Le retour d'expatriation est un moment difficile qu'il faut assumer et gérer au mieux. Idéalement, il se prépare dès le départ, au moment de la négociation de votre contrat. Pour éviter un atterrissage en catastrophe, surtout en temps de crise, mieux vaut cultiver ses réseaux, d'autant que le taux d'échec au retour est assez élevé
Avant le départ d'expatriation
Avant de partir, vous devez connaitre votre plan de carrière à votre retour, et la logistique mise en place pour faciliter votre réinstallation. Prenez donc soin d'examiner les conditions légales de votre retour. L'expatrié doit retrouver ses droits dès lors qu'il a cotisé aux assurances chômage et de sécurité sociale, surtout s'il est resté au sein d'une entreprise française. Pour Jean Pautrot, président du Cercle Magellan, un réseau de responsables de ressources humaines et de mobilité internationale, "même si l'avenir est difficile à prédire en ces temps de réorganisations permanentes, les entreprises ont intérêt à définir dès le départ les conditions générales de réintégration, dont le niveau de poste auquel l'expatrié pourra prétendre".
Hans Vanbets, qui gère les expatriés chez BNP Paribas explique dans la Tribune : "Nous considérons que la mobilité internationale fait partie de la carrière de nos cadres dirigeants et de certains experts. Nous leur garantissons également la continuité de leurs droits en France en matière de protection sociale, ainsi que leur réintégration, à leur retour, à des fonctions comparables à celles qu'ils occupaient au moment de leur départ". Selon l'enquête réalisée par Brookfield Global Relocation auprès de 120 multinationales, 74% des entreprises stipulent par écrit les conditions de retour, et 95% d'entre elles ont identifié en amont les nouveaux postes au sein de la société pour leurs impatriés.
Tout n'est pas si rose, les temps changent. François, de Pékin, explique : "Par le passé, les contrats garantissaient à l'expatrié un retour dans la maison mère dans un poste au moins équivalent. Mais la crise est passée par là et aujourd'hui, il est vain de croire qu'un poste nous attendra en cas de retour. Les expatriés coutent cher et les entreprises ont eu tendance à réduire leur nombre en période de crise. Ainsi, un grand nombre d'expats se sont retrouvés disponibles sur leur marché "domestique", dans mon cas en Europe, où la crise était bien plus sévère qu'en Asie. C'est pourquoi, les contrats ont tendance à évoluer: Plus de clause de retour garanti mais un "severance package" (indemnités de départ) en cas de non reclassement".
Cultiver le réseau
Le meilleur atout de l'expatrié est, comme tous les employés, la qualité de sa performance. Vient ensuite la nécessité de bien communiquer et que le siège le sache. Savoir-faire et faire-savoir... Pour Stéphane, expatrié à Singapour : "de la même façon qu'on gère une relation clients, on gère une relation avec son employeur. Il est important de faire une analyse précise des décideurs (patrons de business units ou de business areas) et des prescripteurs (RH) et de faire des visites régulières au siège. Si ces personnes viennent sur le terrain, il faut s'assurer que leurs visites (rares) soient de vrais succès, qu'ils vous mettent dans la shortlist et qu'ils pensent à vous quand un poste se libèrera". A défaut, le candidat au retour n'est pas toujours attendu. "Pendant six mois, j'ai contacté un maximum de responsables en interne pour susciter des opportunités. Mais l'exercice s'avère plus compliqué lorsque vous êtes éloigné des centres de décision : personne ne vous attend et il faut vraiment provoquer la chance pour éviter de se retrouver sur la touche", estime un cadre expatrié. Pourquoi ne pas profiter des réunions au siège pour rester un peu plus et rencontrer les cadres dirigeants ? Toujours selon l'enquête réalisée par Brookfield Global Relocation, 25 % des salariés comptent sur des réseaux de contacts informels.
Les réseaux sociaux sur Internet peuvent permettre de contourner la distance géographique. En avril 2010, LinkedIn était utilisé par plus de 65 millions de professionnels dans le monde, de plus de 150 secteurs d'activités dans 200 pays. En France, le réseau compte 1 million de membres. Son concurrent français, Viadeo, compte plus de 25 millions de membres en avril 2010 dont environ 2,5 millions en France et 2,5 millions en Chine. Le but? Rester en relation avec les professionnels que vous avez eu l'occasion de rencontrer. "Votre réseau est l'un des aspects les plus importants de votre profil. Découvrir que l'on partage une connaissance commune renforce sa crédibilité. Et cette valeur de la communauté fonctionne dans les deux sens", assure Météojob.
