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Evelyne Renaud-Garabedian : "Les Français doivent voter !"

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 2 mars 2020, mis à jour le 4 mars 2020

La Sénatrice Evelyne Renaud-Garabedian, présidente de l’Alliance Solidaire des Français de l’étranger (ASFE), s’exprime sur l’importance pour les Français de l’étranger de voter aux prochaines élections consulaires et sur les difficultés rencontrées par nos concitoyens hors de France.

 

Vous êtes présidente de lAlliance Solidaire des Français de lEtranger (ASFE). Dans quel but a-t-elle été créée ?

Evelyne Renaud-Garabedian : L’Alliance Solidaire des Français de l’étranger a été constituée il y a une dizaine d’années par Jean-Pierre Bansard. Cet entrepreneur s’était rendu compte des problèmes des Français de l’étranger car il avait une structure de transit installée dans le monde entier. A l’époque Bernard Kouchner lui avait demandé d’être « personnalité qualifiée » à l’Assemblée des Français de l’Etranger, une fonction qui n’existe plus aujourd’hui. Très rapidement, nous avons essayé de comprendre les problèmes journaliers des Français de l’étranger et avons créé une newsletter d’information. Il y a 5 ans, nous nous sommes rendu compte que pour être vraiment efficace, il fallait que l’on puisse nous-mêmes prendre contact avec les Français de l’étranger. Il fallait donc devenir un parti politique pour avoir accès à la liste électorale consulaire. Cette transformation nous a amené à ce que de nombreux interlocuteurs nous demandent de nous présenter en tant que sénateur des Français de l’étranger. En 2017, nous avons donc présenté une liste et j’ai été élue.

Aujourd’hui, l’objectif de l’ASFE est d’être un mouvement destiné aux Français de l’étranger. On ne parle pas de politique, on ne veut pas faire de politique. Je suis convaincue à titre personnel que mêler la politique partisane avec les problèmes des Français de l’étranger est la raison pour laquelle on n’arrive pas à les régler. La situation des partis fait que les Français de l’étranger ne trouvent pas une véritable écoute.

L’Alliance Solidaire envoie toutes les semaines une newsletter avec un certain nombre d’informations dont des fiches techniques qui sont faites en fonction des demandes reçues. Nous envoyons aussi tous les mois une chronique fiscale. Tout cela est envoyé aux conseillers consulaires qui décident de le relayer ou non auprès des Français. Tous les mois, nous envoyons un résumé de ces informations aux listes inscrites au registre mondial. Quand nous leur envoyons cette newsletter, nous recevons plus de 3000 mails de questions ou de retours. Nous leur apportons une réponse dans les 15 jours.

 

Nous voudrions que les conseillers consulaires représentent le profil actuel des Français de l’étranger

 

Quelles sont les ambitions de l’ASFE pour les élections consulaires ?

Nous voudrions que les conseillers consulaires représentent le profil actuel des Français de l’étranger, ce qui n’est pas forcément le cas actuellement. Beaucoup de jeunes partent à l’étranger et ils souhaitent être représentés. Dans certains pays où il y a des personnes de qualité qui nous sollicitent et qui nous demandent de les aider dans le cadre des élections consulaires, nous leur apportons. A partir du moment où ce n’est pas une liste qui est seulement créée pour remplir des noms sur une liste. Nous sommes totalement hostiles à ça. Si nous présentons des listes, c’est parce que les personnes font un vrai travail et ressentent le besoin d’aider les Français de l’étranger.

 

Pensez-vous qu’il y ait encore beaucoup de travail concernant la dématérialisation des documents administratifs pour les Français de l’étranger ?

Il y a encore énormément de travail. La mesure phare de la dématérialisation concerne les certificats de vie car dans certains pays, c’était un véritable enfer. C’est un peu mieux mais il y a encore beaucoup de carences. Toute une tranche de la population n’utilise pas internet, notamment les personnes âgées. Nous recevons beaucoup de retours dans ce sens là. Comment peuvent-elles faire ? Le conseiller consulaire a son rôle à jouer. S’il a une bonne relation avec l’Ambassade et le Consulat, il peut justement faciliter les situations des Français sur place. Mais ce n’est pas le cas partout.

 

Le point de départ de la charte de l’ASFE est justement de les inciter à voter, peu importe pour quel parti

Les conseillers consulaires ont été exclus de la Loi Engagement et Proximité, est-ce un mauvais signe à l’aube des prochaines élections ?

