Coloré, drapé, plissé, accompagnant les mouvements des femmes avec grâce, ce vêtement traditionnel défie tous les codes couleurs du vestiaire européen.
16,40 à 26,25 pieds, soit 5 à 8 mètres c’est la longueur du tissu qui compose le sari, indissociable atour de la femme indienne. Coloré, drapé, plissé, accompagnant les mouvements et les gestes des femmes avec grâce, ce vêtement traditionnel dont on ne saisit pas vraiment où il commence et où il finit, accordé à un corsage qui couvre la poitrine et les épaules, défie tous les codes couleurs du vestiaire européen. Les palettes de couleurs et les imprimés se percutent, parant ainsi l’Inde de leur indéniable beauté.
Sari signifie vêtement de femme
Le mot sari, provient du sanskrit « sattika » et signifie vêtement de femme. On attribue l’origine du sari à environ 2000 ans av. JC et il semble qu’il était déjà porté par les femmes de la civilisation de la vallée de l’Indus. Cette longue étoffe s’est adaptée aux époques, aux modes, aux castes, métiers et régions, s’enroulant autour des corps féminins de maintes façons.
A l’origine, le sari était fait de coton et les tisserands utilisaient des teintures naturelles telles que le curcuma pour le jaune, l’indigo pour le bleu ou la garance rouge. Il a été porté sans bustier ni jupon durant des années. Cependant, lors de l’arrivée des anglais sanglés et chapeautés jusqu’au cou, les Indiennes des villes se sont adaptées et ont pudiquement couvert leurs seins et porté des jupons pour couvrir leurs chevilles.
Des saris pour toutes les occasions
Le jour de son mariage, la femme indienne revêt, traditionnellement, un sari de soie rouge. La soie de Bénarès est la plus réputée. Selon la légende, Bouddha aurait été enveloppé à sa mort dans un linceul de soie tissé et brodé à la main dans la ville sainte. La soie artisanale de Kanchipuram dans le Kerala, la ville aux 1000 temples, est aussi très réputée.
Des saris de coton teint en noir, rouge ou jaune sont portés lors des pèlerinages et il existe même des saris uniformes pour les femmes policières, les avocates ou les étudiantes.
Les saris sont toujours présents lors des fêtes familiales et traditionnelles, cependant les jeunes femmes des grandes villes les échangent volontiers, de nos jours, pour des vêtements plus européanisés.
Des saris à tous les prix
Le prix du sari varie de 450 roupies (soit environ 5-6 euros) à des montants extravagants, comme dans la Haute Couture française. Le prix est fonction de la matière, du tissage (artisanal ou industriel), de la présence et de la qualité des broderies, des impressions et même du créateur.
Le tissage artisanal des saris se perd au profit du tissage industriel
Le tissage artisanal est une pratique qui se transmet de génération en génération, mais la concurrence du tissage par métiers électriques décourage les jeunes d’apprendre le métier de leurs pères. Le salaire du tisserand dépend du métrage tissé.
Pour un mètre fabriqué à la main en une journée, 10 mètres sont tissés par une machine industrielle. Les artisans sont sous payés. Dans la région de Bénarès, 2 000 métiers électriques étaient recensés au début de ce siècle, dix ans plus tard, on en comptait déjà 30 000. Le temps passant les produits artisanaux ne seront plus destinés qu’à une certaine clientèle fortunée.
Cependant, récemment, plusieurs défenseurs de la cause artisanale ont créé des associations / organisations pour préserver l’expertise et le savoir-faire des artisans tisserands indiens.
Ramesh Menon, vétéran de la Haute Couture a fondé Save The Loom, une organisation destinée à défendre le savoir faire traditionnel des artisans du Kerala en fournissant un salaire fixe à l’artisan et cherchant ensuite des débouchés. C’est ainsi que Save The Loom a créé une collection pour habiller les avocates indiennes à un prix un peu au-dessus des coûts habituels. Chaque vêtement porte une étiquette qui raconte la vie de son artisan-tisserand.
A Banaglore, The Registry of Sarees, est un centre de recherche et d'étude à l'approche multidisciplinaire qui permet la réalisation de projets de conception, de conservation et de publication dans le domaine des textiles filés et tissés à la main. Grâce à une communauté croissante d'académiciens, de conservateurs et d'amateurs de textiles, The Registry of Sarees s’efforce de préserver l'art ancien de raconter des histoires à travers les saris.
Les saris ont fait leur entrée dans la haute couture indienne
Raoul Mishra et Vaishali Shadangule, deux couturiers indiens reconnus, ont été invités à présenter leurs collections à Paris, dans le cadre de la semaine de la Haute Couture. A travers leurs créations, ils continuent à faire vivre une culture et une identité et font travailler les artisans-tisserands indiens. Vaishali déclare nécessaire de « garder intacte l’âme même de cet artisanat, tout au long de sa conception. »
Sabyasachi Mukherjee, un autre grand couturier indien, a conçu le sari en tulle brodé porté par Natacha Poonawalla lors du Met Gala 2022, le célèbre événement “fashion” de New York.
Les multiples facons de draper et porter le sari
On dit que le sari peut être adapté à toutes les occasions. Selon Rta Kapur Chishti, spécialiste du textile, il existe 108 façons de draper un sari, toutes documentées dans son livre Sari : Tradition and Beyond et quelques-unes sont enseignées dans un atelier de stylisme de sari appelé "The Sari School". Chacune de ces 108 façons est propre à au moins un des 15 États qu'elle a parcourus en Inde au cours de ses 20 ans de recherche.
