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EXIL FISCAL – L’exode, mythe ou réalité ?

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Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 30 mars 2013, mis à jour le 2 mai 2018

Au-delà des départs fracassants de Gérard Depardieu ou de Bernard Arnault, qu'en est-il vraiment de cet exode fiscal, qui alimente tous les fantasmes ? Les exilés fiscaux sont-ils tous fortunés ? Quelles mesures fiscales le gouvernement met-il en place pour les Français de l'étranger ?

Une étude rendue publique aujourd'hui par la Fondation Concorde estime qu'en 20 ans, la France a perdu pas moins d'un million d'emplois directs du fait de l'exil fiscal. Des données empiriques basées sur le fait que 3% des 2 millions d'expatriés français sont des chefs d'entreprise de plus de 10 salariés. Combien de sociétés auraient été fondées s'ils étaient restés en France ? Combien de salariés auraient-il employés ? Difficile de le dire. Sur le sujet de l'exil fiscal, le manque de statistiques officielles est criant. Il est techniquement et légalement impossible de différencier un expatrié parti tenter sa chance loin de sa terre natale, d'un exilé fuyant la fiscalité française. Pour tenter de mesurer le phénomène, une étude vient d'être lancée par "le think tank des cabinets d'avocats" (TTCA), constitué d'une quarantaine d'avocats issus de cabinets parisiens et internationaux dont les résultats seront publiés fin avril.


Avec l'élection de François Hollande, la promesse d'une taxe à 75 % sur les très hauts revenus a fait figure d'épouvantail. Une nouvelle version de ce projet de loi devrait être prochainement présentée par le gouvernement. Va-t-elle déclencher une fuite éperdue des contribuables les plus aisés ? L'ISF, principal indicateur permettant de tracer partiellement les départs, ne donne pas des données en temps réel. Les dernières données, datant de 2010, faisaient état de 717 départs d'assujettis à l'ISF. Qu'en sera-t-il pour 2011 et 2012 ? L'avenir nous le dira. La mise en place de l'Exit tax* a certes rendu la démarche plus complexe mais elle n'a pas freiné les plus motivés. Le président de la commission des Finances de l'Assemblée, Gilles Carrez (UMP), a obtenu certains éléments chiffrés auprès de Bercy, relatifs à cette taxe, qui font état d'une stabilité du nombre de déclarations (122 dossiers en 2012, 128 en 2011).


Bilan mitigé pour l'Exit tax



Treize départs par mois, voilà qui est bien loin de l'hémorragie évoquée dans certains médias. Mais Jean-Yves Mercier, avocat associé au CMS Bureau Francis Lefebvre, et membre du Cercle des fiscalistes, explique dans une tribune du Monde que ce chiffre qui se concentre sur les actions détenues dans des sociétés exploitant une entreprise, est peu représentatif. "Le patrimoine immobilier, qu'il soit détenu directement ou sous forme de titres de sociétés, n'est pas déclaré, car la plus-value de cession de ces biens restera fiscalement rattachée à la France en dépit du départ, explique-t-il. L'Exit tax n'atteint pas non plus l'épargne investie dans les contrats d'assurance-vie ni les éléments incorporels détenus en propre (brevets, droits d'auteur)". Et de conclure que "le contingent des personnes qui ont quitté la France alors qu'elles étaient en possession de tels avoirs n'est pas chiffrable et, à coup sûr, nettement plus élevé". Les prochains chiffres des déclarations de l'Exit tax, disponibles en juin 2013, permettront sans doute d'y voir plus clair.

 

Alors combien de départs ?


Des témoignages de fiscalistes ou de déménageurs convergent pour dire que de plus en plus de hauts cadres et de jeunes créateurs d'entreprises quittent en masse la France pour fuir une pression fiscale jugée excessive. "En 2013, on estime à 5.000 le nombre d'expatriés fiscaux", a indiqué Me Jacques-Henry de Bourmont, avocat fiscaliste associé du cabinet Lefèvre Pelletier & associés.
D'après l'agence Barnes, spécialisée dans l'immobilier haut de gamme en France, un tiers des vendeurs sont motivés par un projet d'expatriation vers des pays plus accueillants pour ce qui concerne leur résidence principale. C'est l'ensemble des réformes fiscales touchant l'immobilier qui semblent les motiver, plus que le dispositif touchant les grosses fortunes. Et manifestement, c'est aussi l'instabilité fiscale envisageable ces prochaines années qui les pousse à franchir le pas. "Le nombre de biens que nous avons en stock en France a augmenté de 50 % minimum en un an", indique au Figaro Richard Tzipine, directeur général de Barnes. Parallèlement, l'agence a enregistré dès juin 2012 une forte augmentation des demandes d'acquisitions en Suisse, en Belgique mais aussi au Maroc, au Canada, en Israël, à Miami, New York et Londres. La preuve que ce phénomène ne touche pas qu'une poignée de stars de cinéma ou de capitaines d'industrie. 

 

Qui compose le gros des troupes des exilés ?

