Récemment nous avons rencontré Marianne qui avait choisi de nous raconter son tour d'Irlande en randonnée. Continuons donc dans la veine des aventuriers qui choisissent de parcourir l'île d'Emeraude autrement. Cette fois-ci nous avons interrogé Julien qui a opté pour une découverte de la verte Erin en vélo !
Lepetitjournal.com : Julien, peux-tu te présenter ?
Julien : Je m'appelle Julien, je suis professeur d’histoire-géo dans la région de Fontainebleau. Durant mes longues vacances d'été, j’ai décidé de faire le tour de l’Irlande à vélo. Mon expérience jusque-là était un Nice-Rome à vélo mais là, c'était ma première grande expédition au-delà des mers.
Pourquoi l'Irlande ?
Parce qu'il y a un côté un peu légendaire, un peu mystérieux. L'Irlande est à la fois proche de la France sans être totalement un pays voisin. Ça apporte une dimension mythologique. C'est une île mythique. En tant que professeur d'histoire, c’est un pays d'histoire et de légendes, avec des drames, des rebellions. C'est proche de la culture celtique ancienne. Je n’étais jamais venu ici. Je m’y suis pris un peu au dernier moment, au mois de juin (2022). Ça faisait plusieurs semaines que j'y pensais.
Au mois de juin j'ai eu le COVID et me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose d’un peu plus exaltant que d'aller sur Côte d'Azur sur la plage lors de l'été. Je ne voulais pas du tourisme de masse. Il y avait déjà les premiers signes de canicule, donc l'Irlande semblait une belle aventure. Je savais que c'était un pays qui n'est pas forcément plat. Il y avait un certain challenge sportif, des paysages grandioses, je me suis dit « pourquoi pas ». J'ai pris un billet aller-retour 14 juillet - 16 août. Un gros mois pour faire le tour par la côte dans le sens des aiguilles d'une montre.
Comment tu t'es organisé au niveau de ton paquetage ?
J'ai eu une petite expérience dans l'armée donc je savais faire mon sac. J’avais une tente sarcophage, un sac de couchage 5°. J'ai pris le minimum. L'Irlande c'est quand même pas la pampa donc on trouve de tout. J’avais le sac à dos accroché sur le porte bagage avec des tendeurs. J’ai acheté un vélo trekking pour aller à la fois sur la route et sur les chemins de campagne. J'avais pris une parka qui a quand même été insuffisante dans la péninsule de Dingle. J'ai dû acheter un Kway à Dingle, je n'étais pas très bien préparé pour la pluie. Je n’avais pas de chaussures Gortex, juste des baskets classiques. J'ai un peu subi la pluie, même si au début il y avait un record de canicule en Irlande. J’ai d'ailleurs pris des coups de soleil !
Il faut le dire, l'Irlande n'est pas un pays où il est facile de trouver où dormir en camping sauvage
Avant de partir, t'étais-tu fixé des étapes ou des points à voir ?
Non, je n’avais pas de « to-do list ». Je m'y suis pris un peu au dernier moment. Je savais que dans l'ouest, c'est là où il y a le plus d’endroits sauvages, donc je voulais traverser l'ouest. J'ai de très très lointaines origines irlandaise du côté de Cavan, je voulais donc aller voir le Comté de mes lointains ancêtres. Ce sont les fameux Français qui sont partis là-bas après la bataille de La Boyne (en 1690 NDR).
Après je voulais aller dans le Kerry et le Connemara. Des endroits un peu mythiques que tout le monde connaît.
Comment étaient tes étapes et comment as-tu fait pour dormir ?
En pratique, j'improvisais. Je m’y prenais sur les coups de 18 heures pour savoir où j’allais dormir. J’ai fait beaucoup de camping. Deux-trois jours de camping pour un jour d’auberge de jeunesse en gros. Et côté camping, sur les trente-quatre nuits, j’ai dû en passer cinq en camping sauvage. Il faut le dire, l'Irlande n'est pas un pays où il est facile de trouver où dormir en camping sauvage. Car les prés ont des clôtures. C'est délicat de trouver des endroits loin d'un regard, dur de trouver où dormir dans la nature sauvage-sauvage. Il y a un bon réseau de campings notamment sur la côte ouest, même si la culture irlandaise n'est pas trop à la tente, mais plutôt au mobile-home. Je trouvais les campings via le portable sur Google Maps.
