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Législatives #5ecirco. Samantha Cazebonne et François Ralle. Éducation

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Écrit par Béatrice Bernier-Barbé
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2021

Dimanche prochain (22 avril 2018), se tiendra le second tour des élections législatives dans la 5ème Circonscription des Français établis hors de France. Pour rappel, la 5ème circonscription comprend l'Andorre, l'Espagne, Monaco et le Portugal. Lors des votes du premier tour, seuls 7,87% des français sont partis aux urnes. Le second tour opposera donc Mme Samantha Cazebonne (LREM) et M. François Ralle-Andreoli.

Pour la petite histoire, M. Ralle Andreoli a 44 ans et vit en Espagne depuis 18 ans. Il a travaillé pour le Service Culturel de l'Ambassade de France en Espagne. Il est actuellement professeur d'Histoire-Géographie au lycée français de Madrid. Marié avec une espagnole et papa de trois enfants, il occupe les fonctions de conseiller consulaire depuis 2014.

Quant à Mme Cazebonne, 47 ans, elle est députée de la 5ème circonscription depuis juin 2017 mais son élection a été annulée en février 2018. Après plusieurs années dans l'enseignement, elle devient proviseur d'un lycée français au Maroc et occupe toujours la même fonction mais cette fois-ci au lycée français de Palma de Majorque.

 

Le groupe de parents d'élèves "Avenir des lycées français du monde en danger", basé à Madrid, et très inquiets, comme beaucoup de parents d'élèves, quant à l'avenir du réseau, a décidé de leur soumettre un questionnaire afin de mieux cerner leurs intentions respectives sur le sujet de l'avenir de l'AEFE. Nous vous laissons découvrir leurs réponses. Bonne lecture.

 

Samantha Cazebonne

 

Samantha Cazebonne

Avant tout je tiens à rendre hommage à tous les parents d'élèves qui décident de s’impliquer dans la vie des établissements scolaires du réseau d’enseignement français à l’étranger, et qui veulent mieux comprendre leur évolution pour pouvoir influer. Bravo aux associations de parents d'eélèves ! Bravo à la Fapee (Fédération des APE de l'étranger) et à la Fapalfe (Fédération des APE d'Espagne) ! Et bravo à des mouvements comme le vôtre qui contribuent eux aussi, de manière complémentaire, à relayer nos préoccupations comme parents d ́élèves. Car comme vous, avant d'être candidate ou députée sortante, je suis mère de deux enfants scolarisés dans le réseau.

 

François Ralle Andreoli

 

François Ralle

Bonjour, d'abord je voulais saluer votre initiative et rappeler que je fais partie des premiers signataires de votre pétition, contrairement à l'autre candidate. Depuis que je suis arrivé dans la circonscription en 2000, j'ai une relation étroite avec le domaine scolaire, comme chargé de mission à l'ambassade, puis enseignant, coordinateur de bac de ma discipline, chargé de la formation Sciences Po, comme élu local, puis évidemment comme parent d'élèves. Je suis toujours à disposition des associations de parents qui me sollicitent sur les questions de bourses, d'élèves dys ou en difficulté d'apprentissage, y compris sur la sécurité des établissements. Nous devons protéger notre splendide réseau des aventures et du démantèlement.

 

L’une des raisons du déficit structurel de l’AEFE est la prise en charge depuis 2009 du coût qui ne cesse d’augmenter des cotisations employeurs des agents détachés au sein des établissements conventionnés et EGD de l’AEFE. Ces cotisations sont prises en charge directement par l’état en France et dans les établissements partenaires et opérateur privé type MLF. Que pensez-vous de la prise en charge du coût de toutes les pensions civiles par le Ministère de l’Education Nationale pour ainsi résoudre ce problème de façon pérenne ?

 

Samantha Cazebonne : Il s’agit d’une vraie piste de réflexion à ouvrir dans le cadre de la réforme à venir de l ́AEFE, réforme dans le cadre de laquelle trois ministres m ́avaient chargé d ́une mission interministérielle qui me permettait d’être une véritable force de proposition. Depuis des années maintenant, comme vous le faites remarquer, les déficits s’accumulent et ce sont d ́abord les familles qui en ont subi les conséquences en voyant les fonds de réserve de leurs établissements ponctionnés et les frais de scolarité augmenter de plus de 50% depuis 2009.

