Pour clôturer notre série sur la francophonie, Lepetitjournal.com a rencontré Guillaume Narjollet, conseiller de coopération et d'action culturelle et directeur de l'Institut Français au Cambodge qui a pris ses fonctions à la rentrée 2016. L'IFC, rattaché à l'ambassade, est un établissement à autonomie financière qui joue un rôle important dans le rayonnement culturel de la France au Cambodge et qui souhaite s'adresser toujours davantage à la population cambodgienne.
Un institut est un établissement à autonomie financière. Nous pouvons recevoir des dotations, des subventions. Nous avons des règles strictes mais qui nous laissent une liberté de man?uvre. Ainsi, nous pouvons générer des recettes, avoir une forme d'activité commerciale et un fonds de roulement. En effet, nous ne sommes pas totalement soumis au principe de l'annualité budgétaire, ce qui nous permet d'utiliser d'éventuels crédits en surplus pour investir. Nous sommes un établissement considéré administrativement comme étant au service de l'ambassade. |
Quel est le rôle et quelles sont les missions de l'Institut Français du Cambodge?
L'Institut Français du Cambodge a d'abord succédé au Centre Culturel qui lui-même était l'héritier de l'Alliance Française, ouverte ici en 1991 avant que l'ambassade ne rouvre de nouveau ses portes en 1996. Son rôle consiste à faire la promotion, au sens large, d'une forme d'excellence française, notamment culturelle. L'IFC agit également comme une vitrine de l'ambassade en proposant régulièrement des manifestations qui sont la conséquence d'actions développées par le service de coopération et d'action culturelle ou nos opérateurs et partenaires (AFD, France Volontaires, ONG, etc). Ses missions ont pour objectif de faire rayonner notre pays, favoriser le développement d'un environnement culturel riche et diversifié, accessible au public francophone mais aussi cambodgien et de nouer de véritables partenariats avec les institutions locales dans le domaine culturel (Ministère de la Culture et des Beaux-Arts, Commission du film du Cambodge, centre Bophana, ONG comme Phare Ponleu, etc).
Les domaines principaux dans lesquels l'Institut est actif correspondent aux priorités identifiées dans le plan d'action de l'ambassade et relayées par celui de l'IFC. Tout d'abord, la diffusion et la promotion de la langue française qui permettent de nous ouvrir sur la francophonie. Le centre de langues, la programmation cinématographique, la médiathèque, participent à cette logique. Notre programmation culturelle est aussi axée sur des sujets pertinents pour ce pays qui a beaucoup souffert, et dans lequel doivent être recréés un environnement culturel ainsi que des infrastructures. La diffusion culturelle passe par la jeunesse cambodgienne et des thèmes comme les arts visuels, le cinéma, les expositions, le cirque, la photographie et le débat d'idées sur lequel nous mettons un accent très fort.
Nous avons la chance, au Cambodge, d'avoir sur place et de passage des interlocuteurs de très haut niveau qui nous permettent d'alimenter le débat d'idées. À titre d'exemple, nous avons accueilli, au cours des six derniers mois, Jacques Godfrain, ancien ministre de la Coopération, président de la Fondation Charles de Gaulle ; Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie française ; Jean-David Levitte, ancien conseiller diplomatique et sherpa de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ; le Dr. Hang Chuon Naron, Ministre de l'Éducation, de la Jeunesse et des Sports du Cambodge et la journaliste Christine Ockrent.
Quel est le bilan 2016 et les perspectives pour la suite?
Nous souhaitons davantage ouvrir l'Institut vers le public cambodgien et les artistes locaux. Nous essayons, une fois par mois au moins, de permettre à un artiste ou un groupe d'artistes Cambodgiens de se produire ici. Nous avons, d'ailleurs, récemment présenté l'exposition de Sopheap Pich, artiste plasticien, mondialement reconnu et qui n'avait pas exposé au Cambodge depuis quinze ans. Nous invitons également des artistes francophones, pour montrer que le français n'est pas uniquement la France.
Notre action de promotion du français, de la langue française et de la francophonie est un travail de fond qui nous amène à collaborer et à nous appuyer sur des opérateurs tels que l'Agence universitaire de la francophonie ou l'Organisation internationale de la francophonie. Nous disposons, avec le Centre de Langues de l'IFC, d'un outil haut de gamme pour l'enseignement, adapté à la diversité des publics, du français. Chaque année, nous avons environ 6000 étudiants. Le français, pour le Cambodge, permet d'ouvrir de nouveaux marchés, de nouvelles destinations grâce à la francophonie et cela peut donner l'opportunité au pays d'avoir une présence plus importante sur la scène internationale.
Nous avons considérablement développé les activités « économiques » de l'Institut notamment avec le centre de langues, le premier poste de ressources propres de l'IFC pour lequel nous comptons plus de 7000 élèves sur quatre sessions dans l'année. Le niveau de qualification des enseignants a été augmenté et nous avons extrêmement diversifié notre offre. Cela nous permet d'avoir une politique tarifaire qui génère des recettes. Nous avons un taux d'autofinancement qui nous place parmi les 15 premiers instituts dans le monde. Aujourd'hui, nous nous autofinançons à 70%.
Notre restaurant bénéficie également d'un succès croissant. Nous souhaitons continuer à développer nos ressources afin de pouvoir nous ouvrir davantage aux Cambodgiens, enrichir et diversifier notre programmation et mettre le bel espace de l'Institut, ainsi que le jardin, à la disposition du public dans des conditions toujours meilleures.
Comment l'IFC arrive-t-il à s'adapter dans un contexte où le français est en perte de vitesse?
Nous nous employons justement à ce que le français ne soit pas en perte de vitesse. L'ambassade de France et le Ministère de l'Éducation du Cambodge ont établi un Plan global pour le français, qui doit encore être officiellement validé. D'ores et déjà, une première langue, qui doit être l'anglais ou le français, sera obligatoirement choisie en primaire et une seconde, qui est la langue non choisie en première langue, au collège. Nous sommes dans une approche de plurilinguisme et l'objectif est que les élèves puissent atteindre un niveau A2 et B1 dans ces deux langues.
Ce plan vise, sur 4 ans, à former suffisamment d'enseignants pour ensuite permettre au Cambodge de générer lui-même ses propres formateurs. C'est un système à plusieurs étages qui s'appuiera sur l'Université Royale de Phnom Penh et son département d'études francophones, l'Institut national de l'Éducation pour la formation continue et les centres de formation régionaux.
Le français n'a pas disparu au Cambodge et nous ?uvrons avec les autorités cambodgiennes pour que cela continue. Nous constatons qu'il y a toujours un intérêt chez les jeunes pour le français et c'est encourageant. Nous avons la chance d'avoir un ministre, le Dr. Hang Chuon Naron qui est très investi dans ce dossier comme sur tant d'autres sujets. Notre objectif est que le français se maintienne de manière suffisante pour que l'on puisse générer au sein des élites, des décideurs et dans des milieux qui sont économiquement et culturellement actifs, des gens qui aient, à travers le français, une compréhension du monde qui les rapproche de nous.
Leïla Pelletier (www.lepetitjournal.com/cambodge) vendredi 31 mars 2017