"Nous allons le faire céder", a lancé lors d'une manifestation à Caracas la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, au sujet du président Nicolas Maduro, dont les partisans sont aussi descendus dans la rue pour célébrer sa réélection malgré les accusations de fraude.
"Ils (les membres du pouvoir) disent que le régime ne va pas céder, vous savez quoi? Nous allons le faire céder, et céder signifie respecter la volonté exprimée le 28 juillet", il y a tout juste un mois, a affirmé Mme Machado devant des centaines de partisans réunis dans l'est de la capitale.
"La contestation ne peut pas être arrêtée (...) Il n'y a pas de retour en arrière possible", a-t-elle ajouté.
Assurant que l'opposition, qui revendique la victoire à l'élection présidentielle, a "une stratégie", elle a souligné qu'"aucun gouvernement démocratique n'a reconnu la fraude de Maduro".
"Liberté ! Liberté !" ou "Nous n'avons pas peur", ont répondu les manifestants à Mme Machado, arrivée sur un camion en compagnie d'autres leaders de l'opposition. Comme lors de deux dernières manifestations, elle a ensuite rapidement quitté les lieux en moto.
Mme Machado, qui vit dans la semi-clandestinité, n'était pas apparue en public depuis la dernière manifestation le 17 août. Le candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia n'était lui pas présent mercredi.
- "Peur" -
"Je lutte pour le Venezuela, pour récupérer notre démocratie. Nous ne voulons pas vivre dans une dictature", s'est exclamée une manifestante, Laidy Molina, une nutritionniste de 60 ans.
"Nous avons peur. Au Venezuela, on craint qu'ils nous mettent en prison, qu'ils ne respectent pas la Constitution, mais nous devons poursuivre la lutte", a-t-elle souligné.
C'était le quatrième grand rassemblement de l'opposition après ceux des 30 juillet, 3 et 17 août.
Au lendemain de l'annonce de la réélection de M. Maduro, des manifestations spontanées avaient fait 27 morts et 192 blessés, et quelque 2.400 personnes ont été arrêtées, de source officielle.
L'organisation de défense des droits humains Foro Penal a dénoncé mercredi une explosion du nombre de "prisonniers politiques" dans le pays, passés de 199 avant l'élection à 1.780 actuellement, selon elle.
Dans l'après-midi, ce sont des milliers de partisans de M. Maduro qui ont manifesté, dans le centre-ville cette fois, pour fêter leur leader.
"Bienvenue à une journée de victoire (...) La vérité a gagné", a lancé M. Maduro.
"Les femmes manifestent pour dire que notre président est Nicolas", a affirmé l'une d'elles, Atenai Figueroa.
"Les femmes demandent à l'empire (américain) de respecter le Venezuela. Une patrie souveraine, indépendante et totalement révolutionnaire, féministe. Vive la patrie, vive le président Nicolas!" a lancé cette habitante du quartier du 23 janvier, réputé acquis au pouvoir.
- Un dur à l'Intérieur -
Mardi, M. Maduro, 61 ans, a opéré un important remaniement ministériel.
Le puissant Diosdado Cabello a notamment pris en main l'Intérieur et la Justice. Souvent considéré comme un dur, cet ancien compagnon d'armes de l'ex-président Hugo Chavez était présent mercredi à la manifestation.
"Si demain le système judiciaire détermine que A, B, C, qui que ce soit, doit être détenu, doit être poursuivi, il sera poursuivi", a-t-il prévenu en référence au candidat de l'opposition Edmundo Gonzalez Urrutia, un ancien ambassadeur de 74 ans.
Vivant lui aussi dans la clandestinité depuis trois semaines, il a ignoré pour la deuxième fois en deux jours mardi une convocation du parquet dans le cadre d'une enquête pour usurpation de pouvoir, le site internet de l'opposition le proclamant vainqueur.
Comme le veut la procédure, le parquet a annoncé mercredi qu'il allait le re-convoquer une troisième fois avant de "décider de la marche à suivre", qui pourrait être un mandat d'arrêt.
M. Maduro a une nouvelle fois ironisé sur M. Gonzalez Urrutia, assurant qu'il avait "acheté des valises" pour s'enfuir.
Le parquet a ouvert début août une enquête contre lui et Mme Machado pour "usurpation de fonctions, diffusion de fausses informations, incitation à la désobéissance aux lois, incitation à l'insurrection, association de malfaiteurs".
M. Maduro a été proclamé vainqueur avec 52% des voix par le Conseil national électoral (CNE), qui n'a cependant pas rendu publics les procès-verbaux des bureaux de vote.
L'opposition, qui a dévoilé les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs, affirme que M. Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 60% des suffrages.
L'opposition a aussi dénoncé l'arrestation de l'ex-député Biagio Pilieri, qui a partagé la scène mercredi avec Mme Machado, et de son fils. Cette arrestation intervient au lendemain de celle de l'avocat de Mme Machado, Perkins Rocha.