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« Chez Mama Ly », l'héritage culinaire de la vlogueuse Diana Chao

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Écrit par Thibault Bourru
Publié le 22 septembre 2019, mis à jour le 18 février 2021

À 31 ans, Diana Chao a décidé de se lancer à plein temps dans une nouvelle aventure, celle de youtubeuse. Sa chaîne « Chez Mama Ly », qui compte actuellement 6500 abonnés, résonne comme un hommage à sa mère, décédée il y a 5 ans, et à ses nombreuses recettes de cuisine asiatique. C’est elle qui a éveillé chez la Parisienne cette passion inconditionnelle pour l’art culinaire de son continent d’origine. Diana, née de parents sino-cambodgiens et épaulée de son conjoint à la caméra, veut utiliser ce moyen de communication pour atteindre le but qu’elle s’est fixé : démystifier la cusine asiatique.

La seconde génération de familles cambodgiennes immigrées en France avant, pendant ou juste après le régime khmer rouge ressent aujourd’hui le besoin de témoigner de la réalité de la culture khmère et plus largement des différences subtiles qu’il existe entre les nombreuses cultures d'Asie du Sud-Est. Pour Diana, qui veut aller dans ce sens par la cuisine, c’est une question de moyens, mais aussi de choix, « car la première génération immigrée s’est tournée vers le futur, elle a appris la langue sur le tas, et ne ressentait ni le besoin, ni l’envie d’expliquer chaque plat par exemple. Cela est vrai pour bien des domaines. Je comprends qu’il y ait aujourd’hui une forme de riposte pédagogique, car nous sommes nés en France, il n’y a plus cette barrière de la langue, il faut préciser les choses, synthétise-t-elle. J’ai pris un taxi l’autre jour, j’ai raconté d’où venaient ma famille et expliqué ma passion pour la cuisine sud-est asiatique que je partage sur Youtube. Le chauffeur m’a répondu : Vous savez j’adore les sushis. »

C’est dans ce genre d’instant que Diana, loin d’être indignée, prend son rôle au sérieux et, pédagogue, explique que le Japon ce n’est pas le Cambodge, ni l’Asie du Sud-Est d’ailleurs. Qu’il y a des différences culturelles fortes au sein d’un même continent ou d’une même région. Et qu’il est important de les connaître pour être simplement précis dans ses propos. Diana a lancé sa chaîne Youtube « Chez Mama Ly » il y a quatre ans. Elle travaillait alors dans le domaine du marketing, loin de sa passion première, et réalisait des vidéos sur son temps libre, « un hobby à l’époque ». Depuis cet été elle a décidé de se consacrer à 100% à sa vie de vlogueuse, un excellent moyen pour elle d’expliquer l’origine des plats qu’elle concocte ou les subtilités associées à certains ingrédients, tout en rendant hommage à sa mère et en perpétuant sa mémoire.
 

Diana Chao


Conserver l’héritage culinaire

Le déclic, Diana l’a eu il y a maintenant cinq ans lors du décès de sa mère, Ly Kheng. C’est cette dernière qui lui a transmis cette passion, d’abord pour la cuisine khmère mais pas uniquement. « Ma mère a tenu un restaurant asiatique pendant plus de 15 ans. J’ai vraiment baigné là-dedans à la maison depuis mon plus jeune âge. Elle ne préparait pas que des plats cambodgiens, mais utilisait aussi des recettes d’autres pays d’Asie du Sud-Est. C’était un véritable melting pot », souligne-t-elle. Déjà de son vivant Diana lui suggérait d’écrire un livre de ses propres recettes, idée à laquelle sa mère répondait toujours « je n’ai pas le temps. » C’est alors que la trentenaire s’organise pour que les créations de sa mère ne tombent pas dans l’oubli. Petit à petit cette volonté s’est transformée en véritable mission. « Il fallait que je maintienne cet héritage culinaire, j’ai voulu tout de suite écrire un livre autour de ses plats pour le transmettre à mes cousins, mes neveux, mes nièces, et peut-être mes futurs enfants , sourit-elle. Puis je me suis dit qu'il était possible de partager cet héritage au plus grand nombre. Le diffuser et pouvoir le mêler à la culture française, aider les Français à ne plus faire d’amalgames entre les différents pays d’Asie, au moins d’un point de vue culinaire. »

Elle recherchait également l’interactivité, pouvoir répondre à certaines interrogations tout en inscrivant dans le marbre les idées et les sentiments de sa mère. La création de la chaîne « Chez Mama Ly » sur Youtube s’est donc imposée. Dans ses vidéos Diana invite les spectateurs à se rendre chez sa mère, dans la maison familiale d’Île-de-France, en plein cœur de sa cuisine. « C’est important pour moi de véhiculer ce message d’accueil car au delà de ses recettes c’est ce qu’elle était. Elle proposait toujours à mes amis de rester pour manger, pareil pour ceux qui me déposaient simplement à la maison ! » En entrant « Chez Mama Ly » chacun peut ressentir cela. Assister à une initiation voire une expérimentation de la cuisine d'Asie du Sud-Est tout en pouvant réagir en commentaires, « cela me fait extrêmement plaisir dès que je reçois un retour ou un commentaire venant d’un abonné », témoigne Diana.