 

Le profil des exilés fiscaux a changé. Il ne s'agit plus de riches héritiers ou de quinquagénaires ayant vendu leur société. Ils ne sont pas forcément des milliardaires. Ce sont souvent de "jeunes futurs riches", des cadres supérieurs entre 35 et 50 ans travaillant dans des grands groupes. Des jeunes entrepreneurs de 30 ans, sans enfants et très mobiles, préfèrent s'installer dans un autre pays pour y monter leur société.
Par ailleurs, une enquête réalisée par eFinancialCareers.fr révèle que plus d'un tiers des professionnels de la finance (36 % précisément) envisagent de quitter la France. Les directeurs financiers français seraient aussi de plus en plus nombreux à regarder vers l'international, selon une étude du cabinet de conseils en recrutement Michael Page.
"De plus en plus de groupes internationaux réfléchissent à des moyens différents de s'organiser, notamment en délocalisant de manière progressive une partie de leurs équipes à l'étranger" avoue le responsable d'une importante fédération professionnelle du Medef. "Ces gens-là quittent le territoire dans le cadre d'un certain consensus, et c'est ça qui est nouveau, entre l'employeur et ses salariés, explique l'expert Nicolas Duboille, du cabinet Granrut, sur Europe1. Faisons le même travail dans un autre pays, on gagnera plus, tous ensemble, ailleurs". On peut donc choisir de quitter la France, quitte parfois à être moins payé, afin de ne pas voir ses revenus trop fortement amputés, une autre forme d'exil fiscal.
 

Les retraités, des exilés fiscaux pas comme les autres
 

Sur le plan strictement financier, il est souvent intéressant de partir prendre sa retraite au soleil, d'autant qu'il ne faut pas s'attendre à une revalorisation importante des retraites dans le futur. C'est l'une des principales raisons qui ont amené plus d'un million de retraités à quitter la France (un chiffre en hausse de 13% au cours de la dernière décennie, selon la Caisse des Français de l'Etranger). Partir, même avec des revenus modestes, peut garantir un meilleur niveau de vie. Cela peut permettre de ne plus être soumis à la CSG ou à la CRDS. Tout dépend si l'on est résident ou non et des accords qui lient le pays d'accueil à la France.Parmi les destinations les plus courues par nos seniors figurent le Maroc (pays dans lequel un Français peut bénéficier d'un abattement fiscal de 80%) et les pays du Sud-est asiatique (Thaïlande, Vietnam, Cambodge). 


Quelles dispositions fiscales pour les Français de l'étranger ?

 

Le foyer fiscal est déterminant dans le fait de payer ou non ses impôts en France. Si vous y résidez plus de 183 jours par an et/ou si vos biens fonciers y sont toujours, vous continuez à être imposé en France. Depuis le vote de la loi de finance rectificative, les Français de l'étranger doivent payer des impôts sur leurs revenus fonciers et sur leurs plus-values immobilières à un taux de 15,5%. Jusqu'à présent, une personne (française ou étrangère) vivant hors de l'Hexagone qui percevait des loyers en France, voyait ses revenus imposés en France mais exonérés de prélèvements sociaux (CSG et CRDS). Avec cette nouvelle loi, ils y seront assujettis au taux global de 15,5 %.
Hélène Conway-Mouret, la ministre déléguée aux Français de l'étranger, a écarté la mise en place d'un impôt sur la nationalité obligeant tout Français, quel que soit son pays de résidence, à payer l'impôt hexagonal.
En revanche, le député PS Yann Galut, président de la commission de l'Assemblée nationale sur l'exil fiscal, a déclaré dans une interview au Temps, journal suisse, qu'il aimerait que la France apporte des modifications à la convention fiscale franco-suisse : "Il va falloir que la Suisse se montre beaucoup, beaucoup plus coopérative, l'évasion fiscale coûte à la France entre 30 et 80 milliards d'euros pas an, dont 30% iraient directement en Suisse, c'est inacceptable". Il déclare également vouloir s'inspirer du modèle allemand. Dans la loi allemande,"un contribuable qui s'expatrie doit continuer à déclarer ses revenus à l'Allemagne, et à y payer ses impôts pendant quelques années". Cette mesure n'est mise en place que si plusieurs conditions sont réunies (voir l'article à ce sujet de BFM Business). Appliquée aux exilés fiscaux français, elle pourrait avoir de lourdes conséquences sur leur portefeuille.

MP Parlange-Martin (www.lepetitjournal.com) lundi 25 mars 2013

* Exit tax : Selon le dispositif mis en place sous Nicolas Sarkozy, toute personne quittant la France avec un patrimoine mobilier de plus de 1,3 million d'euros doit déclarer au fisc la valeur de ce patrimoine au jour du départ et la plus value latente, autrement dit sa valeur au jour du départ diminuée de la valeur d'acquisition.
 

Taxe sur les hauts revenus : le Conseil d'Etat relance le casse-tête

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Publié le 30 mars 2013, mis à jour le 2 mai 2018