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A Prey Lang, le smartphone contre la déforestation

déforestation Cambodge Prey Langdéforestation Cambodge Prey Lang
Un villageois utilise l'application du PLCN. Crédits: Prey Lang Community Network Website
Écrit par Victor Bernard
Publié le 20 septembre 2018, mis à jour le 21 septembre 2018

Depuis 2015, les habitants des villages entourant la forêt de Prey Lang au nord du Cambodge ont recensé, grâce à une application, 3000 actes de déforestation illégale dont ils ont été témoins.

Les forêts du nord du Cambodge sont devenues des zones de non-droit pour des exploitants peu scrupuleux. L’accès facile au cœur des forêts rend la transportation du bois rapide et donc rentable. Les habitants des communautés entourant ces forêts des provinces de Kampong Thom, Stung Treng, Kratie et Preah Viehar, ont pris la situation en main.

Une mobilisation victorieuse à l’origine la création du réseau

Après la cession de nombreuses aires forestières dites « de valeur » du pays à de grands exploitants nationaux et internationaux par le gouvernement durant les années 90, de nombreux petits producteurs de résine des villages autour de la forêt de Prey Lang se sont retrouvés dans une situation d’extrême précarité. De nombreuses révoltes ont éclaté, causant la mort de plusieurs manifestants selon le réseau communautaire de Prey Lang (PLCN). La suspension de l’exploitation de la forêt par les grandes entreprises spécialisées dans l’exploitation et la revente de bois ont encouragé les villageois et les habitants des différentes provinces à continuer leur mobilisation.

Afin de faciliter la coordination entre les habitants de ces quatre grandes provinces cambodgiennes, le PLCN a été créé quelques années plus tard et a immédiatement bénéficié du soutien de très nombreuses organisations prônant la défense des petits exploitants et aussi des habitants de la forêt telles que l’IRAM (Membres actifs de la défense des droits des indigènes), l’EHEO (Organisation pour l’environnement et l’éducation à la santé) ou encore le CYN (Réseau de la jeunesse cambodgienne). Certaines universités, comme celle de Copenhague, ont apporté un soutien formel au PLCN.

 

Exemple de déforestation massive dans la forêt de Prey Lang. Crédits : Prey Lang/FLickr Creative commons
Exemple de déforestation dans la forêt de Prey Lang. Crédits: Flickr/Prey-Lang Creative Commons

 

Une coopération entre habitants unique au Cambodge

Dans l’objectif de collecter le maximum d’informations concernant ces activités illégales, la communauté de Prey Lang, forte du soutien de nombreuses organisations internationales de protection de l’environnement, a créé une application pour former une base statistique solide. Au sein de l’application, 3 catégories sont répertoriées : « exploitation du bois » regroupant toutes les photos, traces et fréquences de la déforestation illégale ; « ressources naturelles », où sont enregistrées toutes les espèces d’arbres et la faune sauvage de la forêt et « rapport », qui vise à collecter les données à destination du gouvernement ou des autorités locales compétentes.

Sur les 118 villages du secteur d’action du PLCN, 83 sont considérés comme actifs dans la détection d’actes de déforestation illégale.

L’objectif final du réseau est donc de rassembler de nombreuses communautés et de créer une communauté militante pour contrebalancer le pouvoir massif des grandes entreprises exploitantes de bois. Le modèle est très efficace : concernant Prey Lang, un comité central de 28 représentants (7 pour chaque province) prend les décisions majeures et une assemblée de 100 personnes (25 par région) se réunit au minimum une fois par an pour discuter des avancés du projet. L’origine du mouvement tenant dans la volonté active de tous les villageois de faire cesser l’exploitation illégale de leur forêt, il leur est bien entendu possible de participer, toutes les décisions sont prises par consensus. Pour le moment, le comité n’entreprend pas de se faire enregistrer comme ONG auprès du ministère de l’intérieur et demeure un réseau plutôt informel, même si cela pourrait être envisagé si jamais le modèle de communauté protectrice des forêts est développé sur d’autres sites que Prey Lang.

Un futur fait de collaboration

Depuis le lancement de l’application en février 2015, le réseau de la communauté de Prey Lang, qui dispose également d’un site internet fourni, a recensé près 3000 cas de crimes forestiers (selon un rapport publié en août 2018). Malgré le classement de 400 000 hectares de la forêt de Prey Lang comme « sanctuaire protégé de la faune sauvage » par le gouvernement en mai 2016, les actes criminels n’ont pas complètement cessé. Les membres de la communauté accusent certains officiels de recevoir régulièrement des pots de vin de la part des exploitants de bois, alors que ces derniers ne disposent pas de permis.

Les principaux défis à l’avenir pour le réseau de protection de la forêt de Prey Lang restent le manque de confiance envers les forces de l’ordre présentes sur place et les difficultés à éliminer durablement les risques de corruption. Le soutien du gouvernement est indispensable, selon les responsables du PLCN, le réseau ne pouvant protéger la forêt sans soutien extérieur.

victor_bernard
Publié le 20 septembre 2018, mis à jour le 21 septembre 2018

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