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TEMOIGNAGE-Le polyamour se répand comme une alternative à la monogamie

TEMOIGNAGE-Le polyamour se répand comme une alternative à la monogamieTEMOIGNAGE-Le polyamour se répand comme une alternative à la monogamie
(Photo © Pixabay)
Écrit par Lepetitjournal Heidelberg Mannheim
Publié le 17 septembre 2018, mis à jour le 23 juin 2023

En Europe on constate une baisse significative des mariages, et ce, parallèlement à une augmentation des divorces. En France, par exemple, on prononce près de 130.000 divorces par an. Face à ce constat, de nouvelles conceptions de l’amour se développent et certains auteurs y voient même la fin de l’hégémonie monogame. Si ces propos peuvent paraître un peu hâtifs, il est certain que de nouvelles façons d’aimer telles que le polyamour séduisent de plus en plus, même en Allemagne.

 

Lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim a rencontré Christina, 39 ans, Joannes, 30 ans et Frank, 40 ans, qui vivent sur ce modèle depuis plusieurs années à Mannheim. Ils nous racontent comment cela se passe au quotidien et nous dévoilent les véritables intérêts et avantages de cette façon de vivre selon eux. Ces témoignages soulignent notamment à quel point les thèmes du respect d’autrui, de la confiance et de la communication sont très présents au sein des groupes polyamoureux.

 

On estime que 10 000 personnes en Allemagne vivraient sur le modèle du polyamour. S’agit-il d’une simple mode ? Cette façon de vivre est-elle plus présente chez les jeunes ? Est-elle passagère ? Difficile à croire quand on sait que le polyamour ne tourne pas seulement autour du sexe, mais propose une manière de vivre qui remet en question beaucoup de nos concepts traditionnels comme la famille, le couple et plus largement l’amour. Souvent amalgamé au libertinage, le polyamour ne doit pas être réduit à un couple « sexuellement ouvert », mais être compris comme une autre forme de vivre ensemble autour de la question de l’amour et non pas uniquement du sexe.

 

Monogamie et amour exclusif : deux concepts historiquement et socialement construits

D’après Christopher Ryan et Cacilda Jetha, auteurs outre-Atlantique du livre à succès « Sex at Dawn » (La sexualité à l’aube), la monogamie serait une construction sociale qui date de l’invention de l’agriculture il y a 12 000 ans - soit hier, à l’échelle de l’humanité. En effet, pendant plusieurs millions d’années les humains vivaient en horde dans lesquelles la paternité était partagée et dans lesquelles les femmes avaient plusieurs partenaires. La monogamie, selon les deux auteurs, serait apparue en même temps que le concept de propriété. Lorsque les hommes ont cessé d’être nomades, ils se sont établis sur des terres labourés : l’agriculture est née et avec elle le concept de propriété entrainant lui-même une sexualité axé sur la reproduction. La question de la paternité devient alors centrale : il fallait posséder son territoire et le transmettre à ses enfants. Il fallait empêcher la femme d’avoir d’autres partenaires. Ainsi nait la monogamie. Au fil du temps, cette vision du couple strictement monogame s’est ancré dans nos sociétés avec l’influence des religions judéo-chrétiennes qui élèvent l’infidélité au rang de pêché, et le mariage comme institution sacrée.

Mais il ne faut pas oublier que c’est bien le sentiment amoureux qui est au centre du polyamour. L’amour, dans la monogamie judéo-chrétienne, est compris comme un amour exclusif entre deux personnes. Le polyamour a une vision bien plus large de ce qu’est le sentiment amoureux. Les Grecs par exemple usaient de trois termes différents pour définir l’amour : eros (l'amour physique, l’excitation sexuelle), philia (la tendresse, ou l'amour de l'esprit de l'autre) et agapé (l'amour désintéressé, l'amour pour l'amour). Le polyamour prend en compte toutes ces nuances. Et partant du constat que l’on peut aimer amicalement plusieurs personnes, que l’on peut éprouver de l’amour pour plusieurs membres de sa famille, le polyamour considère alors que l’on peut également aimer plusieurs personnes de différentes manières. L’amour exclusif ne serait pas une tendance naturelle de l’être humain.


Témoignages

Dans le polyamour, il n’y a pas cette possession, cette appartenance, cette notion de propriété.

Christina et Frank ont une relation ensemble depuis 15 ans, et ont deux enfants de 5 et 8 ans. Depuis qu’ils se connaissent, ils ont toujours vécu sur le modèle du polyamour. Joannes lui, a rencontré Christina il y a un an et demi, et vit maintenant avec elle et Frank sous le même toit.


Lepetitjournal.com/heidelberg-mannheim : quelles sont les différences fondamentales entre le polyamour et la monogamie ?