 

François Ralle : Pour ce qui est des pensions, vous le savez, ma proposition va beaucoup plus loin que cela. Je propose de glisser l'ensemble de la gestion des personnels sous l'égide de l'Éducation Nationale, comme c'est le cas en Andorre où les lycées français ne connaissent justement pas ces problèmes de pression finance, car reliés directement à l'éducation nationale. Cela n'évite pas seulement la question essentielle des pensions civiles, mais aussi celle des détachements et de la masse salariale trop lourde pour les affaires étrangères, un petit ministère. Je remarque que cette idée que je défends depuis 2014 dans ma campagne consulaire avance et a même été reprise par la FAPEE pour les pensions. Ensuite, la question ce sont les moyens, on peut vous raconter tout type de boniments mais si la baisse de l'action extérieure de l'État qui comprend les bourses et l AEFE est continue comme le montre le projet de loi de finance 2017/2022 et bien cela ne sera pas suffisant.

Ce sera toujours plus difficile pour les familles. C'est donc ce plan de privatisation de l'AEFE qu'il faut dénoncer, celui qu'a annoncé Madame Cazebonne à Faro hier, en compagnie du sénateur Cadic qui en est partisan depuis de nombreuses années. Cadic qui est donc au cœur de cette "réflexion" propose aussi la suppression des bourses sociales au profit d'un chèque famille minimal. C'est l'exact opposé de ma vision solidaire de ce que doit être un réseau accompagné par la France, celui qui produit de si bons résultats et des élèves que nous envient les autres pays et les grandes universités (pas seulement françaises d'ailleurs).

 

Les lycées remplissent une mission de service public pour les Français de l’étranger, qui sont loin d’être tous des familles aisées. Beaucoup paient des impôts en France, et beaucoup ont besoin des bourses pour y scolariser leurs enfants. Cependant malgré le fait que les frais de scolarité ne font qu’augmenter (+60% entre 2008 et 2015 p168, Rapport de la Cour des Comptes octobre 2016), le montant total des bourses ne fait que diminuer (de 125 millions en 2015 à 110 millions en 2018). Que pensez-vous d’une solution qui indexerait l’enveloppe consacrée aux bourses à l'évolution des frais de scolarité et au nombre d'inscriptions d’enfants français ?

 

Samantha Cazebonne : Cela me semble évidemment indispensable si nous voulons permettre à davantage de familles françaises d’intégrer nos écoles. Mon combat dans le cadre de la Commission nationale des bourses, dans laquelle je siègerai si je suis à nouveau élue, ira dans ce sens car depuis de nombreuses années, beaucoup trop de familles ont été exclues de la prise en charge de leurs frais de scolarité par les bourses scolaires.

 

François Ralle : Cette solution c'est celle qui est au cœur de mon programme. Je proposais d'indexer l'enveloppe après l'avoir doublée. C'est raisonnable quand on sait que les Français-es de l'étranger paye 700 millions d'euros d'impôts tous les ans. On nous avait dit à En Marche en 2017 que l'enveloppe des bourses augmenterait. Cependant, le gouvernement actuel a provoqué une augmentation des frais scolarité avec la coupe des 33 millions (+4% à Madrid), tout en limitant les bourses. Je siège en commission de bourse comme élu et, désormais, comme il y a moins de moyens, les consulats proposent de ne pas payer le transport ou la cantine pour les plus modestes. Où va-t-on ? . Beaucoup trop de familles sont sorties et sortent du système en raison de ce renchérissement que vous dénoncez et qui s'accentue depuis un an.

 

Sur le sujet de l’accessibilité, nous avons été informés d’une pratique que nous condamnons fermement : « on n’hésite pas à sortir de cours les élèves dont les familles n’ont pas soldé leur frais de scolarité. Il est demandé aux professeurs (selon des procédures interne) d’interdire l’accès à l’enceinte de l’établissement et de la classe ». Que pensez-vous de ces pratiques ? Comment feriez-vous si vous êtes élu, pour lutter contre elles ?

 

Samantha Cazebonne : Je suis surprise par cette question car comme vous le dites, il s’agit de procédures internes qui relèvent d’un règlement financier et, sauf à être élu consulaire et siéger à la commission de solidarité d’un établissement scolaire, si elle existe, je ne vois pas comment un député pourrait interférer sur une procédure interne. La négociation d’un règlement financier et des procédures qui s’appliquent relèvent de la concertation entre parents élus au Conseil d’administration, personnels élus et la direction. Un député n’a aucun pouvoir pour agir sur cet aspect ; toute autre réponse ne serait que démagogie et promesse intenable.