Je ne pense pas que ce soit un mauvais signe pour les conseillers consulaires mais plus un problème général. Les Français de l’étranger n’ont pas compris que pour exister il faut qu’ils représentent un poids vis-à-vis de la France. Les Français doivent voter ! Or aujourd’hui, lorsque l’on a à peine 10% des Français de l’étranger qui votent pour les élections consulaires et à peine 19% pour les élections législatives, comment voulez-vous que la France considère qu’ils représentent quelque chose ? Le point de départ de la charte de l’ASFE est justement de les inciter à voter, peu importe pour quel parti. Pour voter, il faut qu’ils soient inscrits sur les registres, ce qui n’est pas le cas. Nos dirigeants peuvent se dire qu’ils ne sont pas intéressés par la France, ce qui n’est pas vrai. J’aimerais qu’il y ait une obligation d’inscription sur les registres. Cela permettrait aussi aux Français de pouvoir bénéficier des bourses, ce qu’ils ignorent d’ailleurs pour la plupart. Quand l’enveloppe des bourses n’est pas utilisée d’année en année, elle va être diminuée, comme c’est le cas en ce moment.

 

Est-ce que vous pensez que le vote électronique va pousser d’avantage les Français à voter ?

S’il fonctionne bien, oui mais je suis un peu perplexe. Le problème du vote électronique est que le jour du vote, les Français de l’étranger recevront un code sur leur mobile mais il faut qu’il soit à jour sur le registre. Mais sinon bien entendu, cela devrait faciliter le vote pour tous ces Français qui doivent aller voter dans une ville éloignée.

 

Les Français de l’étranger sont inquiets pour leur retraite et leur couverture santé. Les retraités ne sont plus couverts lors de leur séjour temporaire en France à moins d’avoir cotisé 15 ans en France. Y’a-t-il une discrimination envers les Français ayant privilégié un parcours de mobilité internationale ?

Oui et je pense que c’est parce qu’on imagine que les Français sont partis pour des raisons fiscales. On se dit que ce sont des personnes riches et qui n’ont pas besoin d’aide. Mais ce n’est pas vrai, ils ne partent pas pour des raisons fiscales. Il y a un vrai loupé pour la protection sociale des Français de l’étranger. On aurait pu faire un palier, au lieu de passer de 3 mois à 15 ans.

 

Le Brexit Day a eu lieu mais les négociations sont actuellement en cours. Qu’est-ce que l’on peut craindre de ce Brexit ?

Les Français se posent beaucoup de questions. Beaucoup reviennent d’ailleurs. Ils nous posent des questions sur le Settled Status mais aussi sur comment devenir britannique. Il y a aussi la question de la CRG/CRDS. Alors qu’ils étaient en Europe, les Français du Royaume-Uni bénéficiaient de l’exonération de la CRG et de la CRDS sur les revenus fonciers encaissés en France, mais on ne sait pas ce qui va se passer. Ce n’est pas dans les accords entre la France et le Royaume-Uni. Nous allons organiser une conférence prochainement sur ces sujets là.

 

Le monde entier est en demande de nos professeurs.

 

Vous avez mis en avant le manque d’aides financières pour les enseignants qui souhaitent se former notamment dans les universités du Bureau dEnseignement de la langue et de la Civilisation française à létranger (BELC). Alors que l’on souhaite développer la francophonie, est-ce que les enseignants restent les grands oubliés ?

La difficulté des filières françaises dans les établissements publics locaux, est d’avoir des professeurs français. Or ils doivent se former localement pour pouvoir enseigner et cela coûte de l’argent. Il y a également le problème des visas. Il faudrait trouver des moyens financiers dans les différents pays pour pouvoir les épauler. Le monde entier est en demande de nos professeurs.

Dans le plan de développement, il y a 1000 nouveaux professeurs qui seront affectés. Mais le problème dans le système français, c’est que nous avons des établissements vieillissants, en manque d’équipements. Nous sommes les parents pauvres de l’enseignement à l’étranger. Nous avions jusqu’à présent l’ANEFE qui permettait de garantir les prêts de nos établissements. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est vraiment grave, car c’est le rayonnement de la France qui est en jeu et on perd les Français dans nos établissements.

damien bouhours
Publié le 2 mars 2020, mis à jour le 4 mars 2020