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EXPAT – 5 questions gênantes sur votre vie au Cambodge

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 6 octobre 2013, mis à jour le 8 février 2018

"Pas la semaine prochaine, j'ai des amis de France qui sont là...". Si vous êtes installés au Cambodge depuis quelques mois, vous avez déjà entendu ou prononcé vous-même cette phrase. Car à côté des week-end à Sihanoukville et des concerts du Cambodian Space Project, la vie d'expatrié au Cambodge est également rythmée par la visite de proches, famille, amis, amants, curieux de découvrir à quoi ressemble votre vie sous les tropiques. D'abord heureux et fier de jouer les guides, l'expat l'est un peu moins quand vient le temps des questions qui fâchent. Illustration en 5 exemples.

1. "Alors comme ça, il y a beaucoup de couples mixtes au Cambodge ?"

22 heures. Vous avez emmené votre belle-famille boire un verre, suivant leur envie de découvrir "la vie nocturne à Phnom Penh". Belle-maman, émerveillée, semble porter un intérêt particulier aux couples étrangement assortis qu'on peut croiser rue Pasteur peu avant minuit. Passé le septième ? un type costaud, tatoué et éméché, en compagnie d'une jeune femme khmère de 20 ans et 40 kilos de moins que lui ? Belle-maman n'y tient plus et vous lance, avec un enthousiasme et une candeur qui vous laisse pantois : "Ah mais alors c'est marrant ça quand même, je vois plein de couples mixtes ce soir? Il y a beaucoup de couples mixtes au Cambodge ?"

Avec S-21 et les gosses qui mendient, la prostitution fait généralement partie des réalités difficiles à interpeler les touristes au Cambodge. Mais avec le temps, vous êtes devenu bien moins enclin à débattre de ces sujets ressassés, déprimants, et pas toujours représentatifs des problématiques et des enjeux actuels du pays. Enfin, sur le rayon filles, il y a longtemps que vous avez cessé de juger sur peau et sur pièce, influencé sans doute par ces histoires en forme de contes de fées, ces filles arrachées à leur comptoir et à leur misère par un barang de passage tombé amoureux d'elles? Mais allez donc expliquer tout ça à Belle-Maman. Vous souriez : "Oui? Oui, il y a pas mal de couples mixtes."

2. "Tu cuisines souvent des petits plats khmers à la maison ?"

Pour leur première soirée en Asie, vous avez décidé d'emmené Jojo et Steph, couple d'amis de longue date débarqué tout droit de votre Normandie natale, savourer un lok lak au petit resto du coin. Pas peu fier de la finesse de vos recommandations ("Franchement prenez-le avec un ?uf sur le riz, c'est bien meilleur"), vous osez même vous lancer dans une virulente critique contre les lok lak servis avec des frites, un "vrai piège à touristes". De plus en plus confiant, vous finissez par faire le récit de la dégustation du meilleur prahok de votre vie, c'était il y a 6 mois à Battambang. Admiratifs, Jojo et Steph vous demandent si vous cuisinez bien khmer et à quelle fréquence. 

Vous repensez à vos repas de ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois. Il y a eu des pâtes, des steaks, du Libanais, du Mexicain, 100 grammes de brie industriel à 9,5 dollars (jour de fête), de la baguette, de l'Indien, des pizzas livrées en 15 minutes. Ça ne fait tant de cuisine khmère que ça, et encore moins faite maison. Ce n'est évidemment pas ainsi que vous aviez rêvé votre adaptation à la vie locale? Dans un éclair de génie revanchard, vous décidez que vous leur ferez demain matin le coup de la soupe de nouilles, petit déjeuner local, au milieu des étals du marché. Tout n'est pas perdu.

3. "Et c'est quoi sinon le nom de cet oiseau ?" 

Au yeux des proches qui vous rendent visite, vous êtes l'ultime spécialiste du Cambodge, autrement plus fiable qu'un guide touristique, un vrai. Mais quel expatrié de longue date n'a jamais vécu l'humiliation de ne pas pouvoir répondre à une question, ô combien triviale sur le Cambodge, et de passer alors pour un imposteur ? Même pas fichu de remplacer le Lonely Planet, Trip Advisor, Wikipédia et Google map ! En réalité, vous avez beau avoir étudié en détail l'architecture des temples khmers, revisé la guerre d'Indochine, le régime Khmer rouge et les enjeux du procès de ses dirigeants? Vous vous ferez toujours piéger par une question à laquelle vous n'êtes pas préparé.

