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Photographies du Cambodge : derrière l’objectif avec Vincent de Wilde

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La Fille de la Rizière, près de Skun, 10 juillet 2011 © Vincent de Wilde
Écrit par Leïla PELLETIER
Publié le 19 juin 2018, mis à jour le 19 juin 2018

Originaire de Belgique, Vincent de Wilde est arrivé au Cambodge il y a onze ans. Il est procureur au sein du tribunal spécial mis en place pour juger des crimes commis par les Khmers rouges – Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens – mais est également passionné de photographie depuis l’adolescence et vient de lancer son site internet. Pour Lepetitjournal.com Cambodge, il sélectionne cinq photos qui lui tiennent à cœur et dévoile les anecdotes derrière ces clichés.

Quand il devient avocat, Vincent de Wilde n’abandonne pas sa passion pour la photo et prend des cours du soir dans une école professionnelle à Bruxelles. Photographe humaniste, il aime capter les expressions, les émotions, l’âme du pays dans lequel il réside. Avant le Cambodge, il vit six ans au Rwanda. De l’argentique au numérique, c’est toujours le noir et blanc qu’il préconise : « Pour moi, le noir et blanc donne une intemporalité et plus de profondeur à la photo. L’œil va rechercher tous les petits détails. Avec de la couleur, il y en a toujours une qui saute aux yeux, qui accroche le regard, peut même le déranger », explique-t-il.

Au gré de ses déambulations urbaines et dans la campagne cambodgienne, certains thèmes s’imposent naturellement à lui et font d’ailleurs l’objet d’expositions. Il fixe principalement son objectif sur Phnom Penh, sa jungle urbaine, son architecture chaotique mais organisée, le lac Boeung Kak maintenant recouvert, les Chams, les marais salants de Kampot, les parallélismes ou encore l’humour de situation.

 

La Fille de la Rizière

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La Fille de la Rizière, près de Skun, 10 juillet 2011 © Vincent de Wilde


Cette photo représente un paysage rural cambodgien typique où l’on voit une famille en train de transplanter du riz. Tous travaillent dur mais il règne une bonne atmosphère. J’ai patienté environ vingt minutes avant de pouvoir prendre cette photo. La jeune fille au premier plan restait très sérieuse, elle ne voulait pas se dérider, jusqu’à ce qu’assis sur la berge, une colonne de fourmis rouges commence à grimper sur ma jambe. Alors que je me débattais, tout le monde a éclaté de rire et j’ai pu capturer ce moment. Il est vrai que cette scène à la campagne peut faire cliché mais pour moi, en tant que procureur, cela rappelle d’autres choses. Sous les Khmers rouges, la population, réduite en esclavage, travaillait dans des coopératives qui n’en étaient pas vraiment… 

 

Le Penseur du Point du Jour

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Le Penseur du Point du Jour, Marais salants de Kampot, 18 décembre 2011 © Vincent de Wilde

 

Je me suis rendu de nombreuses fois dans les marais salants. Ces lieux dégagent beaucoup de poésie. Ce sont de grands espaces organisés autour d’entrepôts de sels et d’œillets (noms donnés aux marais salants), le tout divisé de façon assez graphique par de petites buttes de terre et un système d’écluses. En décembre, c’est la préparation des marais salants. Les fonds sont ratissés pour créer une surface plane, facilitant la récolte du sel qui s’effectue sur deux, trois mois. Les collines du parc national de Kep sont visibles en arrière-plan ainsi qu’une personne qui retourne la terre avec des bœufs. L’homme au centre est tout à ses pensées. C’est très tôt le matin vers 5-6h. Le voir de dos permet d’imaginer davantage ce qui peut lui traverser l’esprit. Depuis deux ans, il pleut tellement à Kampot que le sel n’a pas pu être récolté, presque tous les entrepôts sont vides.

 

Par Air et Par Mer

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Par Air et Par Mer, Pochentong (Phnom Penh), 14 octobre 2010 © Vincent de Wilde

 

Ce cliché a été réalisé pour illustrer le thème « In the Jungle of Phnom Penh » avec un peu d’humour. La situation s’est améliorée maintenant devant l’aéroport mais à certaines périodes comme cette année-là en 2010, il y avait vingt centimètres d’eau en permanence au mois de septembre-octobre. On peut noter le contraste entre l’avion qui représente la connexion avec le monde et la vie dans la ville, qui se développe à grands pas mais dont les infrastructures ne suivent pas encore toujours très vite, notamment pour ce qui est du système de drainage.

 

Pedro en Parallèle

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Pedro en Parallèle, Rue 57, Phnom Penh, 19 février 2011 © Vincent de Wilde

 

Illustration du thème « Parallélisme », on peut voit deux travailleurs en train de retirer le trottoir devant la boutique Pedro, pas encore ouverte à ce moment-là. Graphiquement, c’est intéressant. Ils ont la même attitude et la même posture. Il est 11h, ils font une petite pause à cause de la chaleur. Un second parallélisme est visible à l’arrière avec les deux modèles du panneau publicitaire. Ils sont très occidentaux et représente une idée du luxe, ce qui contraste avec les deux travailleurs qui sont payés 6 à 7 dollars la journée. Un dernier élément à remarquer est une jambe qui dépasse dans le coin supérieur gauche. Il s’agit d’un autre travailleur, en train d’enlever la publicité car le magasin s’apprête à ouvrir. Phnom Penh, avec ses inégalités sociales est une ville des contrastes entre luxe et pauvreté.

 

Sagesse Cham

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Sagesse Cham, Peam Chileang (à 20 km de Kampong Cham le long du Mékong), 6 août 2016 © Vincent de Wilde

 

Cette photo est prise à Peam Chileang, le long du Mékong entre Kampong Cham et Kratié. La communauté cham y est très importante. L’homme sur la photographie est un vieux pêcheur cham. Il a beaucoup de bonté dans le regard. Il est vrai que l’on confond, trop souvent malheureusement, les termes « Cambodgiens » et « Khmers. » Il y a cependant de nombreuses minorités au Cambodge dont les Chams qui se sont fait décimer par les Khmers rouges. Ils étaient 400 000 avant le régime de Pol Pot, 200 000 après le génocide. Le régime ne tolérait que l’ethnie khmère, les religions étaient abolies. Les Chams ne pouvaient plus parler leur langue, utiliser leur culture et leurs traditions. Cette assimilation de force a causé une perte d’identité. Certains ont essayé de se rebeller avant d’être massacrés, les autres ont été déportés, dispersés dans tout le pays. Ce pêcheur a traversé cette période Khmers rouges et y a survécu.

 

Pour découvrir plus de photos, rendez-vous sur le site Vincent de Wilde Photography. Les clichés sont en vente, une partie des profits est reversée à l’ONG Krousar Thmey.

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Publié le 19 juin 2018, mis à jour le 19 juin 2018

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