Trois mois après le cyclone Chido, Mayotte tente de se relever. Karine Meaux, responsable Urgences de la Fondation de France, revient sur l’élan de solidarité et les défis encore à surmonter.


Lorsque le cyclone Chido a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, la détresse est immense, autant que les conséquences de la catastrophe. Dès le lendemain, la Fondation de France appelle à la solidarité et la réponse des Français est exceptionnelle : "Nous avons récolté plus de 42 millions d'euros", rapporte Karine Meaux, responsable Urgences de la Fondation de France. Une somme bien supérieure aux collectes réalisées lors de catastrophes précédentes, signe d'une prise de conscience des besoins immenses de ce territoire ultramarin.
Mayotte souffrait déjà de graves problèmes structurels, notamment l'accès à l'eau
Ce formidable élan de générosité s'explique par la prise de conscience des besoins immenses de l'île. "Mayotte souffrait déjà de graves problèmes structurels, notamment l'accès à l'eau. Le cyclone n'a fait qu'exacerber ces difficultés", souligne-t-elle. Les catastrophes naturelles sont désastreuses, mais quelques fois l’occasion d’initier des changements profonds et nécessaires.
La Fondation de France a été créée il y a plus de 50 ans. En appelant au don et en faisant le lien avec des experts, acteurs sociaux et associations humanitaires du monde entier, la Fondation réunit les mobilisations privées pour en faire des actions concrètes et utiles, sur tous les territoires. Karine Meaux fait partie de la branche Urgences de la fondation. Son rôle est de lever des fonds dans le cadre de guerres, de catastrophes naturelles, etc.
Une aide d’urgence essentielle mais des besoins toujours criants
Trois mois après la catastrophe, l'urgence n'est pas terminée. Sur le terrain, les actions se multiplient. "Nous avons déjà financé 73 projets associatifs à hauteur de 6,7 millions d'euros", explique Karine Meaux. Les associations locales jouent un rôle crucial, entre distribution d'eau, de nourriture, accompagnement psychologique, aide aux familles en précarité.
Mais les besoins restent considérables : "L'accès à l'eau potable est toujours un combat quotidien. Depuis trois mois, les financeurs publics et privés soutiennent l'achat de bouteilles d'eau, mais ce n'est pas tenable dans la durée. Il faut des infrastructures solides et des investissements à long terme", insiste Karine Meaux.

Des jeunes de quartiers, des militaires et des entrepreneurs ont uni leurs forces
Des initiatives locales inspirantes
Face à l'adversité, la résilience des habitants et leur capacité de cohésion force l'admiration. Karine Meaux raconte qu’"à Tsingoni, un groupe d'associations a réagi immédiatement, organisant la mise à l'abri, l’aide des habitants et le nettoyage des rues. Des jeunes de quartiers, des militaires et des entrepreneurs ont uni leurs forces pour ne pas sombrer dans l'assistanat." Parmi ces initiatives, l'association Yes We Can Nette met en place un système de recyclage innovant, qui permet d’allier recyclage et solidarité : "Les habitants apportent des canettes vides et, en échange, reçoivent des bons pour acheter de la nourriture ou faire leur lessive. C'est une idée simple mais qui a un impact réel", souligne-t-elle.

Reconstruction et relance : un combat de longue haleine
Au-delà de l'urgence, il faut penser à l'avenir, car aider sur du court terme n’est bon qu’un temps. "Nous soutenons des projets de relance économique et agricole pour que l'île retrouve une autonomie alimentaire", explique Karine Meaux. Des aides sont mises en place pour les petits entrepreneurs, avec des prêts à taux zéro pour leur permettre de redémarrer leur activité. Les enfants et les jeunes sont aussi au cœur des préoccupations, étant la partie de la population la plus vulnérable post catastrophe. "Nous finançons des centres d'accueil, des formations agricoles, des activités culturelles et sportives. Il est essentiel qu'ils puissent retrouver un cadre de vie stable et dynamique", appuie Karine Meaux.

Quelles perspectives pour l’avenir de Mayotte ?
Si l'urgence est encore palpable, la Fondation de France veut inscrire son action dans la durée afin de prévenir plutôt que de réagir. "Nous accompagnons les associations locales pour qu'elles se structurent et deviennent plus résilientes face aux crises futures", explique Karine Meaux. Mais de nombreux obstacles restent à surmonter, notamment en matière de logement. Sur place, de nombreuses habitations ont été détruites. "Nous aidons les habitants à rénover leurs maisons avec des normes plus résistantes aux catastrophes. Mais il faudra un véritable plan de reconstruction", prévient-elle.

Trois mois après Chido, l'élan de solidarité est toujours présent
La nécessité d'une meilleure coordination
Malgré cette importante réactivité, un point clé fait défaut : la coordination entre les différents acteurs. Karine Meaux regrette ce "problème récurrent dans toutes les crises. Il faut que les pouvoirs publics, les associations et les financeurs travaillent ensemble de manière plus efficace.” Malgré ces difficultés, la volonté de reconstruire est bien là. "Trois mois après Chido, l'élan de solidarité est toujours présent. Mais nous devons transformer cette mobilisation en un projet de développement durable pour Mayotte", conclut avec volonté la responsable Urgences de la Fondation de France.
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