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INTERVIEW - Agnès Jaoui : “C’est compliqué d’être femme aujourd’hui”

Écrit par Lepetitjournal Hambourg
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 juillet 2009
À l'occasion de la sortie en Allemagne de son film "Parlez-moi de la pluie", Agnès Jaoui était à Berlin quelques jours pour le début de la Französische Filmwoche. Au Petit Journal, elle évoque les aléas du féminisme aujourd'hui

Photo @ Studio Canal

Agnès Jaoui est venue seule à Berlin assurer la promo de son dernier film ?Parlez-moi de la pluie?. Mais le compagnon Bacri n'est pas loin. Une fois de plus il co-signe le scénario et joue dans cette comédie douce-amère comme une pluie d'été. Pour son troisième film en tant que réalisatrice, Agnès Jaoui se penche sur des vies ordinaires qui se croisent un été dans le Sud de la France. Agathe Villanova (Agnès Jaoui), féministe fraîchement entrée en politique, revient dans la maison familiale. Elle y retrouve sa soeur (Pascale Arbillot), l'éternelle mal-aimée, croise le chemin de Karim (Jamel Debbouze), le fils de la femme de ménage et réceptionniste d'hôtel, et Michel (Jean-Pierre Bacri), journaliste raté qui se met en tête de faire un documentaire sur elle. C'est joué avec naturel et talent. C'est drôle, burlesque, et tendre. Un film qui a des choses à nous dire sur le racisme ordinaire, le féminisme, la famille. Agnès Jaoui aussi.

Pourquoi la pluie?
Je n'aurais jamais dû prendre ce titre... C'est parce que j'écoutais l'Orage de Georges Brassens, une chanson que j'adore, en allant travailler. Et puis voilà, j'avais en tête cette scène, sous la pluie. Au début, on avait laissé cette chanson dans le film. Puis je l'ai enlevée au montage, parce que ça ne collait pas. Mais le titre est resté, parce qu'on n'en avait pas d'autres, parce qu'il est poétique.

Ce film est plus drôle, plus tendre aussi que votre dernier, ?Comme une image?. Il est peuplé de personnages qui affichent leurs faiblesses. Avez-vous une tendresse particulière pour les gentils losers, les anti-héros?
Oui, j'ai fait ce film en réaction avec le précédent dont l'amertume nous avait un peu dépassé. On avait envie de faire un film plus drôle. Pour les personnages, c'est vrai que j'aime bien ça. On veut toujours apparaître fort. Mais bien des gens sont plus touchants, plus proches d'eux-mêmes quand ils sont en état de faiblesse. Cela permet de baisser les armes qui vous empêchent d'être en contact avec les autres. Je suis touchée par le fait qu'on soit tous des mortels, des faillibles, qu'on a tous envie d'être aimés.

Les femmes ont une place centrale dans ce film : il y a Mimouna, la mère qui se sacrifie, qui est dans le don. Puis il y a les deux soeurs, la femme dépendante, un peu fragile face à celle qui a réussi, qui a l'air forte. Chacune à sa manière fait face aux contradictions de la condition de femme. Est-ce si difficile d'être femme aujourd'hui?
Oui, c'est compliqué, grâce et à cause des avancées du combat féministe. Aujourd'hui on a le choix, de faire des enfants par exemple. C'est une avancée immense. Mais ça pose aussi des difficultés, parce qu'on se sent encore plus coupable qu'avant. Si on fait le choix d'en avoir, on a intérêt à être une bonne mère. Avant il n'y avait pas le choix, les femmes étaient dans le sacrifice, elles n'avaient pas de marge de man?uvre, c'était finalement plus simple, même si moins épanouissant. Aujourd'hui on continue à avoir des vieux modèles de couple bien ancrés dans notre inconscient. Je connais beaucoup de femmes qui gagnent plus d'argent que leurs mecs, mais ce sont toujours elles qui font à manger quand elles rentrent le soir.

Il y aussi deux personnages masculins interprétés par cet inattendu duo ?Debbouze-Bacri? qui fonctionne à merveille à l'écran. Comment vous est venue l'idée de les réunir?

C'est vrai qu'il y a une alchimie. Ce sont des amis de toujours. En les voyant chez moi tous les deux je me disais : il faudrait une caméra pour les filmer. Jamel adore Jean-Pierre, qui le lui rend bien. Il y a quelque chose qui se passe entre eux, ils s'apprécient, et ont un sens de la répartie partagé. A partir du moment où on a écrit le scénario en pensant à eux, cela leur a été facile de se glisser dans le texte et les mots.

Jamel Debbouze est étonnant de sobriété, c'est un personnage tout en intériorité, un peu à contre-courant du Debbouze qu'on connaît...
Oui, c'est un peu le clown triste dans ce duo. L'effet n'était pas voulu. Mais on lui a écrit son personnage parce qu'on sait qu'il est très concerné par l'humiliation ordinaire, le racisme.

Ce film, votre troisième, a encore été co-écrit avec Jean-Pierre Bacri. Imagineriez-vous tourner un film qui ne serait pas écrit par le duo Bacri-Jaoui?
Non, pas tellement. Pour notre prochain projet, on a envie de faire un conte de fée. On s'est demandé si on n'adapterait pas quelque chose, pour casser un peu nos thèmes récurrents. Mais c'est sûr que j'aurais beaucoup de mal à tourner un film que je n'aurais pas écrit. Pourtant on n'écrit pas facilement, ça nous prend beaucoup de temps. Mais c'est quelque chose que j'ai du mal à lâcher. Dans tous les cas, même si c'est une adaptation elle se fera avec Jean-Pierre. Je n'ai pas envie d'écrire sans lui.

Propos recueillis par Stéphanie Pichon (www.lepetitjournal.com/berlin) lundi 6 juillet 2009


?Parlez-moi de la pluie - Erzähl mir was vom Regen?
D'Agnès Jaoui, avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Jamel Debbouze.
Pendant la 9. Französische Filmwoche, le 7 juillet à 21h15 au FilmTheater am Friedrichshain et le 8 juillet à 21h45 au Cinéma Paris.
Sortie sur les écrans allemands le 30 juillet.
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lepetitjournal.com hambourg
Publié le 6 juillet 2009, mis à jour le 6 juillet 2009

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