, ce Chu Van An ? Qu’a-t-il fait pour mériter une telle dévotion ?
« Un mandarin vietnamien de haut rang qui fut enseignant et recteur de l'académie des Fils de la Nation. Aussi un poète célèbre du Vietnam sous la dynastie Tran », si l’on s’en réfère à Wikipedia, qui, pour le coup, nous laisse un peu sur notre faim.
La dynastie Tran, donc (1225-1400) : 175 ans, treize empereurs (le Premier, Tran Thai Tong, renverse la dynastie des Ly) et un penchant marqué pour le confucianisme.
Chu Van An, lui, aura vécu sous les règnes de Tran Anh Tong (1293-1314), de Tran Minh Tong (1314-1329), de Tran Hien Tong (1329-1341) et de Tran Du Tong (1341-1369).
Une existence placée sous le signe du savoir
C’est donc en 1292 que Chu Van An voit le jour, non loin de Thang Long (la future Hanoï), dans un village du nom de Van Thon, qui est aujourd’hui rattaché au district de Thanh Tri. Enfant, il aime lire et étudier seul, marquant ainsi une disposition évidente à l’acquisition du savoir.
A l’époque, dans le Daï Viet (on ne parlait pas encore de Vietnam), il existe très peu d’établissements consacrés à l’enseignement. Il y a certes l’Académie nationale (Quoc Tu Giam) de la capitale (le Temple de la Littérature, aujourd’hui), mais qui est réservée aux enfants issus de l’aristocratie ou du haut mandarinat. Aussi, parvenu à l’âge adulte, Chu Van An décide-t-il d’ouvrir une école, chez lui, à Thanh Tri : ce sera l’école Huynh Cung, qui attirera jusqu’à 3.000 élèves. Respect, loyauté, courtoisie… L’enseignement que Chu Van An dispense à Huynh Cung est dans la plus pure tradition confucéenne, une tradition à laquelle il restera fidèle toute son existence.
L’école, elle, se développe, et acquiert très vite une solide réputation, qui accroît le prestige de son fondateur, lequel passe aux yeux de ses contemporains pour être un homme de bien : l’archétype de l’enseignant vertueux, totalement dévoué à son sacerdoce.
Un homme dévoué prônant l’enseignement vertueux
Cette réputation grandissante vaut à Chu Van An d’être distingué par l’empereur Tran Minh Tong, qui l’invite à prendre la direction de la prestigieuse académie nationale et à prendre en charge les questions relevant de l’éducation à l’échelle du pays. Il n’est donc pas exagéré de prétendre que les ministres de l’Education d’aujourd’hui sont ses lointains successeurs !
Cela étant, Chu Van An est aussi, et peut-être surtout, le précepteur de Tran Vuong l’héritier du trône, qui règnera sous le nom de Tran Hien Tong à partir de 1329.
Intégrité au centre même de ses valeurs
Malheureusement pour lui, le règne de Tran Hien Tong tourne court. Son successeur, Tran Du Tong, est un piètre monarque, brouillon et colérique, prisonnier d’intrigues de cour de plus en plus violentes.
Écœuré par la décadence qui s’installe dans les hautes sphères du pouvoir, Chu Van An écrit une lettre pour réclamer la mise à mort de sept des courtisans de Tran Hien Tong. Ce faisant, il commet un impair, presque un crime de lèse-majesté, mais il n’en a cure : seul compte à ses yeux le rétablissement d’une gouvernance honorable.
Faut-il le préciser ? Sa requête n’est pas entendue. Elle est purement et simplement ignorée.
Chu Van An quitte alors la capitale pour Chi Linh, près de Hai Duong, où, infatigable, il ouvre une nouvelle école, qui va sans doute marquer l’apogée de sa vie d’enseignant. Il y fait en effet figure de vieux sage et son charisme fait le reste…
C’est là, à Chi Linh, qu’il finira ses jours, à près de 80 ans, en novembre 1370.
De toute son oeuvre, on retiendra surtout une certaine « démocratisation » du savoir. En cela, l’expérience de l’école Huynh Cung aura marqué une petite révolution dans une société encore très corsetée mais dans laquelle il allait désormais être possible de s’élever de la plus noble des manière qui soient : par le savoir.