Les insecticides utilisés au Cambodge contre les moustiques vecteurs de la dengue ne sont plus efficaces, selon une étude co-signée en mars par l'Institut Pasteur.
Le Cambodge connaît un très haut niveau de résistance des moustiques vecteurs de la dengue aux insecticides actuellement utilisés dans le pays. Il s’agit de la conclusion d’une étude co-signée en mars par l’Institut Pasteur du Cambodge, le Cambodia National Malaria Center, le Malaria Consortium et NAMRU (l’unité de recherche médicale de la marine américaine) et publiée par le Asia Pacific Journal of Public Health.
Le principal vecteur de la dengue au Cambodge est le moustique Aedes aegypti, un moustique surtout actif à la fin de la journée. Aedes albopictus, connu sous le nom de moustique tigre, est un vecteur secondaire. Présent en grande quantité dans les zones rurales comme dans les villes, Aedes aegypti a pour principal gîte les réservoirs d’eau. « Aedes aegypti est un moustique qui vit dans des gîtes créés par l’homme, notamment les jarres présentes en dehors des maisons », explique Sébastien Boyer, chercheur à l’Institut Pasteur du Cambodge. « On le retrouve aussi dans les réserves d’eau présentes dans les salles de bain, qui sont des lieux frais, à l’abri de la lumière et propices à la multiplication des larves, d’autant qu’ils sont peu souvent traités. » Aedes aegypti pique majoritairement le jour, entre 17 et 20 heures, à l’heure du repas - très fréquemment pris à l’extérieur - rendant les moustiquaires et la lutte contre les moustiques adultes peu efficaces.
Les insecticides actuellement utilisés au Cambodge sont le temephos, surtout connu sous le nom d’Abate au Cambodge - un larvicide fréquemment utilisé dans les jarres d’eau - la deltaméthrine et la perméthrine, utilisées en pulvérisation contre les moustiques adultes. Or, l’étude co-signée par l’Institut Pasteur et réalisée en 2016 montre que ces trois insecticides sont désormais totalement inefficaces au Cambodge. Les larvicides, qui représentent le meilleur moyen de lutte anti-vectorielle contre la dengue, font face à des populations de moustiques très résistantes, à l’instar des adulticides. Une très forte résistance est apparue pour ces derniers, notamment à Phnom Penh et Siem Reap, peut-être liée à la fréquence élevée de pulvérisations, notamment dans les hôtels. « Les résistances existent depuis qu’on utilise des insecticides », indique Sébastien Boyer. « Il s’agit d’une véritable course à l’armement, qui se fait par sélection naturelle des moustiques résistants et de manière très rapide étant donné qu’on peut observer une quinzaine de générations de moustiques par an. Par conséquent, un changement de stratégie est nécessaire. »
Dans les mois à venir, l’Institut Pasteur va tester d’autres insecticides - larvicides et adulticides - sur les populations de moustiques résistantes de Phnom Penh pour voir lesquels sont efficaces. Mais comment prévenir l’apparition de nouvelles résistances ? L’Organisation Mondiale de la Santé recommande la rotation d’insecticides en la matière. Une approche expérimentée au Laos, où le ministère de la Santé vient de valider le principe d’une rotation de plusieurs larvicides, dont l’insecticide biologique Bti et le spinosad.
Phnom Penh a connu une augmentation des cas de dengue depuis le début de l’année, sans que celle-ci soit particulièrement alarmante. Au niveau national le nombre de cas de dengue reste dans les moyennes, voire en deçà.