 

François Ralle : D'abord, pour ceux qui me connaissent, j'ai aidé à maintenir de nombreuses familles dans le réseau et pas seulement Français-es quant on voulait les en faire sortir. Quand on est républicain, on ne sort pas les enfants en cours d'année scolaire entamée, comme vient de le faire vendredi dernier le lycée de Murcie pour deux petits Français qui ne parlent même pas espagnol (on les met dehors pour 1600 euros qui manquent alors que l'on aurait pu faire un échéancier en attendant la commission de bourse, le papa venant de perdre son emploi). C'est ça le modèle des établissements partenaires 100% privés que l'on veut nous proposer. Pourtant, comme cette famille, il en existe beaucoup d'autres. Trop de Français quittent les lycées.

Si je suis élu, je continuerai cette action de terrain au service de tous en usant de la possibilité de déposer des dossiers hors commission comme cela aurait dû être fait ici. Un élu, c'est une garantie de vigilance face aux abus. C'est moi qui avait arraché à la précédente directrice de l'AEFE, de passage en Espagne, la promesse que l'on ne peut expulser un enfant français en cours d'année. J'ai de nombreux relais en commission nationale de bourse, des conseillers AFE qui me soutiennent comme Philippe Loiseau. Avec eux et les sénateurs de l'étranger qui m'appuient, nous serons déterminés face aux expulsions et déscolarisations.

 

L’un des points que nous considérons important est le besoin d’accompagner la hausse des effectifs d’élèves par une croissance des effectifs des enseignants titulaires détachés à l’étranger. Cela fait en effet plus de 6 ans que le nombre de détachements est stable alors que le nombre d’élèves a augmenté de +/- 60.000 élèves sur cette même période. Pensez-vous que le maintien d’enseignants titulaires détachés est un symbole fort et nécessaire pour le maintien de la qualité de l’enseignement ?

 

Samantha Cazebonne : Indispensable, il ne faut pas toucher au plafond d’emploi, des solutions existent pour le maintenir autour de leviers comme la gestion de l’immobilier, la prise en charge de la pension civile etc.

 

François Ralle : Bien évidemment, vous avez tout à fait raison. Mais attention, ce nombre n'est pas stable : on a perdu plus de 1000 postes depuis 10 ans ans et là 512 annoncés en à peine 9 mois de gouvernement ! Cela a deux conséquences. 1. La hausse des frais de scolarité, pour Lisbonne les postes perdus c'est 250 000 euros à compenser par les familles m'a appris la direction du lycée. 2. C'est aussi un autre modèle que l'on veut mettre en place. Regardez dans mon équipe de terminale littéraire, là où je travaille, il y a deux normaliens et plusieurs agrégés. Nous préparons nos élèves pour Sciences Po ou les classes préparatoires que nous connaissons bien, avec des taux de réussite exceptionnels. C'est ce modèle qu'exigent les parents pas un enseignement moins cadré, au rabais tout en étant plus cher. Pour que fonctionne la synergie entre titulaires et recrutés locaux qui font aussi un splendide travail, il faut préserver un taux important de titulaires.

 

Toujours sur la qualité de l’enseignement, on assiste cette année à la suppression de 180 postes d’enseignants titulaires du MEN et la suppression de 332 postes est également prévue pour les 2 ans à venir, ces postes seront remplacés par des contrats locaux. Contrairement aux enseignants certifiés qui sont inspectés par des inspecteurs du MEN, qui formera et inspectera ces enseignants recrutés localement et dans quel cadre réglementaire ?

 

Samantha Cazebonne : Le mode d’évaluation des enseignants a changé. Désormais, ils sont évalués trois fois dans leur carrière. C’est l’équipe de direction qui est aujourd’hui garante, en France comme à l’étranger, de la qualité pédagogique. Mes propositions en matière de formation sont déjà connues. Pour ma part, je pense que les enseignants expatriés, en leur qualité de formateur, ont un vrai rôle à jouer. Quant à l’inspection des non-titulaires, elle existe déjà. Il faut qu’elle accompagne l’enseignant non titulaire de manière régulière et qu’elle lui permette de passer les concours de certifications. Vous pouvez lire mes propositions à ce sujet sur : http://www.samanthacazebonne.com/enseignement-francais-a-letranger/

 

François Ralle : Aucuns moyens ne sont prévus à cet effet. On parle de deux mondes différents, deux modèles d'enseignement. Mais, cela ne semble pas préoccuper les acteurs de ces décisions brutales. Pour eux, tout est merveilleux et va mieux fonctionner avec moins de cadrage, plus de frais pour les familles et moins de formation pour les enseignants. C'est magique.

