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Jusqu'en janvier prochain, l'Heritage Museum de Shatin expose la collection personnelle du couturier hongkongais Eddie Lau, qui s'est retiré des catwalks en 1999, après avoir travaillé près de 40 ans dans l'industrie de la mode. Une rétrospective réunissant près de 70 créations et plus de 200 documents d'archives qui n'honore pas seulement une légende de la mode locale mais qui raconte aussi une histoire typiquement hongkongaise, celle d'un enfant du pays, qui à force de rêve et de travail a gagné sa place parmi les étoiles.
Une enfance difficile
Né en 1951 à Hong Kong, Eddie Lau grandit seul avec sa mère, une femme instable et distante qui disparait régulièrement de la maison. "Nous changions souvent de domicile, faisions le va-et-vient entre une grande maison à Kowloon Tong et un appartement à Tsim Sha Tsui ", se souvient le couturier.
Eddie Lau en 1965 à la fin de sa 3ème année d'apprentissage
A huit ans, l'enfant est envoyé en pension à Fanling. Sa mère y fait de temps à autre de brèves apparitions, lui apporte des cadeaux mais oublie de payer les frais de scolarité, ce qui vaut au jeune garçon d'être régulièrement battu par le directeur. "Toute mon enfance, j'ai souffert de la distance et de l'affection incertaine de ma mère. Mais je ne l'ai jamais haïe. Le jour où elle m'a demandé de ne plus l'appeler maman, je n'ai pas dit un mot. Je suis monté sur le toit de l'immeuble où je travaillais. J'ai regardé la lune et je lui ai dit : "A partir de maintenant, je ne verserai plus une seule larme. Un jour, je serai une étoile qui brillera à tes côtés."
Tailleur à 11 ans
Bien que miséreux, l'adolescent est heureux chez ce tailleur venu de Shanghai, un homme élégant et courtois, qui lui apprend les ficelles du métier et lui donne confiance en ses capacités. A 16 ans, Eddie Lau ouvre donc son propre atelier dans un sous-sol de la Kimberley road. Les vendeuses des grands magasins à qui il distribue ses cartes de visite sont alors ses premières clientes.
Robe du soir, collection "Champagne and ivory in colour", 1982
Londres et la St Martin's school
Mais Eddie Lau a bien d'autres ambitions que de finir tailleur à son compte. Ce qu'il veut par-dessus tout, c'est apprendre le stylisme, la haute couture. En 1973, il a suffisamment d'argent de côté pour partir étudier à la fameuse St Martin's school de Londres. "Je ne serais jamais devenu ce que je suis aujourd'hui sans cette école, qui m'a ouvert les yeux et m'a appris ce qu'est vraiment le dessin", avoue-t-il 50 ans après.
Eddie Lau à Londres en 1977 avec le modèle Grace Yu
Le retour à Hong Kong
Après Londres, Eddie Lau rentre à Hong Kong où sa carrière décolle rapidement. Il faut dire qu'il rapporte dans ses valises une collection de robes du soir en mousseline de soie, peinte à la main, qui déchaine l'enthousiasme des magazines de mode. "J'ai eu la chance de rencontrer très tôt ma muse, Paulona Chai. Elle était déjà top model quand je n'étais qu'un tout jeune styliste, mais elle aimait mon travail et ne voulait porter que les robes du soir que je dessinais."
Robes du soir, collection Kai crée pour le Chine art and crafts (HK) Ltd, 1998
Wonderful 1980's
Les années 1980 sont pour Eddie Lau les années de consécration. En 1983, il ouvre ses premières boutiques au Mandarin Oriental de Hong Kong et au très chic Chinese Art and Craft de Silvercord. "Les années 80 furent l'âge d'or de Hong Kong", affirme-t-il un brin nostalgique. "A cette époque, on croisait dans les bars d'hôtels toutes ces actrices qui portaient de magnifiques pantalons pattes d'éléphants assortis de chapeaux. Elles respiraient l'élégance. Moi, qui suis né dans les années 50 et qui ai traversé les dures années 60 et 70, j'ai su apprécier ces folles années où j'étais dans la fleur de l'âge." Chouchou des magazines, le couturier habille dès cette époque nombre de ces Hong Kong stars, Lisa Wang, Eunice Lam, Michelle Yeoh?dont il confectionne la robe de mariée en 1988.
C'est aussi dans les années 80 qu'Eddie Lau fait la connaissance d'Anita Mui dont il devient le couturier et le conseiller en images attitrés. Le fashion designer crée pour la jeune chanteuse des tenues outrageusement sexys (cf. la robe déesse arabe d'Evil girl et la mini-robe en métal clouté de Fiery Red Lips) qui font sensation, des ambiances et des costumes si différents qu'ils valent à la nouvelle diva de la canto pop le surnom de Ever-changing Anita Mui.
Hong Kong spirit
En 1999, Eddie Lau quitte finalement la mode après avoir livré une dernière commande à la demande du président de Cathay Pacific, qui est de ses amis ? créer les uniformes du personnel navigant de la compagnie, uniformes qu'il réactualise en 2004 puis en 2011, année où il dessine également ceux de Dragon air, la low-cost du groupe. "Tout au long de ce projet, j'ai été motivé par l'amitié. Je n'ai pas de famille et ne crois ni au mariage ni au grand amour, les amis sont donc très importants pour moi. En deux ans, entre octobre 2002 et novembre 2004, j'ai perdu mes quatre plus proches complices : Roman Tam, Leslie
Robe de scène créée pour Anita Mui
Aujourd'hui, même si le couturier vit retiré à Shenzhen, il n'a rien perdu du Hong Kong spirit qui le porte depuis toujours."L'exposition consacrée à mes collections à l'Heritage Museum de Shatin n'est pas qu'une histoire de mode. C'est aussi une histoire hongkongaise. Elle m'a donné l'envie d'écrire mon autobiographie (Clair de lune, 2013), ce que je n'étais pas prêt à faire il y a dix ans encore, parce que je pensais que me plonger dans le passé serait trop douloureux. Ça l'a été en effet, mais au final, je ne me suis souvenu que des belles choses et des bonnes personnes sans m'appesantir sur le négatif. Je ne veux pas me plaindre. J'essaie d'être positif et de ne jamais abandonner. C'est aussi ça, l'esprit de Hong Kong auquel je suis attaché."
Florence Morin (www.lepetitjournal.com/hong-kong) reprise du mardi 19 novembre 2013
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Infos pratiques : Exposition Fashion. Image. Eddie Lau Jusqu'au 13 janvier 2014 |
Crédits photos: Florence Morin






































