

Le week-end dernier, Luigi Duquenet, un Français de 22 ans, issu de la communauté du voyage, était abattu par un policier, après avoir forcé un contrôle à Saint-Aignan. Sa mort avait provoqué de violents incidents dans la vallée du Cher. Alors que le climat politique n'est pas du plus serein, rythmé par les rebondissements de l'implication du ministre du Travail dans l'affaire Bettencourt, et sur fond de violence en banlieue grenobloise, Nicolas Sarkozy a annoncé la tenue d'une réunion le 28 juillet à l'Elysée sur les ''problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms''.
Un amalgame malheureusement fréquent
Il n'en a pas fallu plus pour que les associations diverses réagissent. Le président de la République met toutes les caravanes dans le même panier, en annonçant le but de sa réunion élyséenne : faire ''le point sur la situation de tous les départements et [de décider] des expulsions de tous les campements en situation irrégulière''. La Ligue des Droits de l'Homme a aussitôt perçu l'amalgame du président : ''Il ne faut pas faire une réunion pour stigmatiser une ethnie'' car ''cela donne l'impression que tous les gens du voyage et tous les Roms sont des criminels et des délinquants''. Pour Coralie Guillot, de l'association Parada France, qui travaille avec les Roms de Seine-Saint-Denis, pas la peine de se réunir ''car c'est déjà décidé : on n'a jamais vu autant d'évacuations en Ile-de-France que depuis deux ou trois mois''. En bon défenseur, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a pris soin de préciser que le chef de l'Etat ''ne cherche pas à stigmatiser une communauté mais à répondre à une problématique'', ajoutant : ''On a beau être rom, gens du voyage, parfois même français au sein de cette communauté, eh bien, on doit respecter les lois de la République''. Or, selon le gouvernement, cette ''ethnie'' de voyageurs serait truffée de délinquants. Le 10 juillet 2002, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy s'était interrogé devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : ''Comment se fait-il que l'on voit dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu'il y a si peu de gens qui travaillent ?''
Des situations bien différentes
"S'il parle des bidonvilles occupés par des migrants roms en situation d'extrême précarité, cela ne ferait qu'amplifier leurs difficultés et celles des collectivités. S'il parle des gens du voyage, il faut alors rappeler que le dispositif d'accueil n'est pas suffisant'', explique au Monde Stéphane Levêque, directeur de la Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les gens du voyage (Fnasat). Car Nicolas Sarkozy semble également ne pas bien faire la différence entre Français nomades et migrants roms (AFP). Les uns, issus de communautés diverses, seraient environ 350.000 en France. Citoyens français, itinérants ou semi-sédentaires, ils doivent se plier à de nombreuses obligations, et attendent l'application de la loi Besson*. ''Les gens du voyage doivent être traités comme leurs concitoyens'', s'indigne dans L'Express Milo Delage, vice-président de l'Union française des associations tsiganes. A partir de 16 ans, un membre de la communauté des gens du voyage doit être rattaché administrativement à une commune et être titulaire d'un titre de circulation : ''livret spécial'' pour ceux exerçant une profession ambulante, qui doit être tamponné tous les trois mois par la police ou la gendarmerie, au risque d'une peine de prison, ''carnet de circulation'' pour ceux qui n'ont pas de ressources régulières. Le droit de vote n'est accessible qu'aux individus pouvant faire valoir un rattachement de trois ans ininterrompus.
Et pour les autres, les Roms, au nombre de 15.000 environ en France, ils viennent de Bulgarie ou de Roumanie, où ils sont très mal acceptés. Devenus nomades à cause des expulsions à répétition et non par choix, ils viennent en France avec l'espoir, dans le cadre de l'Union européenne, de trouver un emploi. En 2009, 8.000 Roms ont été reconduits vers la Roumanie, dans le cadre d'un programme d'aide humanitaire comprenant un billet d'avion et 300 euros par adulte (100 euros par enfant). Mais près des deux-tiers d'entre eux reviennent ensuite, selon les estimations, car la situation, dans leur pays d'origine, est bien pire que le camp de bric et de broc français.
Lauriane Rialhe (www.lepetitjournal.com) vendredi 23 juillet 2010
*La loi Besson du 5 juillet 2000 oblige les communes de plus de 5.000 habitants à mettre à disposition des terrains d'accueil pour les gens du voyage. Fin 2008, seulement 50 % des places prévues avaient effectivement été réalisées.
En savoir plus :
L'Express, "Les gens du voyage doivent être traités comme leurs concitoyens"
Le Monde, Gens du voyage : les amalgames du gouvernement
Le Figaro, Gens du voyage, Roms : une réalité méconnue


































