L’Inde par les papilles : j’ai mangé dans le restaurant le plus mythique du pays

 

Paragon, le restaurant le plus légendaire de l’Inde 

Devançant Lucknow Tunday Kababi, nationalement connu pour ses kebabs et le bengali Peter Cat de Kolkata dans le classement national établi par le blog culinaire TasteAtlas, Paragon est un établissement emblématique, représentant la riche histoire gastronomique du Kerala. Sa recette de biryani, issue de sa maîtrise de la cuisine traditionnelle Malabar, a été élue meilleure recette de biryani au monde. 

 

Fait de riz basmati, on peut trouver entre autres dans le biryani de la coriandre, de la tomate, de l’oignon, des feuilles de laurier, de la cardamome, du safran, du gingembre, des raisins secs etc.

 

Usuellement servi avec du poulet, dans sa version locale, il est servi avec du calamar ou des crevettes. La proximité avec la mer se retrouve dans les nombreux plats de poissons servis le long de la côte du Kerala. 

 

 

Les 20 plats (et plus) préférés des Indiens

Si c’est le biryani qui a emporté le prix de plat le plus emblématique, les currys de poissons à la mangue et poissons grillés à la noix de coco dans une feuille de bananier que propose le menu n’ont rien à lui envier. Paragon sert également du chicken curry, un plat en sauce de poulet très parfumé avec des parottas, pain fait de plusieurs couches de pâte, du fish curry avec des appams, un léger pain blanc cotonneux, et des puttus, cylindres de poudre de riz, entourés de feuilles de bananier. La spécificité des épices du Kerala donne aux mets préparés une saveur nouvelle, riche, ronde et parfaite par l’onctuosité du lait de coco. De plus, les serveurs proposent aux clients de choisir parmi les poissons pêchés du jour, l’espèce qu’ils désirent goûter et qui sera préparée, grillée ou cuite en sauce selon leurs désirs.  

 

 

Au-delà de son excellente cuisine, Paragon est un lieu de rencontre où la ville toute entière se masse une fois le soleil tombé. Jusqu’à minuit, le restaurant ouvre ses portes à tous et toutes sans distinction de classe, caste et groupes ethniques. Les habitants de Calicut, des familles, des collègues et des groupes de femmes vêtues de leurs plus beaux saris ou de sobres abayas, se pressent encore à l’intérieur du restaurant pour déguster des mets traditionnels. 

Les couleurs neutres de ce restaurant en bois brun, les banquettes vert pastel, le ton jovial des clients et l’odeur alléchante qui émerge des cuisines créent une ambiance chaleureuse et accueillante. Les enfants chahutent, les clients s’impatientent en se penchant sur le menu qui propose des plats plus délicieux les uns que les autres. La joie de bien manger est  complimentée par le partage de l’amour pour une bonne cuisine traditionnelle. 

 

Paragon, papilles de la ville, n’est pas seulement un lieu de restauration mais une destination à part entière où se rencontrent cultures, saveurs et populations. Il est à l’image de la ville, fourmillant, tempéré et riche d’une histoire intemporelle.

 

Calicut, principal port de commerce du Malabar

Calicut (actuellement Kozhikode) a joué un rôle primordial dans le développement commercial de l’Inde du Sud. Sous la dynastie des Zamorins, le port de Calicut occupait une position économique et politique centrale de la côte Malabar, qui constitue la majorité du Kerala d’aujourd’hui. Capitale du royaume, Calicut entretenait des relations commerciales avec les marins musulmans du Moyen-Orient, principaux commerçants d'épices jusqu’au XVe siècle. Calicut était un haut lieu de rencontre et d’échange entre les commerces arabe et asiatique.

 

 

Vasco de Gama, grand navigateur portugais, considéré comme le premier Européen à atteindre les Indes par la voie maritime en contournant le cap de Bonne Espérance débarqua en 1489, au sein d’un réseau complexe de flux maritimes et commerciaux. Le roi Zamorin lui octroya les mêmes droits commerciaux que ceux des marins arabes, ce qui déclencha plus tard la fameuse bataille de Cannore. Les Portugais supplantèrent alors les marchands musulmans, et furent à leur tour remplacés par les Néerlandais au 17e siècle puis par les Britanniques avec la compagnie des Indes orientales. Le débarquement de Vasco de Gama à Calicut en 1498 marqua le passage du contrôle du commerce des épices de l'océan Indien aux mains des Européens. 

 

 

 

Kozhikode, un melting pot culturel et culinaire

Cette riche histoire commerciale de Calicut avec le Moyen Orient se retrouve dans la gastronomie Malabar. Au cœur de la ville, la rue commerçante SM street regorge de restaurants où les passants se pressent dès le soleil couchant. La forte communauté musulmane se perçoit visuellement, les croyants respectant le port de l’habit traditionnel, abayas noires pour les femmes et qamis et chéchia blancs pour les hommes. Dans cette rue, j’ai pu goûter le traditionnel bonbon de Calicut, le halwa, à Halwa Sangamam, une gomme visqueuse parfumée de mangue, de coco ou de citron. À deux rues de SM street, le restaurant Rahmath Hotel est le second pilier culinaire de la ville. Si Paragon est définitivement le meilleur restaurant pour la cuisine Malabar, le meilleur biryani se déguste selon moi chez Rahmath, qui le sert dans sa version locale avec du calamar, et où l’on peut trouver des pains de riz pathyris et des glaces falouzas faites de noix, de sauce chocolat et de fruits.
Enfin, près de la plage se trouve le Zain’s Hotel, un restaurant qui sert des snacks à toute heure. Entre autres, il est possible de déguster des unakaya, un beignet sucré à base de bananes mûres ; des chemeen pathiri, une galette fourée aux crevettes sautées, et un irachi pathiri, un pain plat frit, minutieusement rempli de poulet / bœuf / mouton haché sauté avec de l'oignon, du gingembre, des piments verts, des feuilles de coriandre, des feuilles de curry, des feuilles de menthe et de l'ail.

 

 

 

Embarquer pour Calicut

Calicut, ville portuaire, historiquement tournée vers l’autre, est riche des siècles de commerce ultramarins qui ont nourri sa gastronomie et qui se retrouvent aujourd’hui dans les nombreux restaurants de la ville. Idéale pour flâner, prendre le temps de s’imprégner d’une nouvelle culture, Calicut est la destination des amateurs de bonne cuisine. À la fin de la journée, assise sur la plage, loin de la poussière de Delhi, les embruns salés de Calicut se sont collés sur ma peau. 

 

Visiter Calicut m’a appris que la beauté de voyager en Inde, ne réside pas seulement dans la visite de temples, mais dans le temps passé à savourer un repas, découvrir l’autre, s'asseoir et partager.

 

Toutes les photos sauf la première du biryani sont de la rédactrice de l'article.