lepetitjournal.com Chennai a regardé Mimi, une comédie indienne sortie en 2021, qui est une critique délicate de la gestation pour autrui (GPA). Mimi, discrètement, interroge sur ce qu’est “le désir d’enfant, d’enfant parfait et d’enfant à tout prix”.
Mimi, une comédie dramatique indienne
Mimi est une comédie dramatique indienne, en langue hindi, écrite et réalisée par Laxman Utekar et Rohan Shankar. Le film est formidablement servi par ses comédiens, dont Kriti Sanon, Sai Tamhankar, Evelyn Edwards, Pankaj Tripathi, Aidan Whytock.
Comme beaucoup de films indiens, c’est un film long, 2h12, mais, l’histoire nous attrape et ne nous lâche pas ! Les réalisateurs nous emmènent promptement au cœur du sujet : porter et faire grandir l’embryon fécondé d’un couple d’Américains contre rémunération.
Mimi est une jeune danseuse vivant près de Jaipur qui rêve de partir à Mumbai pour devenir une star de cinéma. Mais, pour accomplir son rêve, elle a besoin d’argent. Bhanu, chauffeur de son état, sera l’intermédiaire entre Mimi et un riche couple d’Américains qui ne peut pas avoir d’enfant et cherche une mère porteuse.
Mimi est enceinte, mais voilà qu’au cours d’un examen médical, le médecin informe le couple d’Américains que l’enfant naîtra handicapé. Atterrée, la mère intentionnelle ne veut plus de l’enfant et le couple prend la fuite.
Bien que le sujet abordé soit grave, le film est drôle, émouvant et rythmé par des images merveilleusement esthétiques et des dialogues efficaces (sous-titrés en français). Les décors sont chatoyants, la bande sonore et les danses Bollywood tourbillonnantes et les personnages attachants.
Pour connaître la suite, à vos écrans!
Suite au visionnage du film, lepetitjournal.com de Chennai a enquêté sur la question de la GPA en Inde.
La gestation pour autrui (GPA) est le fait pour une femme, désignée généralement sous le nom de "mère porteuse", de porter un enfant pour le compte d’un “couple de parents d’intention” à qui il sera remis après sa naissance.
Au niveau international, aucun texte contraignant relatif à la gestation pour autrui n’a été adopté. Plusieurs pays européens interdisent la GPA : la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg... D'autres pays, en revanche, autorisent le recours aux mères porteuses : le Danemark, les Pays-Bas, la Russie, la Grèce, le Canada, certains États fédérés américains, l’Inde... (source vie-publique.fr)
La GPA en Inde
En Inde, seule la GPA issue de la fécondation in vitro est autorisée, mais la législation réglementant cette pratique est quasi inexistante.
Actuellement, la GPA est uniquement contrôlée par les recommandations de l'ICMR (Indian Council of Medical Research) ou par les décisions de la Cour suprême ou des Hautes Cours. De nombreux incidents ont été signalés concernant des pratiques contraires à l'éthique entourant la GPA comme l'exploitation des mères porteuses, l'abandon d'enfants nés d'une maternité de substitution dont parle le film Mimi et l'importation d'embryons et de gamètes humains.
Le cadre législatif de la GPA en Inde
Deux projets de lois sur la réglementation des techniques de procréation assistée et de la GPA sont à l'étude depuis 2013, mais n’ont pas encore été approuvés par les deux chambres du Parlement indien.
Le projet de loi sur les techniques de procréation assistée, 2013
Le projet de loi sur les techniques de procréation assistée de 2013 est toujours en attente et n'a pas été présenté au Parlement indien.
Il prévoit d’interdire la GPA commerciale qui implique l'échange d'argent pour autre chose que le paiement des frais médicaux pour la mère et l'enfant, mais aussi, d’interdire le recours à une mère porteuse aux couples ayant déjà un enfant, aux étrangers ou aux citoyens indiens d'outre-mer (OCI), aux célibataires, aux homosexuels et aux veuves.
Le projet de loi a fait l'objet de critiques importantes.
