Les flux de gaz russe vers la France seront totalement taris jeudi, après l'annonce mardi soir par le géant russe Gazprom de la suspension totale à cette date de ses livraisons au groupe français Engie.
"Gazprom Export a notifié Engie d'une suspension complète des livraisons de gaz à partir du 1er septembre 2022 jusqu'à la réception en intégralité des sommes financières dues pour les livraisons", a indiqué le groupe russe dans un communiqué publié mardi soir sur son compte Telegram.
En vertu d'un décret du président russe Vladimir Poutine signé fin mars, Gazprom précise "qu'il est interdit de livrer davantage de gaz naturel à un acheteur étranger si l'acheteur n'a pas effectué le paiement en intégralité dans le délai fixé dans le contrat".
Or Gazprom affirme qu'il n'avait pas reçu mardi en fin de journée l'intégralité des sommes dues pour les livraisons de juillet.
Engie, contacté par l’AFP mardi soir, a refusé de commenter l’annonce de Gazprom.
La Première ministre française Elisabeth Borne, voulant "rassurer les clients d'Engie", a toutefois affirmé que le groupe français avait "trouvé d’autres sources d’approvisionnement", sans préciser lesquelles, sur la chaîne TMC.
Les livraisons de gaz russe à Engie avaient déjà considérablement diminué depuis le début du conflit en Ukraine, passant récemment à seulement 1,5 TWh (térawatt-heure) par mois, selon Engie. Ce chiffre est à rapporter à des approvisionnements "totaux annuels en Europe supérieurs à 400 TWh" pour Engie, ajoute le principal fournisseur de gaz en France, dont l'État français détient près de 24%.
Fin juillet, Engie avait assuré avoir significativement réduit son "exposition financière et physique au gaz russe", qui ne représentait déjà plus qu'à peu près 4% de ses approvisionnements. "C'est complètement dans la marge de la flexibilité de nos portefeuilles, donc on n'est pas du tout inquiets", avait alors déclaré sa directrice générale Catherine MacGregor.
Le groupe avait rappelé que des mesures avaient déjà été mises en place pour pouvoir fournir ses clients même en cas d'interruption des flux de Gazprom.
Jeudi dernier, les stocks de gaz de la France ont dépassé le seuil de 90% de remplissage pour l'hiver (91,47% mardi matin), selon la plateforme européenne Agregated Gas Storage Inventory (AGSI), et la France est en bonne route pour tenir son objectif de 100% d'ici novembre.
"Au niveau des arrivées de gaz, on constate encore aujourd'hui des injections qui continuent à être tout à fait en ligne avec nos prévisions et vont nous permettre de pouvoir arriver à l'entrée de l'hiver avec un taux de remplissage qui sera optimal pour l'ensemble du territoire français", a assuré mardi à l'AFP Pierre Chambon, directeur général de Storengy France, une filiale d'Engie spécialisée dans le stockage.
- Conseil de défense -
Le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran, a confirmé que l'objectif serait atteint "d'ici à la fin de l'été", mais a averti que cela ne signifiait pas que la France aurait "suffisamment de gaz pour passer l'hiver si les Russes le coupaient et si on en consommait beaucoup".
Un conseil de défense consacré à l'approvisionnement en gaz et en électricité du pays aura lieu vendredi sous l'égide du président Emmanuel Macron.
"Entre les +maintenances de gazoduc+ et les +désaccords sur le contrat+, un hiver avec zéro gaz russe est le scenario principal pour l'Europe", estime Simone Tagliapietra, chercheur à l'institut bruxellois Bruegel.
Depuis que les pays occidentaux ont imposé des sanctions à Moscou après le lancement de son offensive contre l'Ukraine, la Russie a plusieurs fois réduit ses livraisons de gaz à l'Europe, qui en est fortement dépendante. La Russie représentait jusqu'à l'an dernier quelque 40% des importations gazières de l'UE.
Les prix du gaz ont explosé sur le Vieux continent, frôlant ces dernières semaines des records historiques (345 euros le MWh en séance) en raison de suspensions attendues d'approvisionnement russe entre le 31 août et le 2 septembre via Nord Stream 1, du fait d'une maintenance du gazoduc, selon une annonce de Gazprom.
Avant l'invasion russe de l'Ukraine, il évoluait autour de 80 euros le MWh.