Depuis cet été, la communauté française du Tamil Nadu se réjouit de l’ouverture par Air France d’une ligne directe Paris Chennai. Jusqu’en avril 2019, c’était la compagnie indienne Jet Airways qui proposait cette liaison directe, brutalement interrompue avec la faillite de l’entreprise.
La compagnie aérienne indienne, Jet Airways, renaît de ses cendres
Aujourd’hui, Jet Airways renaît de ses cendres, sous l’appellation de « Jet Airways 2.0 », formule magique pour évoquer le changement et la modernité. Nouveaux propriétaires pour la compagnie créée en 1993 qui fut longtemps dans le groupe de tête des compagnies indiennes.
Ces dernières semaines, la presse s’est fait écho des déclarations de ses dirigeants, prévoyant de faire voler plus de 50 appareils d’ici trois ans et une centaine dans les cinq ans.
#JetAirways 2.0 expected to fly domestic from first quarter of 2022
— Hindustan Times (@htTweets) September 14, 2021
The cash-strapped Jet Airways was forced to ground all flights in 2019.
Read full report https://t.co/pPyrZFMvol pic.twitter.com/n4hb0Zg8sp
A l’heure où le secteur aérien mondial est dans la tourmente, l’annonce peut surprendre. Un projet très ambitieux surtout lorsque l’on se rappelle que les autorisations de ligne dont bénéficiait autrefois Jet Airways ont été redistribuées à la concurrence.
Quelle est aujourd’hui la situation du transport aérien indien et quelles sont ses perspectives d’évolution ?
Une activité très affectée par la crise sanitaire mais qui donne aujourd’hui des signes de reprise
Le trafic international est bien entendu particulièrement touché. En 2020, son niveau d’activité ne représentait que 10 % de celui d’avant l’épidémie. Il repose essentiellement sur le dispositif de rapatriement « Vande Bharat », négocié avec 28 pays différents et qui a permis, depuis le début mai 2020, le retour de 6,7 millions de personnes.
Le trafic domestique n’a pas été touché dans les mêmes proportions, mais a connu une baisse sensible. Le gouvernement a limité à 80 % les autorisations de vol et les taux de remplissage des avions ont suivi, en sens inverse, les courbes de contamination de la population. En avril 2021, ils étaient en dessous de 60 %, bien loin du seuil de rentabilité estimé à 85%. Les chiffres de septembre indiquent une amélioration avec, par exemple, un taux de remplissage de 73 % pour la compagnie Indigo. La reprise est néanmoins lente et certaines compagnies voient leur niveau de remplissage stagner à 60%.
Un marché domestique en pleine évolution avant l’épidémie
Avant l’épidémie, le trafic aérien domestique connaissait un bel essor avec un taux de croissance annuel supérieur à 10%. En 2018, plus de 10 millions de passagers aériens voyageaient en Inde chaque mois, en majorité sur des vols « low cost ».
Onze compagnies se partagent la quasi-totalité du marché intérieur.
Indigo, créée en 2006, accapare 50 % de l’activité depuis la liquidation de Jet Airways.
Parmi les principaux autres acteurs, on peut citer Spice Jet (créée en 2004), GoAir (créée en 2005), Vistara (créée en 2015 et appartenant au groupe TATA et Singapore Airlines), Air Asia India (créée en 2014 et appartenant au groupe TATA) et Air India, la compagnie publique en voie de privatisation.
Plusieurs raisons expliquent l’envolée du marché intérieur. L’émergence de la classe moyenne indienne est mise en avant, même si seulement 5 % de la population prennent l’avion régulièrement.
Un programme gouvernemental qui privilégie l'avion
Les choix du gouvernement qui privilégie l’avion aux autres modes de transport est également un facteur explicatif.
En 2016, a été lancé le programme UDAN (Ude Desh ka Aam Naagrik), signifiant littéralement «pour que vole l'homme ordinaire de l'Inde». Il s’agissait de mailler tout le territoire en redonnant vie à des aéroports abandonnés et en construisant des nouveaux à bas coûts dans des zones isolées et rurales : 50 nouveaux aéroports devaient ainsi mis en exploitation en 2019 et plus de 150 autres dans les 10 ans, en partie grâce à des partenariats public-privé, désormais ouverts aux capitaux étrangers.
En parallèle, les compagnies aériennes obtenaient de nouvelles autorisations pour relier les petites villes aux grands centres urbains. Quatre ans après, le plan n’a pas tenu ses objectifs. Seulement 44% des nouvelles lignes autorisées sont opérationnelles. Le programme est en cours de révision.
La privatisation de la compagnie nationale Air India toujours pas réalisée
La privatisation d’Air India, entreprise très fortement endettée, a été annoncée en 2017. Les premiers appels d’offre ont été infructueux. Indigo, pour un temps pressenti, a renoncé à l’acquisition. Les dernières nouvelles parlent d’une association Groupe Tata et Ajay Singh, fondateur de Spice Jet, pour reprendre l’entreprise, moyennant un allégement considérable de la dette qui serait absorbée par l’Etat.
Quel sera le devenir de la compagnie nationale Air India ? Personne ne le sait aujourd’hui dans le contexte difficile du transport aérien mondial.
Pourtant, si l’on en croit un responsable de Boeing, il faut rester optimiste. En avril 2021, il affirmait que malgré la pandémie, le marché domestique indien devrait doubler sa taille d’ici 2030 et que 2200 nouveaux avions commerciaux seraient nécessaires au cours des vingt prochaines années.
Autre bonne nouvelle : les tests de dépistage d’alcoolémie pratiqués de manière aléatoire sur les équipages des avions indiens ont révélé une baisse des infractions de 62 %, en passant de 244 en 2019 à 92 en 2020.