Comment as-tu géré la batterie de ton portable ?
J'activais les données quand c'était utile et j'avais 2 batteries externes. Il faut être économe en batterie et quand on est en auberge de jeunesse ou au camping il faut recharger.
Il y a alors un monsieur irlandais qui vient me voir et qui me dit que je suis comme un escargot qui porte sa maison !
Qu'est-ce qui t'a marqué ?
Dès le premier jour, je sors de Rosslare (port du sud de l'Irlande, NDR), je suis allé dans un port de pêche, deux heures après avoir débarqué. Il y a alors un monsieur irlandais qui vient me voir et qui me dit que je suis comme un escargot qui porte sa maison ! Je lui dis que je viens d'arriver et il me répond : « surtout bienvenue en Irlande ». Ça m'a vraiment touché. J’ai aussi été marqué par les maisons magnifiques. Les gens me faisaient coucou, m’encourageaient, et ça, venant de France, c'est assez étonnant.
Après, le Connemara m'a beaucoup frappé, c'est magnifique. Je suis peu allé dans les pubs.
Les gens étaient intrigués par ce genre d'aventure
Comment comparerais-tu l’Irlande à vélo par rapport à l’Irlande à pied ?
Tu fais beaucoup moins de rencontres à vélo. Pour faire le tour, je faisais des étapes de 80 km par jour. En moyenne huit-dix heures de vélo par jour. J'ai donc eu moins l'opportunité de faire des rencontres. Après, on rencontre des gens dans les hostels. Autrement les rencontres que j'ai faites, ce sont des Irlandais qui sont venus me voir pour comprendre ce que je faisais avec un sac à dos et un vélo. Les gens étaient intrigués par ce genre d'aventure. A pied, tu as plus l'opportunité de t'arrêter et de parler avec les gens.
Quant à rouler en vélo sur les routes irlandaises, j'ai trouvé que les Irlandais roulaient très bien, qu'ils font très attention aux cyclistes, en laissant un coussin de sécurité. Il faut avoir un vélo qui soit un peu polyvalent, car il faut que le vélo puisse emprunter des chemins avec des nids-de-poule. J'ai aussi pris des nationales, où il y a la bande d'arrêt d'urgence. Ce sont des routes bien plus faciles en termes de dénivelé, mais franchement je n'ai jamais eu peur en vélo. En outre, il n'y a pas besoin de surprotéger son vélo.
Et si on parlait de ton budget ?
Je m'étais donné comme budget 3000€ tout compris, avec le vélo et le bateau. Le vélo je l'ai acheté 350€, la tente 100€ d'occasion sur le bon coin, le ferry 250€. Par contre, le coût de la vie est plus élevé en Irlande qu'en France. Dans le quotidien tu remarques que c'est 20 à 30% de plus dans les magasins. Donc il faut prévoir un budget conséquent par rapport à la France. Au niveau touristique, pour le logement c'est un pays très très demandé. Les hostels c'est 20- 30€, le camping 10€. Donc même si c'était un voyage rustique, j’ai utilisé le budget prévu.
Qu’a dit ton entourage avant que tu partes ?
Ils étaient étonnés, mais après on m'a plutôt encouragé. Mes grands-mères étaient un peu effrayées par l’idée du camping sauvage. Mais ils étaient plutôt confiants, même s’ils étaient surpris.
Est-ce que tu reviendras en Irlande ?
C'est un pays qui m'a beaucoup plu. Je me suis arrêté dans des musées sur l'histoire, une histoire à la fois dramatique et glorieuse par la lutte d'émancipation. Donc oui, tout à fait je reviendrai.
Crédits Photos : Julien