
Flying sleeves (Crédits photos: Jin Xing)
Le Petitjournal.com/Shanghaï : Vous représentiez la Chine au Festival d'Adélaïde, comment s'est passée la tournée?
Jin Xing: Le fait que ce soit une compagnie indépendante qui représente la Chine au Festival d'Adélaïde est hautement symbolique pour les deux pays. La danse contemporaine est encore si méconnue en Chine. A Melbourne, l'une des plus belles scènes du monde selon moi, nous avons eu un public de 22000 personnes, incroyable !
Vous avez dû annuler l'une des 2 représentations prévues le week end dernier de Made in China, est-ce par manque d'audience?
Nous avons inauguré un nouveau système de collaboration avec le Shanghai Grand Theatre : j'apporte le spectacle, ils se chargent du reste, on partage les risques, on partage les revenus. Bref, clairement entre le nouvel an Chinois et une communication trop tardive… Ils sont pris la décision d'annuler la deuxième représentation. Je le regrette.
Une grande partie de l'audience était occidentale, vous avez du mal à attirer le public chinois ?
Sur les quatre compagnies de danse contemporaine qui existent en Chine, le Jin Xing Theatre est la seule qui prenne le risque de se produire sur de grandes scènes. La danse contemporaine n'est pas toujours d'accès facile, nous demandons au public d'exercer son esprit critique. Le public chinois, même si nous avons déjà beaucoup progressé en 20 ans, n'est pas habitué à une telle exigence, à une telle liberté. Il faudra encore du temps pour éduquer les gens à l'art contemporain.
Vous vous exprimez toujours très librement, ça ne vous pose pas de problème avec les autorités ?
Non. Je me sens la responsabilité de défendre l'art contemporain et, en tant qu'artiste, j'ai la liberté de dire des choses que les hommes politiques ne peuvent pas dire. Aujourd'hui, il y a des dysfonctionnements qui tiennent moins à la politique qu'à la lourdeur du système.
Vous êtes une artiste engagée ?
Oui, en un sens. Mais mon engagement, c'est d'abord au service de la qualité artistique que je le place. Je ne veux pas faire de compromis, et c'est difficile. Si ma compagnie a réussi à survivre depuis 10 ans, sans la moindre subvention, cela tient du miracle. Les problèmes financiers n'ont pas manqué, je vous assure. Et puis, il y a un sentiment constant de frustration : par exemple, j'ai l'impression de ne recevoir aucun soutien des media chinois. La rubrique artistique est remplie d'anecdotes people, on n'y parle pas d'art. Je me bats en permanence pour pouvoir créer et produire, c'est vrai, même si les choses vont de mieux en mieux. 
Je suis Chinoise d'origine mandchoue et j'ai vécu plusieurs années aux Etats-Unis et en Europe. A travers mes chorégraphies, j'essaie d'avoir un langage qui fasse le lien entre les deux mondes. Je me sens profondément asiatique, mais au fond, j'exprime des sentiments, des émotions qui sont d'abord humaines, et, à ce titre, universelles. La technique contemporaine occidentale me permet de donner à mes chorégraphies la sensibilité que je recherche, même si la technique ne doit apparaître en aucun cas.
Jin Xing, par Dirk Bleicker
Aujourd'hui, vous êtes danseuse, chorégraphe, productrice, directrice de compagnie . Comment vous définissez-vous d'abord ?
Je suis une danseuse ! Une artiste. Quand j'étais enfant, plus que la danse, à vrai dire, c'est la scène que j'ai aimée d'abord. Je voulais monter sur scène, avoir le contact avec le public, ressentir ce frémissement unique quand le rideau se lève. Aujourd'hui, je veux être une artiste sur scène, mais aussi dans ma vie. Je pense qu'être artiste c'est aussi une attitude, un style de vie au centre duquel il y a une quête permanente de liberté. Je suis sûre que ça influe sur la façon dont j'élève mes enfants par exemple, j'essaie de leur inculquer cette liberté, même si je leur donne un cadre.
Quels sont les projets du Jin Xing Theatre ?
Nous sommes en train de répéter les spectacles que nous donnerons dans le cadre de l'Exposition universelle, en collaboration avec les Pavillons de Finlande, Suède, Norvège et Autriche au mois de mai. En juin, nous ferons une tournée en Scandinavie, serons en Hollande en juillet, en Norvège en septembre puis en Espagne, Angleterre et Suisse au mois d'octobre. Nous reprendrons à Shanghai en octobre également un spectacle nommé Koumai, qui montre le paradoxe entre la solitude qu'on peut ressentir dans un univers urbain très dense et le partage réel qui existe les êtres les plus isolées des prairies de Mongolie. Normalement, nous monterons ce spectacle à New York en février 2011. Nous devrions aussi être à Paris en 2012.
Et votre rêve, dans 5 ans ?
Mon rêve, c'est d'avoir mon propre théâtre. Un théâtre qui serait aussi une académie des arts, pour éduquer les jeunes artistes à la danse bien sûr, mais aussi au théâtre, à la musique… Et les mettre en contact direct des productions et des spectacles, un peu comme le Lincoln Center à New York. En Chine, il n'y a pas d'institution pour apprendre l'art contemporain, voilà ce que je veux faire. En continuant d'avoir une troupe et de produire des spectacles. Avec toujours plus de créativité !
Propos recueillis par Aude Riom (www.lepetitjournal.com – Shanghai) lundi 22mars 2010
Informations complémentaires
E-mail : jinxingdancetheatre@yahoo.com






























