En pleine crise du Conoravirus, le Groenland suscite une nouvelle fois les réactions. L´île danoise se retrouve en effet sur le devant de la scène après l’annonce fin avril par l’Ambassadrice des États-Unis au Danemark, Carla Sands, d’un don de 12,1 millions de dollars pour promouvoir le tourisme, l’éducation et l'industrie minière.
Le Premier ministre groenlandais Kim Kielsen, qui a accepté la proposition, a déclaré "Il est positif que la coopération accrue entre le Groenland et les États-Unis se traduise par des résultats tangibles sous forme de financement de projets au Groenland".
Jon Rahbek-Clemmensen, professeur à l'Académie royale de Défense et spécialiste de la région a expliqué à l´AFP que "Le Groenland est dans une situation économique précaire, où le gouvernement a besoin d'attirer les investissements économiques étrangers pour équilibrer les comptes". Pour rappel, depuis 2009, le Groenland est très largement indépendant du Danemark dans sa politique économique tandis que certains domaines comme la monnaie, la politique étrangère et la défense restent sous contrôle de Copenhague qui verse au territoire près de 3,6 milliards de couronnes (483 millions d'euros) chaque année.
Le Ministre des Affaires Etrangères danois, Jeppe Kofod, a aussi annoncé que ce don ne serait que le premier pas vers une coopération plus étroite, cet accord entre le Groenland et les États-Unis étant un prolongement naturel de la coopération américano-danoise.
Cette offre américaine a cependant été fortement critiquée au Parlement danois, par l’opposition mais aussi par certains petits partis soutenant pourtant le Gouvernement de Mette Frederiksen.
La nouvelle stratégie de Donald Trump
Déjà en décembre 2019, l´Administration Trump avait eu l´accord de Copenhague d´installer un consulat dans la capitale groenlandaise Nuuk pour lui permettre vraisemblablement de garder la main dans la région après sa tentative pourtant vaine d'acheter cette île gigantesque aux ressources infinies quelques mois plus tôt, en août 2019. Par cette première stratégie, Donald Trump avait fait savoir aux puissances riveraines, mais aussi à la Chine, que les États-Unis ont des ambitions dans l'Arctique. Il entend également montrer à la Russie qu'elle ne continuera pas à être « la grande puissance de l'Arctique » même si elle présidera le Conseil de l'Arctique en 2021.
Pour cette nouvelle stratégie, le Danemark et le Groenland auraient collaboré étroitement dans le but de maintenir la paix dans cette région du globe. Avec ce don, Trump pousse un peu plus les pions dans l'Arctique. Et il n’y aurait pas d’intentions cachées autres que celle du développement et de la sécurité de l’île afin d´aider le Groenland à devenir moins vulnérable à une influence jugée plus malveillante, provenant notamment de Russie et de Chine.
Les réactions russes et chinoises
L’Ambassadeur de Russie au Danemark, Valdimir Barbin, a accusé les Etats-Unis de mettre en danger la paix dans l’Arctique et a jugé que le comportement américain était une violation de la Déclaration d’Ilulissat de 2008. Cette déclaration a été établie par les 5 États riverains de l´Océan arctique ( Canada, Danemark, Etats-Unis, Norvège, Russie) pour discuter de l'océan Arctique, du changement climatique, de l'environnement marin, de la sécurité maritime et de la division des responsabilités de secours si les nouvelles voies de navigations sont ouvertes. Elle porte aussi sur le fait que les Etats côtiers arctiques doivent résoudre tout conflit par le dialogue et les négociations dans le cadre du droit international.
Les Etats-Unis avaient déjà réussi à faire avorter un projet chinois de construction de trois nouveaux aéroports au Groenland. La Chine se considère, elle-même comme un pays proche de l´Arctique; elle détient d´ailleurs un poste d´Observateur au Conseil de l´Arctique qui est un forum intergouvernemental traitant des problèmes rencontrés par les gouvernements des États ayant une partie de leur territoire dans l'espace arctique et par les peuples autochtones de la région. En 1996, la déclaration d'Ottawa a conduit à l'instauration du Conseil de l'Arctique pour promouvoir le développement durable dans la région en matières sociales, économiques et environnementales. La Chine veut, par ailleurs, développer des voies de transport maritime dans l'Arctique, parlant de "route de la Soie polaire", confirmant son intérêt à s’approprier les ressources naturelles très convoitées du Groenland.
Avec ce nouvel épisode, il est plus que clair que les ressources naturelles du Groenland (pétrole, gaz, or, diamant, uranium, zinc, plomb…) et l´ouverture de nouvelles voies maritimes provoquée par la crise climatique, ne cessent d´attiser l'intérêt des grandes puissances dans cette partie du monde et comme Aki-Matilda Høegh-Dam, l'une des deux députées groenlandaises siégeant au Parlement danois, le confesse à l´AFP, "Il est fascinant de voir comment le Groenland est inclus dans l'élaboration des politiques mondiales" !