Enseigner la diversité culturelle

Ce besoin de pédagogie a mûri dans l'esprit de Diana Chao au fil du temps. « Dans le fond je pense avoir toujours eu envie d’aider les gens à mieux comprendre ma culture. Je n’ai pas vraiment grandi au sein de communautés asiatiques soudées, j’ai fréquenté des écoles catholiques à Paris et en classe j’étais souvent la seule d’origine asiatique. C’est difficile à cet âge là de se faire comprendre des autres. » Appréhender toutes les subtilités d’une autre culture peut être ardu pour les enfants. Diana a dû grandir autour de ce sentiment, ce qui ne l’a pas empêchée plus tard de libérer sa parole.

Sa mère, native de Phnom Penh, et son père né à Battambang dans les années 1950 sont issus de la minorité teochew, une communauté d’origine chinoise qui a en partie émigré en Asie du Sud-Est il y a de cela plusieurs siècles. Diana se présente comme une Française d’origine sino-khmère. Un véritable melting-pot que la youtubeuse veut transmettre à sa communauté, à l’image de la cuisine de sa mère. Ce mélange ne s’arrête d’ailleurs pas à la culture khmère teochew puisque Ly Kheng était également habituée à créer, ou reproduire, des recettes vietnamiennes, chinoises, ou encore thaïlandaises.

Pour satisfaire ce besoin de partage Diana ne se ferme aucune porte. Elle anime quelques fois par mois des ateliers de cuisine en plein cœur de Paris. Elle accueille ici tous ceux qui voudraient la rencontrer, en apprendre plus sur ses recettes, et qui entretiennent le souhait de cuisiner avec elle après l’avoir vue à l’œuvre sur Youtube. « Je suis très heureuse de rencontrer des abonnés lors des ateliers, cela permet un contact direct. Il y a un côté plus intime, plus humain, on peut corriger ensemble et directement les erreurs, c’est totalement différent du travail sur Youtube. » Pas question aujourd’hui cependant de penser à l’ouverture d’un restaurant. Ce n’est pas son truc, « peut-être parce qu’il y a déjà beaucoup de restaurateurs dans ma famille », répond-elle.
 

Diana en plein cours à l'atelier avec ses apprentis
Diana après un cours à l'atelier avec ses apprentis.


Une chaîne Youtube à développer

Durant les quatre dernières années, l'emploi de Diana ne lui laissait pas le temps de publier de façon régulière ses vidéos. Pour un contenu de cinq minutes sur Youtube, elle a besoin de trois jours de travail entre le tournage, le montage et la publication. Cela pouvait passer d’une vidéo par mois, à une tous les deux mois, « il fallait que je trouve du temps et de l’énergie. J’ai ressenti une grande frustration, ajoutée à une peine vis-à-vis de mes abonnés qui me disaient être tristes de ne pas me voir plus souvent sur Youtube. Je veux maintenant m’y consacrer totalement », soutient-elle, soulagée. Elle assure aujourd’hui « avoir du stock » et pouvoir publier régulièrement, au rythme d'une vidéo par semaine. Seules les recettes et astuces que Ly Kheng a transmises à sa fille sont présentées sur sa chaîne. Diana utilise toute sa mémoire cognitive et sensorielle pour se rappeler de ces œuvres culinaires, « je fais également goûter au reste de ma famille avant de publier une vidéo, eux savent aussi très bien reconnaître la complexité des plats de ma mère », précise la vidéaste. Car des recettes, il y en a beaucoup ! « J’ai toujours des souvenirs de ma maman en train de cuisiner dix plats en même temps, et moi à côté en tant que commis de cuisine. »

Diana va maintenant devoir s'arranger pour vivre de cette passion. Le nombre de vues par vidéo sur Youtube peut développer une source de revenu certaine mais cela nécessite une grande visibilité et une régularité hors pair pour qu'elle soit stable et suffisante. Le placement de produit ou les partenariats avec des entreprises ou des personnalités, ce pour quoi Diana va opter dans les semaines qui viennent, peuvent s'avérer être des solutions alternatives qui assurent une bonne base financière au lancement d'une chaîne.
 


Son but est d’enseigner de nouvelles recettes, techniques, mais également connaissances gastronomiques de sa région d’origine. Des recettes qui perpétuent une passion transmise par sa mère et, au delà de leur dimension sentimentale, servent à éduquer ceux qui souhaitent contourner les raccourcis. C’est en tout cas la mission qu’elle s’est donnée.

 

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Thibault Bourru
Publié le 22 septembre 2019, mis à jour le 18 février 2021

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