Le visage d’un homme à la peau tannée par le soleil, portant une belle moustache et un turban de couleur est certainement l’une des photos les plus reproduites dans les guides touristiques sur l’Inde. Cet homme est bien souvent un Rajasthani. La coiffe est portée dans d’autres régions indiennes mais c’est au Rajasthan que la pratique reste la plus fréquente.
Le turban porté en Inde, une tradition qui résiste au temps
Il est vrai qu’ils ont fière allure ces hommes que l’on croise dans les campagnes du Rajasthan. Tête droite, le regard profond illuminé par la couleur vive de leur turban, ils sont les héritiers d’un peuple belliqueux, courageux et fier, dont l’histoire est alimentée par de nombreuses légendes. Les chansons traditionnelles, les peintures qui ornent leurs palais parlent de ces épopées guerrières où la défaite parfois se terminait par un horrible sacrifice des femmes (le jauhâr) qui préfèreraient se suicider dans le feu plutôt que tomber aux mains des ennemis.
Mais les temps changent. Aujourd’hui, le « Safa » (ndlr : le nom du turban du Rajasthan) n’est porté quotidiennement que par les hommes « d’âge mur ». La jeune génération l’a abandonné au profit de la casquette, du jeans et du t-shirt.
Le turban reste néanmoins indispensable pour tous, jeunes et vieux, lors des cérémonies et fêtes. Le marié et les hommes de la proche famille ne manquent pas de le porter dans une version luxueuse, colorée, souvent ornée de bijoux et taillée dans un riche tissu.
Lors des décès, le turban blanc est de rigueur pour les intimes du défunt.
Le turban porté en Inde aurait une origine très ancienne
Un historien grec du IIᵉ siècle, de retour du nord de l’Inde, parle de ces hommes qui « enroulent des vêtements autour de la tête ».
Des statuettes en terre de l’époque Gupta (ndlr : la dynastie ayant régné dans le nord de l’Inde entre la fin du IIIᵉ siècle et le milieu du VIᵉ siècle) représentent des hommes portant un turban.
Tous les Rajputs du moyen âge portaient un turban couleur safran.
L’art de nouer le turban en Inde
Nouer le fameux turban suppose une bonne expérience et une grande habilité. Il existe 23 façons de l’enrouler, déterminant autant de styles différents.
Le turban classique est noué dans une bande de tissu de 9 m de long sur 1,1 m de large, mais certains styles réclament 22 m de longueur ! Il est fait en coton, tissé finement pour être suffisamment souple.
Un vendeur de Jaisalmer s’est vanté d’être le champion du dernier tournoi de vitesse de la région. Il a mis 11 secondes pour mettre en place un turban parfaitement équilibré et solide. En effet, il ne s’agit pas simplement d’enrouler le tissu. Il faut qu’une fois sur la tête, le turban ne bouge pas et qu’aucune mèche ne dépasse.
Le turban porté en Inde, un marqueur social
La forme et la couleur du turban en disent beaucoup sur celui le porte. Traditionnellement, elles indiquent la caste d’appartenance, le métier et souvent la région d’origine.
Le turban de mariage porte une finition particulière, en forme d’éventail, difficile à réaliser. Sa confection est en général confiée à un professionnel.
Dans sa petite boutique de Jodhpur, un jeune vendeur nous explique qu’il vend en moyenne une dizaine de safas par jour sauf quand la chance sourit pendant la saison des mariages. Il arrive alors qu’une famille vienne lui acheter une trentaine de pièces, celle du marié mais aussi celles qui seront offertes aux proches.
Le turban classique dans sa boutique vaut 300 roupies. Le haut de gamme atteint 1000 roupies et plus si le client réclame des ornements en pierres, galons dorés ou brodés.
Ceux qui continuent à porter tous les jours le turban n’ont pas besoin des services de notre vendeur. Ils manipulent chaque matin la pièce de tissu pour lui redonner forme. Diwali est souvent l’occasion de changer le tissu vieilli par la poussière. Les magasins des villes et villages regorgent alors de coupons.
A notre interrogation sur le poids et surtout la chaleur que dégage une telle coiffure, on nous a répondu que le tissu est suffisamment fin pour la rendre légère et que la transpiration crée une pellicule d’eau qui isole le cuir chevelu et limite la montée en température.