Le projet de loi sur la GPA (réglementation), 2016 et 2019
En 2016, un projet de loi sur la GPA a été introduit et adopté par la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement indien, proposant d'autoriser uniquement les couples hétérosexuels indiens mariés depuis au moins cinq ans et ayant des problèmes d'infertilité à accéder à la maternité de substitution altruiste ou non rémunérée et interdisant ainsi la GPA commerciale.
Mais, ce projet de loi est devenu caduc en raison de l'ajournement sine die de la session parlementaire. Il a été réintroduit et adopté par la Lok Sabha en 2019, mais n’a pas encore été adopté par la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement indien.
En 2020, un comité d’experts a remis de nouvelles recommandations moins contraignantes pour l'accès à la GPA, interdisant toutefois la GPA commerciale. Le gouvernement national les a approuvées et le projet de loi sur la GPA devrait être présenté devant le Parlement en 2021.
La GPA commerciale
L'Inde s'est ouverte à la GPA commerciale en 2002. Elle a fait partie d'une poignée de pays - dont la Géorgie, la Russie, la Thaïlande et l'Ukraine - et de quelques États américains où les femmes pouvaient être payées pour porter l'enfant d'un autre par le biais de la fécondation in vitro (FIV) et du transfert d'embryons.
La technologie peu coûteuse, les médecins qualifiés et l'offre abondante de mères porteuses ont fait de l'Inde une destination privilégiée pour le tourisme de la fertilité, attirant des ressortissants du monde entier et plus particulièrement de Grande-Bretagne, des États-Unis, d'Australie et du Japon.
Il n'existe pas de chiffres officiels sur l'importance de l'industrie de la fertilité en Inde. En juillet 2012, une étude soutenue par l'ONU a estimé le commerce des mères porteuses à plus de 400 millions de dollars par an, avec plus de 3 000 cliniques de fertilité à travers l'Inde, dont une forte proportion sont installées dans le Gujarat.
Pour les femmes indiennes, la GPA est un moyen de subvenir aux besoins de la famille
La rémunération reçue par les femmes pour être mère porteuse est souvent l’équivalent de plusieurs années de salaire. Cela leur permet d’éponger des dettes familiales, d’assurer un avenir à leurs enfants, de construire une maison en dur ou de payer la dot de leur fille.
Mais, le contexte social est difficile pour les mères porteuses, car la GPA est souvent associée à des relations sexuelles hors mariage, les familles ignorant que la fécondation se fait in vitro. Le film joue d’ailleurs de cette ambiguïté : “Si Mimi est enceinte, qui est son mari ?”
En 2014, une étude réalisée par le Centre de recherche sociale, une ONG basée à New Delhi a révélé des lacunes au niveau des contrats signés entre les mères porteuses et les parents intentionnels, des disparités importantes de traitement des mères porteuses et de rémunération en fonction des cliniques de fertilité ainsi que la présence d’un écart plus ou moins élevé entre le montant que les cliniques prétendent payer et celui que les mères porteuses disent recevoir.
Une recrudescence des mères porteuses après le premier confinement indien
Selon une enquête menée par Time magazine en 2021, de nombreuses femmes qui travaillaient auparavant comme aides domestiques, ouvrières ou dans de petites unités de production se sont tournées vers la GPA après la perte de leur emploi en 2020.
Si la majorité des mères porteuses sont des femmes pauvres issues des zones rurales, de nombreuses femmes instruites se sont également rendues dans les cliniques de fertilité et notamment à l'hôpital Akanksha dans le Gujarat (l’établissement indien le plus connu pour la GPA), à la suite de la perte de leur emploi pendant la pandémie, pour donner leurs ovules ou devenir mères porteuses.
Le projet de loi interdisant la GPA commerciale suscite dans ce contexte des réactions mitigées de la part des spécialistes du sujet : ils craignent que l'interdiction ne prive les femmes d'un des rares moyens de sortir de la pauvreté - d'autant plus que la Covid-19 continue de peser sur l'économie indienne - et surtout qu’elle pousse le marché à la clandestinité.
Le film, Mimi, se termine en rappelant qu’en Inde, 153 millions d’enfants attendent des parents. Cependant de la GPA, à la démarche de demande d’adoption, la voie n’est pas directe. Il s’agit d’accomplir ou pas pour un couple, un long chemin de renonciations.