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CricketLab: Depuis Chiang Mai, un Français cultive un aliment d’avenir

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courtoisie - Avec Cricket Lab, Nicolas Bery dit produire 20 tonnes de grillons par mois pour 3 tonnes de farine
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 12 juillet 2020, mis à jour le 23 août 2020

Alternative écologique et durable, les insectes pourraient bien devenir un aliment d’avenir, tel est en tout cas l’ambition de Cricket Lab, une ferme de grillons à Chiang Mai créée par un Français. 

Le commerce des insectes comestibles n’est pas nouveau en Thaïlande, mais pour autant, un Français a su y trouver un créneau. 

“Il y a un énorme potentiel pour l’élevage de grillons en Thaïlande” explique d’emblée Nicolas Bery, directeur général de Cricket Lab à Chiang Mai. “Le monde est avide de sources de protéines durables, en particulier depuis la pandémie de Covid-19 et notre poudre de grillon offre une excellente opportunité pour se lancer dans l’alimentation durable”, ajoute-t-il. 

En effet, l’élevage d’insectes nécessite moins d’espace, moins d’eau, moins de nourriture, il génère moins de polluants et de déchets que l’élevage traditionnel. À titre de comparaison, 2 kg d’aliments sont nécessaires pour produire 1 kg d’insectes tandis qu’il faut 10 kg de nourriture pour produire 1 kg de viande de bovins. À poids égal, le cochon produit 8 à 12 fois plus d’ammoniac que les grillons.

L’élevage d’insectes est ainsi une alternative pour la production de protéine animale à faible impact environnemental.

Il y aurait environ 20.000 élevages de grillons en Thaïlande, mais beaucoup d'entre eux sont limités au marché local de la farine de grillon en raison des normes alimentaires internationales.

Grillon transforme en farine ou chocolat ou pate
La farine de grillon peut être utilisée pour faire des pâtes alimentaires ou encore des barres chocolatées Photo courtoisie

Originaire de Nice, Nicolas Bery est arrivé en Thaïlande en 2011 où il ouvre une guesthouse à Chiang Mai avant de la revendre en 2013 pour se lancer dans l’élevage de grillons. “L’idée est venue suite à une discussion avec des amis alors que j’étais en vacances en France. Il y avait un rapport de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) des Nations Unis qui était sorti quelques mois plus tôt et que parlait du futur possible des insectes pour la nutrition humaine. À mon retour en Thaïlande, j’ai visité plusieurs fermes et rencontré des chercheurs dans les universités thaïlandaises. J’ai réalisé qu’il y avait une industrie déjà en place même si elle était assez faible au niveau technologique, au moins ça existait”, confie le trentenaire. 

En 2013, il crée Eco Insect Farming, une première compagnie spécialisée dans la transformation des insectes. Une première expérience qui lui permet de réaliser l’ampleur du marché. “Nous avions commencé à vendre de la farine d’insectes en France vers 2015/2016, jusqu’à ce que l’Union européenne intervienne et mette une interdiction sur les produits à base d’insectes le temps qu’elle puisse légiférer ce nouveau marché”. 

C’est à cette époque qu’il rencontre Radek Hušek et Daniel Vach, deux Tchécoslovaques qui ont créé la marque SENS, une entreprise qui propose des produits finis à base de farine d’insectes tels que des bars protéinés, des pâtes, des boissons… Ensemble, ils lancent Cricket Lab

“Cricket Lab fabrique la matière première pour les produits SENS, s’il y a une interdiction en Europe, tout n’est pas unifié non plus et la Finlande et l’Allemagne autorisent la vente de produits à base d’insectes”, précise Nicolas. 

Une ferme verticale

Pour une plus grande rentabilité, Cricket Lab a opté pour un mode d’élevage vertical qui leur permet cultiver près de 20 tonnes de grillons par mois sur une superficie de 800 mètres carrés et 6 mètres de hauteur. Doublée d’une usine pour transformer les insectes en farine, ce sont 3 tonnes qui sont produites mensuellement. Le modèle de Cricket Lab se veut circulaire en utilisant des déchets de l’agriculture pour nourrir les grillons, en produisant de la farine pour nourrir les humains et en utilisant les excréments de ces insectes pour faire de l’engrais. 

“Le défi pour convaincre les gens de manger des insectes, il est similaire en Europe et en Thaïlande. En Thaïlande, la consommation d’insectes frits existe, mais c’est plus dans les campagnes où ils sont vendus sur des petits marchés tandis que nous avons un produit avec une valeur ajoutée, durable et sain, avec pour résultats que nos coûts sont plus élevés et donc les prix de ventes aussi. Donc nous touchons une autre clientèle qui habituellement ne mange pas d’insectes”, explique le Niçois. 

Actuellement, Cricket Lab vend une bonne partie de sa farine à d’autres compagnies en Amérique latine, en Europe, au Japon, en Corée, etc. “Il y a encore des restrictions dans pas mal de pays sur les aliments à base d’insectes, peu à peu le marché s’ouvre” explique le directeur. L’entreprise prévoit en effet de s’implanter de plus en plus sur le marché asiatique et thaïlandais en proposant d’ici la fin de l’année 2020 une gamme élargie de produits alimentaires finis : crackers, bars protéinés, nouilles instantanées. 

Pour séduire les plus sceptiques, il est nécessaire de les transformer en pâtes ou en biscuits. “C’est compliqué de manger des grillons en entier, mais après il faut essayer, c’est vraiment bon! J’adore la viande depuis toujours, mais il faut être clair qu’il y a un gros problème au niveau de la production de viande, de son impact sur l’environnement. De plus, d’ici 20 ans, nous serons 9 ou 10 milliards d’habitants, nous n’avons pas le choix si nous voulons nourrir l’ensemble de la population. Une alimentation principalement basée sur les plantes est une solution, ainsi que les insectes, d’autant plus qu’ils contiennent des acides gras Oméga-3, du fer, du calcium, de la vitamine B et de nombreux acides aminés”, conclut Nicolas. 

catherine_vanesse-LPJ-Bangkok
Publié le 12 juillet 2020, mis à jour le 23 août 2020

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