On parle beaucoup, ces derniers jours, de la réouverture de Notre-Dame de Paris, qui, tel le phénix, va renaître de ses cendres après cinq ans de travaux. On a également parlé de Notre-Dame, ce vendredi 15 novembre, à Ho Chi Minh-ville, mais pour une raison toute autre. L’Union de la jeunesse communiste avait en effet organisé une rencontre avec trois anciens activistes suisses qui s’étaient illustrés en hissant le drapeau du Front National de Libération du Sud-Vietnam sur la flèche de Notre-Dame le 19 janvier 1969 ! Les « coupables » n’avaient pas été démasqués, à l’époque… Ce n’est que l’année dernière qu’ils se sont eux-mêmes « dénoncés » (il y a prescription, maintenant) en signant un livre intitulé Le Vietcong au sommet de Notre-Dame !
Bernard Bachelard, Olivier Parriaux et Noé Graff sont aujourd’hui de paisibles retraités vaudois. En 1969, ils étaient de jeunes militants pleins d’ardeur, prêts à défendre bec et ongle la cause du Vietnam en lutte contre l’impérialisme.
Mais revenons à ce 18 janvier 1969, car c’est ce jour-là que nos trois jeunes activistes vont se lancer, sur un coup de tête, dans cette aventure rocambolesque, digne d’un Arsène Lupin ou, dans la même veine, d’un Sylvain Tesson.
Bernard Bachelard n'a alors que 26 ans, il est professeur de sport. Olivier Parriaux, lui, a 25 ans et il encore étudiant, de même que Noé Graff, 24 printemps. Tous les trois militent contre la guerre menée par l’armée américaine au Vietnam.
Le Vietnam en lutte contre l’impérialisme
Le 18 janvier, ils apprennent que des négociations de paix vont débuter à Paris. Pour eux, c’est la nouvelle qu’enfin, le Front National de Libération du Sud-Vietnam va être reconnu. Aussi décident-ils de célébrer l’évènement comme il se doit, c’est-à-dire par un coup d’éclat, propre à marquer les esprits.
« À l’évidence, il fallait choisir un lieu élevé. Pas la Tour Eiffel, mais un lieu chargé d’humanisme et respecté dans le monde entier et pas seulement en France. Nous avons décidé alors de préparer l’ascension de Notre-Dame, et d’étudier comment parvenir au sommet de la flèche du Viollet-le-Duc », racontera Olivier Parriaux en mars 2023, à l’occasion d’une réception à l’ambassade du Vietnam à Paris.
Et voilà nos trois comparses partis pour la ville lumière avec la ferme intention de défrayer la chronique ! Les rôles sont répartis : Noé Graff est promu chauffeur et guetteur, et Olivier Parriaux sherpa.
Quant à Bernard Bachelard, le casse-cou de la bande, c’est à lui que revient l’honneur de gravir la flèche de Notre-Dame pour y hisser le drapeau bleu et rouge à étoile jaune qui est celui du FNL ! Aux innocents les mains pleines…
« Tout s’est bien passé en haut grâce à Bernard. En descendant nous avons dû scier quelques tiges de fer centenaires pour freiner les pompiers. Nous sommes descendus en rappel le long de la paroi de Notre-Dame et sommes rentrés à la maison », confiera Olivier Parriaux.
Et c’est ainsi que le 19 janvier au matin, les habitants de l’île de la Cité ont la surprise de voir la célèbre flèche de Viollet-le-Duc transformée en porte-étendard vietcong !
Notre-Dame aux couleurs du FNL
Il faudra attendre 15 heures pour que Raymond Belle, un pompier cascadeur dépêché pour la circonstance, parvienne, suspendu à un câble, à s’accrocher à la croix et à sectionner les cordelettes auxquelles est attaché le drapeau.
Nos trois jeunes militants, eux, ont eu le temps de rentrer à Lausanne ni vus ni connus, non sans avoir contacté Le Monde pour revendiquer leur geste sous couvert de l’anonymat.
Dans les jours qui suivent, la presse internationale s’empare de l’évènement. Les auteurs du « forfait », eux, se frottent les mains : ils ont réussi leur coup au-delà de toute espérance.
Il faudra donc attendre plus de cinquante ans et avoir largement dépassé le délai de prescription pour que la vérité soit connue, de la plume-même de Bernard Bachelard, Olivier Parriaux et Noé Graff, auxquels le Vietnam est aujourd’hui très reconnaissant, d’où la rencontre organisée ce vendredi à Ho Chi Minh-ville.