Le Conseil de l’Arctique se tenait ces 19 et 20 mai à Reykjavik. La Russie en a pris la présidence pour 2 ans succédant à l’Islande. L'Arctique, cet espace immense, riche en ressources devient avec le réchauffement climatique plus accessible et connait ainsi un regain d'intérêt de la part des puissances internationales, ceci bousculant l’échiquier géopolitique.
Quel rôle pour le Conseil de l'Arctique ?
Ce sommet des ministres des Affaires étrangères a lieu tous les deux ans et réunit les huit États arctiques: la Russie, les États-Unis, le Canada, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande ainsi que six organisations représentatives de peuples autochtones. Des pays non-arctiques peuvent y participer en tant qu' observateurs, comme la France ou la Chine par exemple.
Le Conseil de l’Arctique a été créé en 1996 et a pour but de promouvoir les aspects environnementaux, économiques et sociaux du développement durable dans la région.
Les collaborations de cette institution sont avant tout de nature scientifique ou culturelle mais l’Arctique est redevenue une zone de tensions internationales.
Le Danemark et l’Arctique
Le secrétaire d’État américain était passé au préalable à Copenhague. Antony Blinken avait ainsi rencontré le ministre des Affaires étrangères danois, Jeppe Kofod, et à cette occasion avait salué le plan d’investissement du royaume pour la surveillance du Groenland et de l’Atlantique Nord.
Antony Blinken en a également profité pour voir Pele Broberg et Jenis Kristjan av Rana, respectivement ministres des Affaires étrangères groenlandais et féroïen. Le Groenland et les îles Féroé sont deux territoires autonomes rattachés au royaume de Danemark qui souhaitent qu’un rôle plus important dans les négociations internationales sur l’Arctique leur soit accordé. Copenhague est donc tiraillé entre les demandes de ces deux territoires à plus d’autonomie alors que les grandes puissances se réintéressent à l’Arctique et notamment au Groenland.
L'Arctique au centre des convoitises des États riverains et de la Chine
On se souvient de la proposition en 2019 de Donald Trump que le Danemark cède le Groenland aux Etats-Unis afin de protéger leurs intérêts face aux ambitions chinoises et russes dans la région.
Cette rivalité est toujours d’actualité puisque Sergueï Lavrov n’a pas caché les intentions de la Russie d’étendre son influence dans la zone :
Nous voyons des critiques sur le fait que la Russie développe son activité militaire dans l’arctique. Mais il est clair pour tout le monde depuis longtemps que ce sont nos terres, notre territoire, nous répondons de la sécurité de notre littoral et tout ce que nous faisons là-bas est parfaitement légal et légitime.
La Russie renforce sa présence militaire en rééquipant d’anciennes bases, notamment dans l’archipel Francois-Joseph et en installant des systèmes de défense ultramodernes y compris des drones.
La Chine, quant à elle, même en n'ayant aucun territoire dans cette zone, se revendique malgré tout « quasi arctique ». Elle y mène des missions "scientifiques" notamment concernant la montée du niveau de la mer. La Chine a aussi des vues sur les ressources minières et sur les voies maritimes de la Route du Nord.
Les forces de l’Otan organisent elles-aussi régulièrement des exercices dans la région : déploiement de bombardiers en mer de Behring et soutien au plan de surveillance du Danemark.
Accès à de nouvelles voies maritimes et à de nouveaux gisements de richesses naturelles
Avec le changement climatique, la région, dont les ressources sont de plus en plus accessibles est redevenue une zone de tensions géopolitiques.
La fonte de la banquise offre de nouveaux passages maritimes qui pourrait modifier les échanges internationaux : passage entre Europe et l'Asie en passant par la Route du Nord, une route entre Atlantique et Pacifique au large du Canada par le Passage du Nord-Ouest.
Les gisements de minerais et de terres rares (uranium, cobalt, nickel…) du Groenland par exemple suscitent les convoitises de compagnies minières. Cependant, le gouvernement local écologiste récemment élu avait promis de mettre fin à un projet de mine d’uranium et de terres rares (voir notre article: les Groenlandais disent non à l'uranium).
Chaque État tente donc de mettre la main sur un peu plus de territoire, ainsi la Norvège, la Russie, le Canada et le Danemark ont déposé des demandes d’extension de leur plateau continental. Et les Etats-Unis s’apprêtent à faire de même !
Quelques données sur la zone arctique
Cette région s'étend sur 15 millions de km2, du pôle Nord au cercle polaire arctique. Elle comprend l'océan Arctique et, en Europe, les régions du nord de la Finlande, Norvège, Suède et l’Islande, le Groenland (territoire autonome danois), le Grand Nord du Canada et de la Russie et une partie de l'Alaska (Etats-Unis).
L'Arctique compte approximativement quatre millions d'habitants, dont environ 500 000 provenant de peuples autochtones : Inuits, Samis, Iakoutes, Nenets…
Dans ces espaces sauvages, on dénombre plus de 21 000 espèces animales ou végétales. Mais la biodiversité, avec des espèces emblématiques telles que le phoque, l’ours ou la baleine grise, peut être mise en danger par un développement des activités humaines incontrôlé et l’augmentation de la température qui y est deux fois plus rapide qu'ailleurs sur la planète. On parle ainsi d’ "amplification arctique" avec des températures qui n’ont jamais été aussi élevées que ces dernières années. Durant l’été 2020, la banquise a atteint sa deuxième superficie la plus petite jamais enregistrée.
Autres phénomènes alarmants: la fonte de la calotte glaciaire du Groenland qui aurait pour conséquence une hausse catastrophique du niveau des océans, de grands incendies de forêts comme en Sibérie voire le dégel du permafrost ou pergélisol, qui pourrait libérer des quantités importantes de méthane ou de virus.
Climat et environnement devaient être au cœur des discussions de ce sommet mais il semblerait que d’autres sujets aient été privilégiés …