L’Irlande en rando, qui n’en a pas rêvé ? Certains l’ont fait. Nous avons discuté avec Marianne, qui est partie trois mois à pied pour sillonner l’Irlande. Voici son récit, émaillé de quelques conseils pour ceux qui voudraient également tenter l’aventure.
Un voyage initiatique qui aura marqué la jeune Française. Avec du soleil au début, puis de la pluie et beaucoup de paysages qui subjuguent. C’est parti.
Lepetitjournal.com : Marianne, peux-tu te présenter ?
Marianne : Je m’appelle Marianne, j’ai 26 ans, je suis infirmière en service de réanimation depuis 5 ans. J'ai eu besoin de prendre un peu l'air et concilier cela avec une envie de voyage qui traînait depuis quelques années. J'ai décidé de quitter mon travail, de rendre mon appart et de partir voyager. J’ai pris des billets pour l’Irlande pour quasiment 3 mois. Je peux retrouver du travail très facilement quand je rentre.
Pourquoi l'Irlande ?
Parce que j'y suis déjà venue il y a 8 ans et j'étais tombée amoureuse du pays et de la culture. Ça fait 8 ans que je rêve de revenir.
Comment on organise un voyage comme ça ?
Aucune idée. Je ne me suis pas vraiment organisée. J’avais mes billets de départ et de retour. Et un peu de matériel pour toutes les météos. J'avais ma tente et une petite liste de lieux que j'avais éventuellement envie de voir. Finalement ça s'est fait comme ça. La première semaine je l’ai faite avec ma meilleure amie. Cinq jours ensemble, c'était la partie voyage qui était un peu organisée. Je suis allée à l’office de tourisme de Dublin et j’ai pris des cartes avec une petite liste des points marquants. Et j’ai décidé de partir vers le sud. Au feeling.
Dans un premier temps, j'avais envie de seulement marcher et puis après, je me suis rendu compte que 85 km en 3 jours, en marchant sur des petites routes irlandaises qui ne sont absolument pas faites pour les piétons, c’est un peu dangereux. La plupart du temps, je faisais avec ces cartes-là et puis après les endroits où il y avait des chemins de randos. Et puis après, je suivais les panneaux et du moment où j'avais assez de nourriture et d'eau, je suivais juste les panneaux. Je me disais « advienne que pourra ».
Cela s'est fait au fur et à mesure tant en termes d'itinéraires et organisation des randos. Après, je me suis débrouillée avec les réseaux de bus. Et un petit peu de trains. J'avais entendu parler du stop, on m'avait dit que ça fonctionnait pas mal, mais j'appréhendais un peu. Le camping sauvage, je n'appréhendais pas parce que sur les chemins de randos j'étais avec les moutons, donc ça ne me faisait pas peur. Le stop, je ne savais pas forcément sur qui je pouvais tomber. Et puis un jour, je me suis sentie prête à faire du stop. Un peu au feeling.
Pour le trajet, je voulais d'abord aller vers le Kerry, puis vers la moitié du trajet, je me décidais de me rendre à la Fleadh Cheoil (festival de musique irlandaise traditionnelle NDR) de Mullingar. Et Galway – Mullingar, c’était le plus facile à faire.
Après, je voulais revenir vers Galway et ensuite faire le nord. Et ça s’est aussi fait au gré des rencontres et au feeling.
J’ai aussi fait les classiques touristiques comme la chaussée des géants. Puis le Donegal qui est un régal. Là, au moment où nous faisons l’interview (29 août, NDR) je suis à Westport. Et dans trois jours, je rentre en France. J'avoue, après plus de deux mois et demi je fatigue un petit peu, car récemment j'ai enchainé 12 jours de camping sauvage consécutifs !
Mais dans les grandes villes, comme Galway ou Dublin, souvent j'essayais d’aller dans une auberge de jeunesse, un peu plus sécurisée.
Justement, parlons de sécurité, tu n’as pas fait de mauvaises rencontres ?
