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DOSSIER GOETHE - Un procès pour infanticide à Francfort a inspiré Goethe

Écrit par Lepetitjournal Francfort
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 septembre 2016

Le procès spectaculaire de Susanna Margaretha, Brandt condamnée à l'échafaud pour infanticide à Francfort, a inspiré Goethe pour sa tragédie Faust et alimente le cinquième volet de notre dossier consacré au poète

Statue de Goethe

Susanna Margaretha Brandt, âgée de 25 ans, accusée en 1771/1772 d'avoir tué son enfant nouveau-né, a été condamnée et exécutée à Francfort, sur la place de la ?Hauptwache?. Goethe qui était témoin de cette exécution a transformé le sort de la mère malheureuse en littérature et a immortalisé la délinquante par le personnage de Gretchen dans sa tragédie Faust.

Une grossesse non désirée

Née à Francfort le 8 février 1746, Susanna Margaretha Brandt grandit orpheline. Adolescente, elle est employée comme servante dans une auberge de sa ville natale. Un compagnon ambulant hollandais met enceinte la jeune femme naïve et analphabète qui essaie de cacher sa grossesse à ses deux s?urs et à sa patronne. Celle-ci est confrontée à un cruel dilemme : avouer une grossesse aurait signifié le renvoi immédiat et la dissimulation d'une grossesse envers le patron était considérée comme un acte criminel et poursuivie par la justice. Le premier août 1771, au terme de sa grossesse, elle accouche d'un garçon dans la buanderie, sans aucun secours. Les circonstances de la mort du nouveau-né n'ont pas pu être totalement élucidées. Beaucoup d'indices permettent de croire que l'enfant est tombé par terre et la mère, paniquée, l'aurait caché dans l'écurie, déjà mort ou encore en vie.

Du procès à l'échafaud

Susanna Margaretha s'enfuit le lendemain en direction de Mayence, mais rentre le jour suivant à Francfort. Les raisons de ce retour ne sont pas très claires. A la porte de la ville, au ?Bockenheimer Tor?, elle est arrêtée et incarcérée dans la prison de la ?Katharinenpforte?, près de l'église Ste Catherine (Katharinenkirche). Après la découverte du cadavre le 8 juillet, Susanna Margaretha avoue finalement avoir tué l'enfant. Le 12 octobre, après quelques semaines de procès à huis clos, la Cour siégeant dans le Römer prononce alors la peine capitale. La plaidoirie de l'avocat commis d'office qui, dans un récit écrit, évoque les circonstances atténuantes, n'aura cependant aucun écho positif. Le 14 janvier 1772, Susanna Margaretha est décapitée à l'épée, attachée sur une chaise, sur un échafaud érigé devant la Katharinenkirche. Le bourreau s'est même vu félicité pour avoir fait un ?bon travail ? en ayant accompli sa tâche d'un seul coup.
Goethe, qui à l'époque exerçait le métier d'avocat à Francfort, a de son côté été témoin de l'exécution. De par son métier et ses relations familiales, il connaissait plusieurs des personnes impliquées dans la procédure. Il poursuivait attentivement tout le procès et se faisait faire des copies des dossiers. Les événements l'ont tellement impressionné que très peu de temps après, il écrit le Urfaust, première version de sa tragédie qu'il ne terminera définitivement qu'en 1808.

Gretchen, personnage littéraire, symbole toujours vivant de la fille-mère, a traversé les générations

Avec le personnage de Margaretha ou Gretchen, Goethe a su retracer le sort à la fois exemplaire et émouvant d'une jeune fille de la petite bourgeoisie. Faust, scientifique et professeur frustré, passé le cap de la cinquantaine, s'est transformé, grâce à une potion magique avalée dans une cuisine de sorcière, en jeune homme plein de virilité et de désir. La première femme sur laquelle il tombe est la jeune Margaretha, âgée de 14 ans, sortant de l'église. Avec l'aide de son compagnon Méphisto, il arrive à la séduire très vite et la laisse tomber, cherchant d'autres aventures. Gretchen, pour qui Faust était le premier amour et qui voyait en lui un partenaire sérieux, s'était fait des illusions et se retrouve enceinte. Dans un moment de désespoir et de folie, elle tue son nouveau-né. Incarcérée, elle refuse la proposition de fuite de Faust revenu entre temps couvert de remords. Dans un dernier moment de lucidité, elle assume son geste et son terrible acte meurtrier et se prépare à l'exécution, demandant à Dieu de lui pardonner.
Goethe a su parfaitement esquisser en très peu de scènes sa chute, l'exclusion totale de son milieu social et familial, le profond dédain de son frère et son sentiment de culpabilité à cause de la mort de sa mère. Le poète dénonce ainsi dans son ouvrage l'hypocrisie de la ?bonne? bourgeoisie ?chrétienne?.

Depuis toujours, le personnage de Gretchen a provoqué des discussions, marquées aussi par le goût respectif de l'époque des interprètes. Tandis que jusque dans les années 60 du siècle dernier, elle représentait le modèle de l'âme pure et innocente, un autre regard sur Gretchen  s'est fait jour vers la fin du XXe siècle : on commençait à voir en elle la jeune fille bourgeoise à la recherche d'un bon parti, non sans calcul. Il semble que Goethe n'ait préféré ni l'un ni l'autre extrême, tant il a brossé un portrait nuancé du personnage.
La fin de la tragédie n'est pas sans engendrer nombre de débats passionnés : Dieu ne condamnera pas Gretchen mais sauvera son âme. Cette fin a provoqué et provoque encore la réprobation de certains lecteurs et spectateurs qui auraient préféré une fin plus conforme à la morale.

(Photos IF lepetitjournal.com/francfort)

Ingrid Frieg (www.lepetitjournal.com/francfort), jeudi 25 août 2016
Rediffusion du 13 novembre 2014

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Publié le 24 août 2016, mis à jour le 8 septembre 2016

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