

Le point le plus spectaculaire de l'accord franco-allemand du 16 juillet s'applique aujourd'hui avec la disparition de la direction opérationnelle bicéphale. Louis Gallois prend seul la présidence exécutive d'EADS, Tom Enders celle d'Airbus. Une nouvelle gouvernance qui fait naître de multiples enjeux
Un mois et demi après l'accord historique annoncé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à Toulouse, EADS entame une nouvelle étape de sa jeune existence, censée faire du champion aéronautique européen une entreprise "normale"alors qu'elle fait face à de nombreux défis (production de l'A380, développement de l'A350, Power 8, parité euro-dollar...). C'est aujourd'hui en effet que Louis Gallois et Tom Enders, jusque-là "co-CEO", vont prendre leurs nouvelles responsabilités, marquant la fin de sept années de direction bicéphale. Au premier, la responsabilité opérationnelle de tout le groupe, au second, celle d'Airbus, la plus grosse filiale d'EADS. Pour ce qui est du conseil d'administration, il faudra attendre encore un peu. Analyse des enjeux d'une transformation historique.
Que se passe-t-il exactement aujourd'hui ? Paradoxalement, pas grand-chose. Les salariés vont bien recevoir un courrier (en quatre langues) signé par Louis Gallois, mais ce dernier ne découvre évidemment pas la fonction de "CEO", puisqu'il la partageait jusque-là. Non, les changements vont plutôt intervenir avec le temps. A ce niveau, les objectifs du "seul patron opérationnel"d'EADS sont doubles. Avec la nouvelle gouvernance, il va pouvoir faire disparaître le double "reporting"des responsables de divisions. A la clef, plus de réactivité dans les décisions. L'idée est d'arrêter dans les deux mois de nouvelles méthodes de travail, plus simples et plus rapides. Et sans aucune différence de traitement entre Airbus, Eurocopter ou Astrium.
L'autre grand chantier de Louis Gallois, s'inscrit plus sur le long terme : il s'agit de diluer au maximum le "face-à-face"franco-allemand. Ce chantier touche plusieurs centaines de cadres dirigeants. Les nationalités doivent se mélanger dans les équipes. Français, Allemands, Espagnols et Anglais vont être invités à bouger hors de leurs frontières (ces derniers sont très volontaires pour aller à Toulouse, dit-on). Au niveau du comité exécutif d'EADS, mais aussi de ceux des divisions, l'équilibre franco-allemand devra bien sûr être encore respecté pour éviter des déséquilibres trop flagrants. En dessous, en revanche, c'est-à-dire pour des centaines de cadres, c'est la compétence qui prévaudra sur la nationalité.
Quid du conseil d'administration ?
Si, pour l'opérationnel, tout a été entériné le 16 juillet, la disparition de la bicéphalité au niveau de la présidence du conseil d'administration nécessite un vote en assemblée générale extraordinaire. Elle devrait se tenir aux alentours du 22 octobre. Arnaud Lagardère cédera donc sa place, et Rüdiger Grube conservera la sienne.
Mais l'ordre du jour ne s'arrêtera pas à ce seul changement : le vote sera à la majorité simple sauf pour un nombre limité de sujets réservés, le "CEO"sera le seul responsable opérationnel présent et il y aura 4 administrateurs indépendants, contre 2 aujourd'hui. Rüdger Grube et Louis Gallois ont d'ailleurs commencé à réfléchir à des noms ce week-end, et les deux hommes semblent avoir des idées assez convergentes. Bref, le nouveau conseil d'administration devrait marquer la fin d'un fonctionnement de type "JV 50-50"et les administrateurs français ou allemands pourront désormais être mis en minorité.
La liste des administrateurs indépendants devra-t-elle respecter l'équilibre franco-allemand ? Oui, mais ce ne sera pas forcément nécessaire, car les accords laissent la possibilité qu'il n'y ait aucun Français ni aucun Allemand (4 administrateurs suisses par exemple). En revanche, s'il y a un ou deux Français, il devra y avoir un ou deux Allemands.
Date et critère de la prochaine rotation. L'alternance pour les trois principaux postes d'EADS doit intervenir tous les cinq ans, mais il restait à déterminer à partir de quand, Louis Gallois, Tom Enders et Rüdiger Grube n'ayant pas entamé leurs mandats en même temps. C'est désormais chose faite : le compte à rebours démarre aujourd'hui. Le jeu de chaises musicales aura donc lieu en 2012, dans le respect de l'équilibre franco-allemand, même si rien n'est figé (lire ci-dessous). Seule certitude aujourd'hui : les accords du 16 juillet indiquent qu'Arnaud Lagardère pourra remplacer Rüdiger Grube, s'il est toujours actionnaire et s'il le souhaite, évidemment.
A quand un siège unique ? Le symbole serait très fort. Oui, mais où ? Ni les Français ni les Allemands ne sont prêts à abandonner Paris ou Munich, et on a du mal à imaginer un déménagement sur une île du Rhin... En attendant, Louis Gallois va continuer à faire la navette. Sur Air France ou sur Lufthansa ?
Alain RUELLO de notre partenaire www.lesechos.fr


