 

Par ailleurs, nous avons vu sur le site https://ametys.uca.fr/index.html, qu’il existe un diplôme universitaire pour enseigner dans un établissement à l’étranger (bac +2 et 120 heures à distance sur la base de travaux écrit à rendre, pas de formation en classe). Nous allons aussi assister à l’arrivée de Volontaires Internationaux peut-être même avec ce diplôme. Quelle est d’après vous la place de ce diplôme dans la nouvelle réforme ? Qui payera ces nouveaux recrutés ? Qu’elle sera la durée de leur contrat ? Quel sera leur statut ? Qui les inspectera ?

 

Samantha Cazebonne : Je pense que les critères fixés par l’Éducation nationale sont clairs et doivent être la règle, et cette règle appliquée. Aujourd’hui, un enseignant le devient sur la base d’un diplôme universitaire de type master qu’il complète ensuite par une formation grâce aux ESPE. Pour moi, toute autre certification doit se faire à ce niveau de compétences, et donc tout recrutement également.

 

François Ralle : Tout ce qui va dans le sens de la formation des enseignants locaux est positif. J'ai moi même formé de façon bénévole des jeunes que l'on envoyait devant des classes sans la moindre expérience et auxquels il fallait surtout pas donner l'idée que le métier d'enseignant est une souffrance. Mais quand on connaît le terrain, on sait bien que c'est beaucoup plus complexe que l'idée de produire des profs avec un sous-diplôme au rabais. Pourquoi tous les proviseurs d'établissements homologués 100 % privés courent après les titulaires ? Il n'y a pas de mystère le meilleur modèle c'est celui qui met en synergie des titulaires avec des enseignants qui peuvent apprendre progressivement.

 

Finalement, le Président de la République a annoncé un objectif de doublement du nombre d’élèves du réseau en 7 ans mais a annoncé en même temps un maintien de la dotation de l’État à environ 400 millions pour les deux années à venir. Comment envisagez-vous que se fera cette expansion ? Financer comment et par qui ?

 

Samantha Cazebonne : Les effectifs des enfants scolarisés dans le monde ont augmenté de plus de 30% ces dernières années grâce au développement des établissements partenaires qui ne coûtent pas d’argent à l’État et n’ont aucun impact sur le budget versé par ce dernier pour l’AEFE. Au contraire, les établissements partenaires versent des cotisations aux établissements en gestion directe (EGD) pour financer la formation continue des enseignants titulaires et locaux. Je dirais donc que ce développement devra se faire dans les conditions gagnant-gagnant : plus de capacité d’accueil pour les familles et un plus grand budget de formation continue pour les enseignants avec la même part de subvention publique pour les EGD et conventionnés AEFE, les établissements partenaires étant en autofinancement privé dont l’immobilier. Le budget des bourses, lui, devra être augmenté.

 

François Ralle : Personne ne va financer cette expansion, c'est très clair dans la vision qui nous est proposée. On croit qu'une génération spontanée d'écoles et de lycées 100% privés vont se créer... Là où il y a beaucoup de pression démographique, c'est possible que ces centres marchent. Mais quand on pense à Gran Canaria ou Murcie, là où on perd des effectifs tous les ans, il y aura aussi beaucoup d'écoles qui fermeront comme celle de Benidorm que l'on a abandonné. Le mythe des investisseurs privés est une chimère, il suffit de voir les déboires de la fondation Alliance française. Louis Vuitton ne va pas venir investir à Murcie. Voilà le modèle qui est proposé des centres privés pour les personnes aisées qui peuvent se le permettre et l'élite économique des pays d'accueil. Cela s'accompagnera de bourses limitées dont la capacité d'accompagnement sera réduite. Ce n'est pas du tout le modèle qui fait la force et le prestige de la France à l'étranger, celui des établissements accompagnés par la puissance publique. Je pense que l'on confond trop l'enseignement en français et l'enseignement à la française. Une mission chinoise est venue récemment visiter le lycée français de Madrid pour s'inspirer du modèle français. Pendant que nous on le démantèle, notre modèle est copié par les autres. Que c'est révélateur...

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