Ne pas partir trop longtemps
Certains expatriés partent avec l'idée qu'à leur retour, on leur déballera le tapis rouge, mais il faut parfois de longs mois pour que l'entreprise offre un poste qui corresponde aux attentes de l'expatrié. La réintégration au siège de l'entreprise après avoir connu l'autonomie, et de belles responsabilités, n'est pas toujours facile. Il faut le temps de se réhabituer aux modes de vie et de pensée. La méfiance est parfois partagée. Pour Manuelle Malot, auteur du Guide du recrutement international, "plus on reste dans le pays, plus le retour s'annonce difficile. Il faut se réhabituer à la vie en France et les entreprises sont parfois méfiantes. Elles craignent que ces salariés aient du mal à se réadapter au management à l'européenne, à la hiérarchie, à avoir moins de responsabilités. L'idéal, lorsqu'on a jamais eu d'expériences en France est de ne pas s'expatrier plus de six ans".
La crise accroît le taux d'échec au retour
Concrètement, la plupart des entreprises choisissent d'étudier les opportunités de retour quelques mois avant le jour J. C'est une transition délicate à gérer pour le salarié et sa famille comme pour l'employeur qui doit reconsidérer attentivement l'évolution professionnelle et humaine de son collaborateur. Beaucoup de changements sont peut-être intervenus (crise, réussite des collaborateurs?) qui rendent l'évolution hiérarchique de l'expatrié aléatoire à son retour.
En France, au sein des sociétés du SBF 120, 1/3 des impatriés quittent l'entreprise dans les 2 ans suivant leur retour, pas toujours de leur plein gré. Les chiffres sont plus importants encore dans l'enquête de Brookfield Global Relocation, avec cette année 38 % des expatriés quittant leur entreprise durant la première année suivant leur rapatriement contre 35 % en 2009 (la moyenne historique sur 15 ans étant de 22 %). Les salariés n'ont souvent pas pu trouver un emploi dans ces sociétés à leur retour à cause de l'économie fragile et ont dans certains cas été licenciés. Alors, pourquoi ne pas repartir à l'étranger ?
Les différents types de contrat :
Si vous êtes détaché (5% de la pratique des entreprises), votre affectation dans un autre pays vous permet de conserver le bénéfice intégral d'une protection sociale dans le pays d'origine, sans suspension du contrat d'origine. Ce statut, très protecteur, est peu utilisé car très coûteux. Si vous êtes expatrié, on vous garantit la reprise des effets de votre contrat de travail d'origine au terme de votre expérience à l'étranger. Vérifiez que votre contrat est bien signé en France et qu'il ne s'agit pas d'une société basée à Jersey, Suisse, ou autres paradis fiscaux pour l'entreprise mais pas pour le candidat à l'expatriation. Monique Cerisier Ben Guiga, sénatrice des Français de l'étranger met en garde contre les "entreprises qui, pour envoyer des gens en Asie, passent par des sociétés de gestion des personnels, domiciliées à Jersey pour éviter la référence au droit français".
Sous contrat local (55%) vous êtes à égalité avec le personnel local et n'avez donc plus de garantie de réemploi en France, sauf négociation («contrat local» stricto sensu : 20%). Si vous le pouvez, il est souhaitable de négocier des mesures d'accompagnement afin d'obtenir un «contrat local +» (35%) qui peuvent porter sur votre statut au moment du retour dans le pays d'origine, des mesures d'accompagnement financier de la mobilité, ou la prise en charge, partielle ou totale, des compensations pour la retraite. Attention, si vous n'avez pas de couverture chômage, vous pourriez, en cas de crise devoir rentrer dans les pires conditions.
Un casse-tête administratif
Lors de votre retour en France, il est nécessaire d'effectuer certaines démarches pour bénéficier des aides et prestations des Assedic, des caisses familiales, des caisses d'assurance maladie. Vous devez résider en France pour faciliter vos démarches administratives.
Sylvie, qui travaille en Allemagne depuis 1972 s'interroge : "J'ai été salariée, puis depuis 1995, non salariée/travailleur indépendant. Ayant été toujours assurée auprès d'une caisse privée en Allemagne, qui me prend en charge ? Si je veux rentrer en France (passer du statut non résident au statut résident) avant l'âge légal de la retraite et continuer mon activité professionnelle en Allemagne, comment et qui me couvre en France. Qui peut me fournir des renseignements là-dessus, c'est toute la question. Il existe des tas d'organismes et c'est un vrai labyrinthe administratif en France....mais je n'ai pas encore de réponse complète qui me satisfasse". Après ses recherches sur le web, Sylvie conseille le site du consulat de Miami "très utile avec des tas d'adresses, en expliquant aussi clairement que possible le chemin du combattant des expats qui veulent rentrer"