Joannes : La grosse différence que je vois surtout c’est que la monogamie suit un schéma très fixe : on apprend à se connaitre, on se date, on vit ensemble, on se marie, on a des enfants et une maison et après ? Après plus rien. Dans le polyamour, c’est beaucoup plus libre, tu peux approfondir différentes relations et passer à d’autres relations quand tu le veux. Tu peux vraiment t’attarder sur ce que chacun attend de la relation, on peut se voir une fois par mois comme vivre ensemble et se voir tous les jours… Chaque relation à des possibilités différentes.

Christina : Je pense que ce qui est vraiment important c’est que dans le polyamour, on ne possède pas l’autre, l’autre ne nous appartient pas, et c’est la différence avec la monogamie qui se base sur l’exclusivité et l’appartenance : c’est mon partenaire, il/elle m’appartient, son temps m’appartient. Or, dans le polyamour, il n’y a pas cette possession, cette appartenance, cette notion de propriété.


N’y a-t-il pas des problèmes de jalousie ?

Christina et Frank en chœur : la question revient toujours (rires) !

Christina : oui, il y a des problèmes de jalousie …

Joannes : tout comme il y en a dans une relation monogame.

Christina : pour que le polyamour fonctionne, l’important c’est surtout de communiquer avec les autres. Dans une relation monogame il peut y avoir de la jalousie et la situation empire avec la suspicion d’infidélité, de tromperie et on n’en parle pas ! Alors que dans le polyamour c’est clair, chacun peut voir quelqu’un d’autre et en parler parce que c’est permis.


Le polyamour est-il aussi stable qu’un couple monogame ?

Frank : je dirais que c’est aussi instable qu’une relation monogame. Il y a des hauts et des bas. Comme dans une relation traditionnelle, il n’y a pas de garantie. Ce qui est différent par contre c’est que le fait d’avoir plusieurs partenaires permet de partager des choses différentes avec chacun : il est parfois difficile de trouver quelqu’un qui a exactement les mêmes passions et les mêmes envies que toi, donc c’est important de pouvoir trouver d’autres partenaires avec qui partager des intérêts différents.

Joannes : évidement, c’est aussi un moyen d’assouvir ses différentes pulsions sexuelles. Une relation monogame s’arrête en général plus rapidement qu’une relation entre deux personnes qui vivent sur le modèle du polyamour car ils ont tendance à vite s’ennuyer.

Christina : oui, plus de partenaires permet plus de possibilités.


Comment organisez vous cela au quotidien ?

Joannes : alors par exemple moi j’ai le calendrier de Christina dans mon propre calendrier, et Christina a nos deux calendriers, celui de Frank et le mien. Mais moi je n’ai pas celui de Frank. L’une des choses les plus difficiles c’est d’organiser le temps que l’on passe avec chacun. Nous à 3, vivant ensemble sous le même toit, ce n’est pas très difficile mais pour d’autres personnes qui sont plus nombreuses et qui ne vivent pas forcément ensemble ça peut être très difficile à gérer. Plus il y a de personnes, plus c’est compliqué.


Est-ce que vous limitez le nombre de partenaires ?

Christina : Non non, mais à partir d’un certain nombre de personnes, tu n’as plus assez de temps pour chacun. Plus tu as de partenaires, moins de temps tu peux consacrer à chacun d’entre eux. Tu ne peux pas avoir de relations très intenses et profondes avec 10 personnes par exemple, c’est impossible à gérer : je pense que 2 c’est bien, 3 ça passe encore, et 4 ça peut se faire mais ça devient compliqué à gérer.

Frank : oui ça peut devenir compliqué à organiser et compliqué pour communiquer avec tout le monde. Des questions peuvent se poser comme : « pourquoi passes-tu autant de temps avec lui et seulement quelques jours par mois avec moi » etc. Donc il ya forcément une limite concernant le nombre de personnes, après ça dépend de chacun.


Christina et Frank, vous êtes parents. Que pensent vos enfants de la situation ? En sont-ils conscients ?

Christina : pour eux c’est complètement normal, ils ne connaissent pas d’autres alternatives. Frank et moi avons toujours vécu en collocation avec plusieurs personnes loin du modèle de la famille nucléaire classique. Les enfants ne sont donc jamais surpris de voir de nouveaux visages habiter avec eux régulièrement.

Frank : même s’ils se rendent bien compte qu’on ne vit pas de la même façon que les familles de leurs copains d’écoles…

Christina : mais ils sont habitués à vivre dans un grand groupe, dans une grande collocation. Ce n’est qu’une question d’habitude !

Maxime Ollivier (www.lepetitjournal.com/heideleberg-mannheim), mardi 18 septembre 2018

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Publié le 17 septembre 2018, mis à jour le 23 juin 2023

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