Non, je n'ai pas fait spécialement de vraies mauvaises rencontres. Pour le stop quand je ne me sentais pas à l'aise je déclinais. Par rapport à l'aspect camping sauvage, ça ne m'a pas gênée du tout parce que la plupart du temps, je dormais sur des chemins de randos. Je dormais au milieu des champs avec les moutons. Des fois où je dormais un peu plus près des villes, j'essayais de me mettre pas trop loin des maisons, et de temps en temps, je plantais la tente un peu tard parce que je passais la soirée en pub à écouter de la musique. Plusieurs fois, quelqu'un m’a dit que j’étais sur un terrain privé, mais je m'excusais avec un grand sourire. Quand on voyait que j'étais une fille seule, ça passait.
As-tu des conseils pour ceux qui veulent faire la même chose ?
J'avais déjà fait le GR 20 en Corse. Il faut être en capacité de se rendre compte de quoi on a à tout prix besoin et de quoi on est en capacité de se passer.
Pour les vêtements, je n'avais pas réfléchi avant. J'avais pris un jeans en gros coton pour la ville. Et il séchait très mal. Du coup pour l'Irlande, c'était pas du tout astucieux. La prochaine fois quand je reviens il me faut quelque chose qui soit plus fin, qui ne soit pas en coton, qui soit d’un textile plus technique. Donc ça oblige à se renseigner avant sur le matériel. C’est sûr que je n’avais pas la petite robe de soirée pour sortir le soir !
Pour la tente, j'ai pris une tente qui supporte la flotte, qui soit la plus étanche possible. J’avais quelque chose qui tenait la route.
Là je me sentais en voyage, pas en vacances parce que quand je fais 30 bornes par jour et qu’il pleut…
Ce qui nous amène au budget : comment avais-tu préparé ton budget et comment tu l'as géré ?
J'ai vendu ma moto. J'avais un peu d'économie de côté. Je n’ai pas trop entamé les économies grâce au camping sauvage mais l'Irlande est extrêmement chère. Je n'aurais pas pu me permettre de dormir en B&B ou dans des hôtels. Après je ne me suis pas restreinte dans le sens où la première semaine il y a eu Dublin avec ma pote. On a fait beaucoup de choses culturelles. Donc 15€ + 15€ + 15€ ça fait vite un budget. Donc après j’ai essayé de me restreindre à 35€ par jour ce qui est déjà pas mal. Pour essayer de rentrer dans un budget de 1000/1100 € par mois à peu près.
Au début je m'étais dit que c’était largement jouable mais dès que tu prends des bus, qui sont assez chers, ton budget augmente. Ce dernier mois je pense que je suis restée dans ce budget de 1100 €, mais seulement sur ce dernier mois.
Avec les billets d’avions je pense que je n’ai pas dépassé les 5000 € en tout mais par contre pour 3 mois, avec un premier mois et demi où je ne me suis absolument pas rationnée.
L'idée ce n’était pas non plus de me mettre en difficulté. Ça reste un voyage. C’est rigolo d’ailleurs quand les gens me demandaient comment se passaient les vacances, je disais « non c'est comment se passe le voyage ? ». Je ne le vois pas comme des vacances. Les vacances tu vas au resto. Là je me sentais en voyage, pas en vacances parce que quand je fais 30 bornes par jour et qu’il pleut…Et le lendemain je remettais les pieds dans les chaussures…
C'est la première fois que je fais ce genre de voyage. C’est pour faire grandir.
Quels sont les souvenirs qui t’ont marquée ?
Les paysages. C’est un pays absolument magnifique. La gentillesse des gens, l'ouverture d'esprit et le fait qu'ils soient très ouverts sur les autres. Les Irlandais sont dans la solidarité, ce qui n'est plus quelque chose malheureusement que je ressens en France. Il y a eu le festival de Fleadh Cheoil à Mullingar aussi.
Et le dépassement de moi-même. C'est la première fois que je fais ce genre de voyage. C’est pour faire grandir.