C'est souvent une question spontanée, qui surgit au milieu des rizières, là où on ne croise ni homme ni pierre, et où vous pensiez donc être à l'abri de la curiosité de vos invités. Sauf qu'il y a toujours un animal pour passer par là? "Comment s'appelle cet oiseau au plumage si particulier, et combien dénombre-t-on de buffles dans la région, et ce papillon là, c'est quoi son nom en latin ?" Et là, à moins de jouer la carte du bluff (ce n'est pas donné à tout le monde), vous devez non seulement reconnaître en public votre ignorance crasse, mais porter en plus la culpabilité de ne pas vous être assez intéressé à la faune et à la flore de votre pays d'accueil.

4. "Tu dois parler couramment le khmer maintenant, non ?"

Depuis l'arrivée de Jipé, l'ami des 400 coups, y compris les plus durs, vous n'avez pas manqué une occasion de lui en mettre plein la vue. Du or-khun et du sok sabai en veux-tu en voilà, que je te commande un kafé teuk-koh muy, que je te négocie ton tuk tuk à pi poan. Alors Jipé, il finit par marcher. Il vous fait remarquer que vous vous débrouillez vachement bien, et vous demande bientôt de jouer les interprètes. Vous partez confiant, aussi confiant que pour le lok lak avec ?uf (vous lui avez fait le coup aussi), et les débuts de la conversation avec bang sont gratifiants. C'est quand Jipé, veut entrer dans le vif du sujet que ça se complique. "Et tu peux lui demander ce qu'il pense des effets de la globalisation sur la gestion interne des ressources fluviales au Cambodge ?" 

Dès que Jipé aura le dos tourné, vous poserez bien la question à son nouvel ami cambodgien ? qui au passage semble chercher un moyen de prendre congés poliment ? mais en anglais. Il vous faudra reconnaître qu'une fois passé le chapitre des formules de politesse de base, vous avez vraiment cessé de progresser dans vos leçons de khmer. Vos visiteurs, qui supposent qu'au bout d'un an passé dans le pays vous êtes forcément devenu bilingue, ont le don de vous le rappeler.

5. "C'est incroyable ça, tu connais plein de VIP ici ?"

En manque de festivités urbaines après leur semaine dans le Ratanakiri, vos amis parisiens vous suggèrent de les emmener dans un des lieux  "qui bougent" de la capitale. Ce soir jeudi, c'est vernissage ? ambiance. Bien élevé, vous présentez à vos visiteurs chaque expat qui vient vous claquer la bise : "Marc, Sophie, voici Machin?" Non sans vous sentir obligé, (mauvaise) habitude de réseautage oblige, de leur préciser à chaque fois la position professionnelle EXACTE de vos interlocuteurs : "Machin est manager de cette super boutique, dans la 352, vous voyez ?"

Si Marc et Sophie, qui repartent demain en France, ne voient pas trop (et à vrai dire s'en tapent un peu), ils remarquent néanmoins, surpris, que vous fréquentez décidément du "beau monde" : directeurs d'entreprise, d'institutions prestigieuses, créateurs de mode, chefs de projet, artistes et managers dans tous les sens? Vous qui avant votre expatriation étiez tout sauf mondain, vous prenez conscience de la fâcheuse transformation qu'a opérée sur vous la vie dans la communauté française de Phnom Penh? cette ville à taille si "humaine" où, que vous le vouliez ou non, vous donnez l'impression de connaître tous les expat qui l'habitent, de l'artiste exilé aux notables du coin. Fini, le mythe de l'aventurier qui passent ses soirées seuls face aux geckos et au bruissement du Mékong. 

Céline Ngi (http://www.lepetitjournal.com/cambodge) Lundi 6 octobre 2013

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Publié le 6 octobre 2013, mis à jour le 8 février 2018

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