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Damien Regnard - « Il y a des risques majeurs de fermeture d’écoles »

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 28 avril 2020, mis à jour le 29 avril 2020

Le sénateur des Français établis hors de France, Damien Regnard, s’inquiète pour l’avenir du réseau de l’enseignement français à l’étranger post-Covid-19. Dans cette interview exclusive, le sénateur martèle l’urgence d’intégrer l’AEFE dans le plan de solidarité nationale.

 

La plupart des établissements sont en difficulté voire en très grande difficulté.

Est-ce que la situation des établissements français à l’étranger est inquiétante ?

Oui, la situation est particulièrement inquiétante, mais elle est surtout urgente ! Le réseau d’enseignement français à l’étranger compte 522 établissements qui n’ont pas tous le même statut (EGD, conventionnés ou partenaires). Cette grande diversité fait la richesse du réseau et explique que les établissements se trouvent dans des situations différentes, même si de nombreuses problématiques sont identiques. La majorité des établissements ne dispose pas des ressources suffisantes pour faire face aux conséquences de cette crise sanitaire et économique.

La plupart des établissements sont donc en difficulté voire en très grande difficulté. Ce qui rend la situation encore plus inquiétante, c’est l’aveuglement du gouvernement qui refuse de voir « des tensions particulières dans le budget de l’AEFE » selon les mots du secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, à l’Assemblée Nationale.

Aujourd’hui, nous avons le sentiment que les Français établis hors de France ne sont tout simplement pas pris en compte dans le grand plan national de solidarité. Ils représentent pourtant près de 3,5 millions de personnes !

 

Le paiement des frais de scolarité est indispensable à la survie des établissements du réseau

Comment peut-on aider les familles d’élèves en difficultés financières ?

Les familles sont touchées de plein fouet par la crise économique et beaucoup d’entre elles ne peuvent plus payer les frais de scolarité ou refusent de les payer dans leur intégralité puisque, du fait de la fermeture des établissements et bien que le dispositif de continuité pédagogique fonctionne assez bien, ils jugent que les services rendus sont réduits et ne correspondent pas à des frais d’écolage réguliers. Des mesures d’urgence sont donc indispensables.

Quelques établissements ont une trésorerie suffisante pour tenir le choc et engager certaines mesures pour aider les parents comme proposer une remise sur les frais de scolarité du 3ème trimestre, ou offrir des bourses exceptionnelles.

Le paiement des frais de scolarité est indispensable à la survie des établissements du réseau. Il serait souhaitable de mettre en place a minima un échelonnement des paiements quand la trésorerie des établissements ne permet pas une remise sur les frais de scolarité du 3ème trimestre. Par ailleurs, on pourrait aussi envisager de généraliser le dispositif mis en place en Chine et au Vietnam. Ce dispositif permet aux familles boursières ou non-boursières d’effectuer des recours gracieux et des demandes exceptionnelles de bourses pour l’année en cours.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : les budgets de soutien au réseau doivent être abondés pour donner plus de moyens et les procédures assouplies pour donner plus de flexibilité. Par exemple au lieu de se baser sur les revenus de l’année n-1 comme à l’habitude, il faudrait revoir les critères d’attribution en prenant en compte la période de janvier à avril puisque les informations des dossiers de demande déposés au début de l’année 2020 sont désormais caduques.

 

Une réduction des effectifs d’élèves pour la rentrée 2020 aurait des conséquences terribles pour certains établissements

Peut-on redouter des fermetures d’établissements dès la prochaine rentrée scolaire ?

Au-delà de la situation d’urgence pour le paiement des trimestres en cours, il y a effectivement des risques majeurs de fermeture d’écoles, faute d’élèves inscrits pour la rentrée. Si on n’aide pas les familles en difficulté, qu’elles soient françaises ou issues du pays d’accueil ou de pays tiers, alors elles risquent de se tourner vers d’autres solutions moins coûteuses en choisissant par exemple le système public local ou le CNED.

Une réduction des effectifs d’élèves pour la rentrée 2020 aurait des conséquences terribles pour certains établissements, notamment sur un plan financier, qui pourraient ne pas s’en remettre et disparaître. Nous devons tout faire pour empêcher cela !

Pour l’hémisphère nord, la période d’inscription est en cours d’où l’urgence de mettre en place une aide massive à ce réseau d’enseignement, qui bien au-delà de la scolarisation de 370 000 élèves, est un outil d’influence de notre diplomatie et de notre rayonnement dans le monde.

Cette crise sanitaire et économique mondiale est également un révélateur de problématiques qui existaient déjà, comme le recrutement et détachement d’enseignants. Sans élèves et sans enseignants, cela va se compliquer…

 

Il y a urgence à agir et à intégrer l’AEFE dans le plan de solidarité nationale !

Quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour les sauver ?

Pour ma part, j’ai fait quelques propositions de mesures de soutien du réseau d’enseignement français à l’étranger que le gouvernement pourrait mettre en place. On pourrait faire appel exceptionnellement au MENJ, bien que le MEAE soit le ministère de tutelle de l’Agence, pour qu’il prenne en charge le salaire des enseignants des établissements en gestion directe ou conventionnés et des établissements partenaires en mettant en place pour ce faire un système de convention temporaire.

L’État pourrait également prendre en charge les pensions civiles réglées par l’AEFE et qui pèse à hauteur de 74% de la masse salariale et pourrait dégager immédiatement 170 millions d’euros à l’AEFE.

Par ailleurs, l’Etat pourrait octroyer une garantie aux établissements qui souhaiteraient effectuer un emprunt, et faire le maximum pour que les dossiers de crédit en cours garantis par l’ANEF ne soit pas mis en défaut de paiement.

Enfin, on pourrait développer des partenariats dans le cadre de la francophonie avec les entreprises et autorités locales qui pourraient fournir une aide financière aux établissements.

Le gouvernement nous annonce un plan d’aide au réseau d’enseignement à l’étranger, mais en même temps rejette les amendements votés dans ce sens et de manière trans-partisane au Sénat. Il y a urgence à agir et à intégrer l’AEFE dans le plan de solidarité nationale !

C’est le combat que je mène en relayant toutes les informations que je reçois quotidiennement de la part de nos conseillers consulaires, des comités de gestion et des associations de parents d’élèves qui sont tous entièrement mobilisés et qui ne comprendraient pas que notre gouvernement ne prenne pas les moyens de soutenir notre réseau d’enseignement unique au monde et les familles qui le compose.