J’ai fait énormément de très belles rencontres parce que quand les gens nous voient tout seul avec un sac à dos, ils viennent vers toi. Du coup énormément de rencontres faites comme ça, facilement. Ça je pense que tu l'as que quand t'es tout seul. Mais des gens seuls je n’en ai pas rencontrés tant que ça. Une autre fille et deux autres mecs dont un à vélo.
Quels sont les deux-trois endroits les plus beaux d’après toi ?
Le Ring of Kerry, le Donegal et la Péninsule de Beara.
Qu’ont dit tes amis avant que ton départ ?
Il y avait un peu de tout dans le sens où des amis trouvaient ça absolument super mais la plupart ne se sentaient absolument pas capables de se lancer dans ce type de projet. Je suis partie dans une philosophie où j'avais trop de confort. J'avais trop, j'avais tout. L'appartement tout meublé à 25 ans, je me suis dit ce n’est pas possible. Ce n'est pas la vie que je veux. Du coup j'ai vendu, j'ai donné, j'ai rempli 2 voitures pleines à craquer avec de quoi donner à Emmaüs et la Croix Rouge. Ma mère n'a pas compris. Le voyage un peu en mode rustique comme je l'ai fait c'était aussi un besoin intrinsèque de me rendre compte que j’avais trop de choses et qu'à 25 ans ce n'était pas normal. J'avais besoin de ces moments où j'en bave. Ça fait partie du voyage mais ce n’est pas forcément une manière de voyager qui conviendrait à tout le monde.
J'ai eu un bon soutien moral de ma meilleure amie qui était très présente quand j'avais du réseau et de la batterie sur le téléphone. J'ai continué à appeler mes parents régulièrement.
Mais le problème c’était la batterie non ?
Effectivement le problème c'était la batterie. Ça n’a pas du tout été le forfait puisque j'avais pris le forfait 20€ free. C'est mon frère qui m’a dit la veille, que partir sans batterie externe, c’était inconscient. Donc j’ai pris une petite batterie externe légère. Une fois sur place je me suis rendu compte que quand j'étais cinq jours sur les chemins de rando sans trop des civilisations ça ne suffisait pas si je voulais utiliser mon téléphone. D'autant plus quand tu es perdue, avoir une connexion ça pompe encore plus de batterie. Donc j’ai essayé de trouver une batterie externe solaire. J'ai fait tous les magasins d'électroniques de Cork pour m'entendre dire à chaque fois avec un petit sourire que vraiment en Irlande il n'y a pas de soleil donc une batterie externe solaire ils n’ont pas ça !
Et finalement j'ai décidé que, un peu comme, sur le reste et sur le confort, je me serrerais la ceinture. En fait, j'avais aussi trouvé l’astuce si besoin de m'arrêter dans un tout petit pub de village, parce qu'en fait même dans les plus petits villages il y a toujours un pub, et de prendre une limonade et d'y recharger mon téléphone. En soirée au pub, je rechargeais également la batterie.
La préparation de mon sac était donc bonne sauf pour la batterie externe.
Tu vas en faire quoi de ce voyage, un livre-voyage ?
Les photos, il ne faut pas m'en parler (rires). Je pense que j'ai 7500 ou 8000 photos ! Je ne trie pas au fur et à mesure. J'avais plusieurs potes qui m'avaient demandé si j’allais faire un blog…Non ! Ce voyage je le faisais pour moi, je n’étais pas dans cette optique. J'ai quand même mis des photos régulièrement sur Instagram pour mes amis. Et puis j'envoyais quand même de temps en temps des photos à ma famille. Pour les rassurer en même temps. Mais je me dis pourquoi pas faire un album en rentrant ?
Aurais-tu envie de revenir en Irlande pour plus longtemps ?
Pour l'instant il y a quelque chose qui me retient ailleurs mais d'ici peut-être 10-15 ans...
Crédits Photos : Marianne