The Sari Series, une initiative à but non lucratif propose une anthologie numérique documentant les draperies régionales des saris de l'Inde à travers 80 courts métrages.
Drapé d’un sari façon Bharatanatyam dans le Tamil Nadu
Une autre spécialiste du drapé du sari, Dolly Jain, considère qu’elle est capable de draper un sari de 325 manières différentes et publie des tutoriels sur ses comptes sur les réseaux sociaux qui sont suivis par des centaines de milliers de personnes.
Le sari mis en valeur par deux femmes extraordinaires
Deux femmes extraordinaires, féministes chacune dans son genre, ont inscrit le sari dans l’histoire et la mythologie indienne.
Draupadi, intrépide, intelligente, une des héroïnes de l’épopée du Mahãbhãrata.
Fille du roi Drupada du Panchala, elle épouse Arjuna, un des cinq Frères Pandavas. Mais à son arrivée dans sa belle-famille, la mère de son mari déclare qu’elle devra aussi être l’épouse des frères de son mari.
Draupadi devient la reine d’un palais magnifique et féérique construit par Maya, l’esprit de la forêt. Cette merveille suscite de violentes jalousies, en particulier celle d’un cousin des Pandavas, le prince Duryodhan, ainé des cent fils de la famille Kauravas.
Un jour, le prince Duryodhan convie en son château les Pandavas et Draupadi. Yudhisthir, un des époux de Draupadi est invité à jouer à un jeu de dés et se retrouve entrainé dans une infernale machination dans laquelle il est toujours perdant. Yudhisthir parie sans pouvoir s’arrêter, d’abord l’argent des caisses du royaume, puis le palais, puis le royaume, puis ses frères et enfin lui même.
Le prince Duryodhan lui propose de remettre en jeu tout ce qu’il lui a pris, contre son épouse Draupadi. C’est ainsi que Duryodhan fait de la reine Draupadi, son esclave. Celle ci est amenée de force, tirée par les cheveux, devant l’assemblée et Duryodhan ordonne à Dussasan, son jeune frére, de lui ôter ses vêtements.
Dusassan s’empare alors de l’extrémité du sari de Draupadi pour le lui enlever et ainsi exposer sa nudité aux yeux de toute l’assemblée, comme une ultime humiliation. La reine effondrée, se remémore alors les paroles de la sorcière qui avait fait des prédictions sur son avenir: « Face à l’adversité, concentre-toi sur quelqu’un qui t’aime » (Le palais des illusions, Chitra Banerjee DIVAKARUNI, page 341, 2011 édition Philippe Picquier).
Draupadi ferme les yeux et il lui vient à l’esprit l’image du visage souriant de son ami Krishna. Lorsqu’elle les rouvre, elle est toujours vêtue, Dussasan est évanoui de fatigue à ses pieds, après avoir déroulé des kilomètres de tissu. De fureur et d’humiliation, elle maudit alors l’assemblée réunie : « Vous mourrez tous dans la bataille qui résultera de cette journée. Vos mères et vos femmes pleureront bien plus que je n’ai pleuré » (Le palais des illusions, Chitra Banerjee DIVAKARUNI, page 343, 2011 édition Philippe Picquier). Pour connaître la suite, lire le livre.
Indira Devi de Cooch Behar
Indira Raje est la fille unique du Gaekwad de Baroda (1892-1968). Polyglotte et instruite, elle était préparée à devenir reine.
En 1911, elle est fiancée en grande pompe au Maharaja de Gwalior, beaucoup plus âgé qu’elle, mais, après sa rencontre avec le jeune héritier présumé de Cooch Behar, Jitendra Narayan, elle remet le mariage en cause, défiant ainsi toutes les conventions. Elle ne se voyait pas vivre une vie de recluse en tant que deuxième épouse d’un vieux mari, alors qu’elle avait vécu une vie relativement libre à Baroda et à l’étranger.
Après avoir âprement résisté aux désaccords de sa famille, Indira Raje de Baroda se marie en août 1913, à Londres et devient Indira Devi de Cooch Behar. Hélas, dix ans plus tard, son époux décède des suite d’alcoolisme, la laissant seule avec cinq enfants.
Indira Devi devient régente du royaume de Cooch Bihar de 1922 à 1936, en attendant que son fils ainé grandisse et entre 1923 et 1930, elle vit à Londres.
A une époque où il est considéré que la vie d’une femme devenue veuve est terminée, elle défie de nouveau les traditions et devient l’une des personnalités importantes de la société anglo-indienne. A la suite de son veuvage, la Maharani, remarquée pour sa grande beauté, abandonne le port des vêtements européens pour le sari, qui devient à la mode à Londres.
De passage à Lyon, Indira Devi remarque la mousseline blanche qui entoure alors les mottes de beurre. Elle se renseigne sur sa provenance et s’arrange pour qu’un soyeux lyonnais tisse la longueur nécessaire d’étoffe pour lui fabriquer un sari de mousseline de soie blanche.
A partir de cette époque, elle ne portera plus que des saris blancs, sans fioriture, tissés à Lyon. On parle d’elle comme d’ « une fascinante lady possédant un caractère remarquable ». En 1930, elle revient vivre en Inde.
Avec le soutien de sa mère elle s’est ouvertement opposée au système de la Purdah, cette pratique qui isolait les femmes du regard des hommes par un voile. Indira Devi, Maharani de Cooch Behar, s’est souvent montrée sans voile.