Après trois jours de congés, l'activité a repris samedi son cours normal à Téhéran, mais dans un climat d'inquiétude croissante face à l'aggravation des tensions entre l'Iran et Israël.
"Je ne sais pas qui est en faute, mais il vaut mieux parvenir à un compromis pour éviter qu'une guerre ne commence et que des innocents ne meurent", espère Maryam.
Comme la plupart des Iraniens, cette salariée du privé de 43 ans a suivi les informations sur le bras de fer irano-israélien engagé depuis l'attaque meurtrière menée le 1er avril contre le consulat iranien à Damas, imputée à Israël.
Depuis, chacun attend de voir quelle sera la "punition" annoncée par la République islamique, qui a juré de venger la mort de sept Gardiens de la révolution, dont deux hauts-gradés.
Israël a de son côté prévenu que l'Iran "subirait les conséquences d'une escalade" tandis que de nombreux pays, dont les Etats-Unis, ont appelé Téhéran à "la retenue".
"Plus la réponse de Téhéran tarde, plus elle a des conséquences négatives sur l'économie du pays et intensifie les inquiétudes dans la société", a commenté samedi le quotidien réformateur Shargh.
Ces incertitudes alourdissent le climat de la rentrée après les longs congés du Nouvel an iranien, célébré le 21 mars, et de la fin du ramadan la semaine dernière.
Interrogé dans le centre de Téhéran, Salehi, un fonctionnaire à la retraite, espère que la prudence va prévaloir. "Si Dieu le veut, notre gouvernement va privilégier la raison à l'émotion. Si c'est le cas, il ne devrait pas y avoir de conflit", avance cet homme de 75 ans.
- "Détermination" -
Mais certains habitants de l'immense capitale attendent une réaction des autorités plus forte que lors des précédents assassinats de militaires iraniens imputés à Israël.
"Nous devons cette fois y répondre avec plus de sérieux et de détermination", réagit Youssef, 37 ans, employé du privé.
Pour Ehsan, un professeur d'université de 43 ans, il est "logique" de riposter car les Israéliens "ont attaqué un bâtiment diplomatique iranien" à Damas. "La guerre est toujours mauvaise et inquiétante mais elle est parfois nécessaire pour parvenir à la paix", ajoute-t-il.
"Il semble que les autorités n'aient pas encore pris de décision définitive, du fait qu'elle aura probablement de graves conséquences", estime Ahmad Zeidabadi, expert en relations internationales.
Elles doivent notamment prendre en compte son impact sur l'opinion, qui apparaît davantage préoccupée par les difficultés économiques que par la guerre à Gaza.
"L'éventualité d'une guerre inquiète notamment les chefs d'entreprise, en particulier ceux qui dépendent du cours des devises étrangères. Certains d'entre eux craignent qu'elle ne provoque une pénurie de produits alimentaires", explique l'expert à l'AFP.
Signe de ces inquiétudes, le rial, la monnaie nationale, est tombé à un plus bas historique, à environ 650.000 pour un dollar sur le marché parallèle.
Le pouvoir fait aussi face à "un dilemme" sur le plan stratégique, estime Ali Bigdeli, un universitaire spécialiste des affaires internationales.
"L'Iran est peut-être au bord d'une guerre non désirée", explique-t-il dans le journal Ham Mihan. Car "attaquer Israël depuis le territoire iranien est dans l'intérêt d'Israël et profitera (au Premier ministre Benjamin) Netanyahu. Il pourra achever la guerre à Gaza dans l'ombre de la guerre avec l'Iran".
Pour l'ancien vice-ministre des Affaires étrangères Hossein Jaberi Ansari, Téhéran "devrait choisir l'option la moins coûteuse et en même temps la plus rentable pour répondre à Israël". "La cible la plus légitime pour une frappe iranienne serait les installations sécuritaires et militaires d’Israël dans les territoires occupés depuis 1967, notamment dans les hauteurs du Golan", avance le diplomate.