On connaît tous Vincent et Théo van Gogh, mais on sait moins qu'il y avait un troisième frère dans la famille du grand peintre néérlandais, parti émigrer en Afrique du Sud et figure méconnue de l'épopée du rail et de l'or. Il mourra jeune comme ses aînés, durant la guerre Anglo-Boers. Un livre de lui est consacré, avec quelques bonnes feuilles sur la Johannesburg minière des débuts.
A l'époque où Cornelis Van Gogh s'embarque pour gagner l'Afrique du Sud, en 1889, la traversée au départ du port de Southampton prend 18 à 22 jours sans compter plusieurs jours de train et de diligence pour remonter du Cap à Johannesburg. La ruée vers l'or qui attire des milliers d'orpailleurs artisanaux depuis 1886 a commencé et elle exige de plus en plus de compétences techniques.
Ça tombe bien pour Cornelis. Le petit frère Van Gogh, quatorze ans plus jeune que son célèbre aîné, a 22 ans. Quelques années plus tôt, à la déception de son frère Vincent, il a renoncé à faire carrière chez un marchand d'art comme beaucoup de leurs prédécesseurs dans la famille et il s'est orienté vers la mécanique. Il a une formation d'ingénieur-technicien mécanique, une expérience dans les locomotives à vapeur en Grande-Bretagne et une forte dose d'ennui qu'il espère tuer en partant à l'aventure loin de la vieille Europe.
Mais quand il arrive, c'est le choc. Le jeune Néérlandais, habitué aux paysages de son plat pays natal magnifiquement chantés par les peintures de son frère, découvre avec horreur un lieu aride, en proie à une abominable sécheresse --il y a des carcasses de bétail partout--, sans loisirs sauf la lecture et où il est dangereux de circuler seul et non armé. Il lui faut aussi affronter la peur des serpents et des épidémies.
« Johannesburg n'a aucune beauté naturelle. Nous sommes encerclés par le désert de tous côtés, sans arbres, rien à part une herbe grossière et courte qui n'est même pas verte », écrit-il dans l'une de ses lettres qui ont servi de trames au livre, signé de l'historien et journaliste Chris Schoeman.*
Embauché par la compagnie minière Cornucoppia Gold Mining Company, Cornelis s'occupe d'abord de la maintenance des machines à concasser la très dure roche de quartz, sceptique et inquiet pour l'avenir de cette jeune industrie de l'or dont tout le monde, on ne s'en souvient plus aujourd'hui, craignait l'extinction rapide et pariait sur la faillite. Un procédé de filtrage au cyanure sauvera le secteur de manière inespérée.
Dans l'intervalle, Cornelis trouve à se faire employer dans les ateliers d'une société néérlandaise de locomotives à Pretoria. Le travail est physique et dur mais l'environnement plus familier que l'univers plus british de la mine.
C'est le temps de la construction de la voie ferrée vers le Mozambique, l'usine tourne à plein régime. Johannesburg avec sa prostitution et ses travailleurs alcoolisés fait figure de nouvelle Babylone aux yeux des Boers les plus dévots tandis que les tensions vont croissantes entre la petite république boer enclavée de Paul Kruger et les Britanniques.
Quand le conflit anglo-boer éclate finalement en 1899, Cornelis Van Gogh vient de divorcer après huit mois d'un mariage raté. Il a eu le temps de rentrer une fois aux Pays-Bas, chargé de timbres exotiques pour ses neveux mais ses deux frères sont déjà morts. Au début de la guerre sud-africaine, il fait tourner l'usine de trains au service des Boers, puis s'engage comme volontaire sur le front en 1900 dans un de ces commandos de supplétifs néérlandais, surnommés les « têtes de fromage » par les Boers.
Le plus étonnant dans l'histoire est sans doute la fin. Pas très résistant et malade, Cornelis Van Gogh est rapidement hospitalisé à Brandfort au nord de Bloemfontein où il meurt le 12 avril 1900, officiellement d'un accident. En fait, il se suicide comme son frère le peintre, se tirant une balle dans un accès de fièvre. A vous lire de la suite, pour savoir où est sa tombe et s'il a laissé des toiles de valeur signé de son frère en héritage sur le sol sud-africain. Chris Schoeman garde le suspens jusqu'à la fin.
www.lepetitjournal.com/johannesbourg Mardi 26 janvier 2016
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Crédit photo : La famille Van Gogh : En haut Theodorus van Gogh (1822-1885) et Anna Cornelia van Gogh-Carbentus (1819-1907), En bas de gauche à droite : Vincent Willem (1853-1890), Anna Cornelia (1855-1930), Theo (1857-1891), Elisabetha Huberta (1859-1936), Willemina Jacoba (1862-1941) et Cornelis Vincent (1867-1900), Commons Wikimedia
* « The Unknown Van Gogh ? The Life of Cornelis van Gogh, from Netherlands to South Africa », by Chris Schoeman, 216 p. chez Zebra Press, 2015
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