

Avant de commencer, une chose est notable : pour avoir droit à leur place sur l'écran, les artistes peintres doivent s'en tenir à une certaine mythologie, la jouer maudit, drogué, alcoolique ou bon pour l'asile. Séraphine de Senlis vient donc rejoindre les Van Gogh, Basquiat et autre Camille Claudel en toute conformité.
Ce petit préambule posé, Séraphine de Martin Provost est un film épatant qui mérite amplement la jolie brassée de lauriers que lui ont offert les Césars vendredi soir.
Entre 1914 et 1942, Séraphine Louis, une domestique un peu simplette, croise la route de Wilhelm Udhe, un des premiers acheteurs de Picasso, promoteur acharné du Douanier Rousseau et de ceux qu'il appelle alors les primitifs modernes.
Or Séraphine peint, sous la dictée, dit-elle, de son ange gardien. Son univers pictural, d'abord composé de modestes fleurs sur de petites planches, s'affirme et atteint une somptuosité troublante. Sur d'immenses toiles, ses compositions luxuriantes laissent éclater d'intenses couleurs et une sensualité inouïe au regard des conventions de son temps et de sa condition.
L'art de la retenue
Dans la plus belle scène du film, Séraphine montre fièrement son travail aux gens de son entourage, un à un assis sur une chaise, devant l'artiste cachée par ses grands tableaux. C'est un peu la situation dans laquelle nous met Martin Provost. Sa mise en scène, toujours discrète, est une invitation à la contemplation. Sa facture, classique et lente, colle au rythme de Séraphine qui passe ses nuits un pinceau à la main et ses journées entre ménages, somnolences et glanage des ingrédients nécessaires à la préparation secrète de ses couleurs. Ce personnage de vieille fille sublimant par l'art et habitée par une dévotion naïve à la Vierge aurait pu donner libre cours au pire psychologisme.
Martin Provost en donne une vision infiniment plus délicate, presque distante mais très justement respectueuse des zones d'ombres et des mystères de l'âme humaine. Plutôt que de manier de lourds symboles, il laisse Yolande Moreau incarner et faire claquer ses souliers ferrés dans les rues de Senlis.
Les Césars devraient relancer la carrière en salle de ce film à l'économie modeste et donner envie aux plus chanceux de voir les véritables toiles de Séraphine de Senlis. Les choses sont bien faite puisque l'exposition que lui consacre le Musée Maillol est prolongée jusqu'à la fin du mois.
Jean Marc Jacob (www.lepetitjournal.com) mardi 3 mars 2009
Séraphine de Martin Provost (2h05) avec Yolande Moreau, Ulrich TuKur...
http://www.seraphine-lefilm.com/
Fondation Dina Vierny - Musée Maillol, 61 rue de Grenelle, 75007
http://www.museemaillol.com/index2.html






































