

Vainqueur aux tirs aux buts de la Taça Carioca, le club de Ronaldinho est champion de l'Etat de Rio de Janeiro pour la 32ème fois de son histoire après un parcours quasi-parfait, pour le plus grand bonheur de ses supporters. Gros plan sur le club le plus populaire du Brésil
Dimanche, aux alentours de 17h30, Rio est envahi par les cris et les chants des rouges et noirs, les couleurs de Flamengo. Les terrasses des bars se soulèvent, les voitures klaxonnent à la fin de la séance de tirs aux buts clôturée victorieusement par Thiago Neves, l'autre star de l'équipe. Ronaldino, le capitaine, brandit le trophée, Flamengo gagne son 32ème titre de champion de l'Etat de Rio, et se pose en candidat sérieux au championnat national, qu'il a remporté 6 fois. Ce n'est pas seulement la ville de Rio, mais tout le pays qui entre en ébullition, et se partage entre les pros et les antis. Car Flamengo est un club qui ne laisse pas indifférent.
Club le plus populaire du Brésil, il devance les Corinthians de São Paulo, l'ancien club de Ronaldo. Dans un pays où les championnats fonctionnent par Etat, Flamengo a la particularité de dépasser les frontières de celui de Rio. Son premier moment de gloire, au début des années 20 a été parallèle au développement de la radio. Dans les Etats les plus pauvres, notamment dans le Nord, où les clubs de foot n'avaient pas encore de structures suffisantes, les gens suivaient les exploits de Flamengo dans le championnat carioca. Les matchs de Rio étaient les seuls retransmis dans tout le pays.
De Rio, Flamengo est finalement devenu le club de tout un pays. La popularité des rouges et noirs s'est construite en plusieurs temps. Créé en 1895, Flamengo est d'abord un club de régates. C'est en 1911 qu'apparaît l'équipe de football : cette année-là, un désaccord dans l'équipe de Fluminense entraîne la sortie de la moitié du groupe, qui décide de quitter le club et de créer une nouvelle équipe, à Flamengo. C'est à ce moment-là que naît la fameuse rivalité entre les deux clubs, communément appelée le "Fla-Flu". Le journaliste reconnu, Nelson Rodrigues, les qualifiera de "Frères Karamazov du football" : les deux se détestent, mais ne peuvent vivre l'un sans l'autre.
Flamengo, le club des plus pauvres
"C'est dans les années 20 que sa réputation de club populaire surgit", explique Bernardo Buarque de Hollanda, historien spécialisé dans le football. "Sans aucun terrain pour jouer, les joueurs s'entraînaient sur la plage, ou dans les rues du quartier Flamengo." Ainsi, aucune barrière ne les séparait du public, aucun stade ne les fermait de l'extérieur. De cette manière, des gens s'arrêtaient pour les regarder jouer, des personnes provenant de classes sociales basses, dont les finances ne permettaient pas d'aller au stade. A cette époque, au Brésil, le football est un sport d'élite, et les tribunes sont remplies par l'aristocratie. Pour l'anecdote, le terme 'torcedores', synonyme de supporters en portugais du Brésil, tire son origine de cette période : les jeunes femmes aristocrates emmenaient leurs mouchoirs au stade, qu'elles passaient le match à 'torcer' (tordre).
La construction d'un stade dans le quartier de Gavea, dans les années 30, a contribué à poursuivre cette réputation de club populaire. Alors qu'aujourd'hui Gavea est considéré comme un quartier riche, il était à l'époque en pleine industrialisation, et l'équipe s'entraînait d'ailleurs juste à côté d'une favela (favela do pinto). D'où l'imaginaire populaire qui a continué à coller à la peau du clube rouge et noir, alors même que son stade la faisait entrer de nouveau dans un cercle plus élitiste.
Un club de "vautours"
Le second grand moment de gloire du Mengão (surnom de Flamengo) survient donc au début des années 40, lorsque la bande de Zizinho mène le club vers un triplé (1942, 1943, 1944) dans le championnat carioca. Dans les années 60, le championnat est dominé par Botafogo, puis par Fluminense au début des années 70 ; Flamengo ne peut rivaliser. Leur statut de club des plus défavorisés et la réputation violente de ses supporters amène les autres clubs à caractériser les flamenguistes de "vautours". En 1969, ces derniers retournent la situation, et lors de la finale du championnat carioca, un supporter lance un vautour dans le stade du Maracana. Flamengo l'emporte après une longue période de disette, et adopte l'animal comme mascotte et symbole.
L'année 1978 marque le début d'une période faste pour l'équipe rouge et noire, emmenée par le phénomène Zico. 5 championnats de Rio, 2 championnats brésiliens, et un motif de gloire pour tout le Brésil : la victoire 3-0 contre Liverpool en finale de la Coupe Intercontinentale. Flamengo, club de vautours, a réussi à unir tout un peuple. Ce caractère national le suit jusqu'à aujourd'hui, ce qui fait de lui un club si spécial. "Je ne vois aucun autre club qui cristallise les supporters, non seulement d'une ville, mais de tout un pays", poursuit Bernardo Buarque de Hollanda. "En Europe, du moins. En Argentine, c'est peut-être le cas de Boca Junior".
Flamengo évolue aussi au rythme de ses supporters, considérés comme les plus violents de Rio. Lors de la toute récente finale contre Vasco, 9 blessés graves ont été recensés, et 101 arrestations effectuées. Nombreuses sont probablement l'oeuvre de la 'Torcida Jovem', groupe de supporters ultras créé en 1967 et reconnu pour ses frasques hors du terrain, mais aussi pour son engouement les jours de match. D'autres groupes de supporters viennent également animer les parties, comme notamment le groupe 'Raça rubo-negro', qui compte (selon ses propres chiffres) plus de 60.000 adhérents.
Après un trou entre 1992 et 2007, dû notamment à des difficultés économiques, Flamengo est de nouveau champion du Brésil en 2009, suite à une remontée exceptionnelle. Mais l'année 2010 marque une énorme crise médiatique avec l'arrestation de son gardien star, Bruno, accusé d'avoir tué sa maîtresse à cause de problèmes d'argent. L'arrivée de Ronaldinho est ainsi venue relancer une saison mal partie, et fait espérer le meilleur pour le championnat brésilien qui arrive.
Lucas ROXO (www.lepetitjournal.com - Rio de Janeiro) vendredi 06 mai


































