Le titre d'Oknha remis en question suite à plusieurs scandales

Par Lepetitjournal Cambodge | Publié le 25/05/2021 à 18:30 | Mis à jour le 26/05/2021 à 10:30
Photo : Yubi, présentatrice TV, au coeur des accusation de tentative de viol contre Oknha Heng. Source Facebook - Mean Pich Rita
Yubi lisant du courrier

Depuis le début du mois, un scandale sexuel opposant la présentatrice de "My TV" Mean Pichrita alias Yubi et l'Oknha Heng Sier défraie la chronique. Agression sexuelle ou mensonge d'une jeune étudiante attirée par le pouvoir, les réseaux sociaux se déchainent. Cette affaire est le symbole de l'apparition d'un mouvement de lutte des droits de la femme qui va jusqu'à remettre en question la légitimité du titre d'Oknha.

Mean Pichrita, une étudiante en deuxième année d’université, présentatrice sur "My TV" et ancienne candidate de Miss Grand Cambodge, a porté plainte début mai contre l’Oknha Heng Sier en l’accusant d’agression sexuelle.

Les Oknhas un titre honorifique très convoité

Le titre d' Oknha ( ឧកញ៉ា ) est le titre honorifique le plus haut pouvant être accordé aux civils. Il est accordé par la royauté, à la demande du gouvernement, aux hommes ayant participé à hauteur de 500 000 dollars à des entreprises d'intérêt public. Fondé sur un apport financier, le titre d'Oknha ne semble plus être une garantie aux qualités morales de son possesseur, malgré le nombre d'emplois que ceux-ci revendiquent créer ou encore les importantes donations au gouvernement depuis le début de la pandémie. 

Cette affaire provoque des remous dans l’opinion publique, partagée entre la respectabilité d’un Oknha et la croyance en la parole d’une jeune victime.

Les réseaux sociaux, la presse locale et les avocats du gouvernement se sont rapidement emparés du scandale. Si les réseaux ont massivement défendu la jeune femme, des images pornographiques la représentant ont également été diffusées afin de la discréditer. Le 15 mai, les autorités ont arrêté la fille et le gendre de Heng Sier pour avoir fabriqué ces images.

 

Une affaire déchaînant les réseaux sociaux au Cambodge

L’histoire a commencé lorsque Heng Sier, l'Oknha de 60 ans porte plainte contre Mean Pichrita dite Yubi, jeune présentatrice TV de 20 ans pour l’avoir brutalisé et avoir volé son téléphone. Lors de son arrestation, la jeune femme dénonce une agression qu’elle aurait subie le 4 mai dernier dans la voiture de l'Oknha. 

Devant le tribunal, le 11 mai, elle affirme que ce dernier l’avait invitée pour remettre des cadeaux aux victimes de la Covid-19. A son arrivée près du marché Kilo Lekh Buon, leur point de rendez-vous, il lui a demandé de monter dans sa voiture. C’est alors qu’il aurait verbalement formulé des avances, l’aurait attouchée sexuellement et aurait tenté de la violer. Elle a déclaré dans sa plainte, qu’elle l’a poussé pour s’enfuir de la voiture.

La jeune femme, alors toujours en garde à vue suite aux accusations de l’homme, a rencontré une vague de soutien sur les réseaux sociaux.

L’équipe juridique du Premier ministre Hun Sen a rapidement décidé de la représenter et Ky Tech, le chef du groupe d'avocats du gouvernement a déclaré qu’ils allaient l’aider à obtenir justice. Mean Pichrita a été libérée sous caution le lendemain.

Les réseaux sociaux se sont rapidement enflammés. De nombreuses vidéos ont ébranlé la toile, tantôt montrant un homme s’enfuyant d’une voiture poursuivi par la jeune femme tenant un couteau, tantôt montrant cette dernière pleurer dans les bras de sa mère au procès. Des enregistrements de Yubi dénonçant son agression ont également été partagés.

Le hashtag #justiceforyubi est devenu viral et de nombreux utilisateurs ont demandé sa libération immédiate. D’autres déploraient les violences faites aux femmes, trop souvent passées sous silence, notamment lorsque celles-ci manifestent publiquement des cas d’agressions sexuelles.

Des célébrités cambodgiennes telles que l’actrice et mannequin Rachana Ravady ou encore Vannak Bormey ont toutefois pris la parole sur les réseaux sociaux, en faisant circuler le hashtag #JusticeForYubi.

 

                                          

 

La justice cambodgienne fait face à une situation délicate, dans laquelle chacun à son mot à dire. Cette affaire est emblématique d’un mouvement de défense des droits des femmes qui apparaît sur la scène politique et publique et qui doit être pris en compte.

Ce n’est pas la première fois que la justice cambodgienne fait face à ce genre de scandale opposant un Oknha et une jeune femme. En mars dernier, le magnat de l’immobilier Duong Chhay avait plongé suite à la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos le montrant frappant son ex-femme. 37 organisations cambodgiennes ont publié jeudi une lettre appelant à une action en justice contre Sier et Duong Chhay.

 

                           

 

Lors de l’affaire opposant Duong Chhay et son ex-femme, un décret royal avait été publié pour retirer à l’homme son titre d'Oknha, un titre honorifique accordé aux hommes d'affaires qui apportent une contribution significative à l’État. Dans la récente affaire de Heng Sier, le premier ministre Hun Sen a demandé à ce que ce titre soit également retiré à l’homme. La décision n’a pas encore été rendue.

 

Un scandale témoignant d'une avancée dans la défense des droits des femmes au Cambodge

Seule face à la renommée de ces hommes, seule face au pouvoir, la voix des femmes gronde de plus en plus pour faire valoir sa légitimité et ses droits, en témoigne l’engouement de ces affaires sur les réseaux sociaux. Cette récente vague de contestations s’intensifie depuis quelques mois et laisse entrevoir une nouvelle lutte pour les droits des femmes.

Rappelons les remous qu’avaient créé l’affaire de la policière affichant sur Facebook une photographie d’elle en uniforme allaitant son enfant. Condamnée par ses supérieurs, elle avait rencontré le soutient inconditionnel de 39 ONG, des médias sociaux, et même de la femme du Premier ministre, tous regrettant le fait que cette jeune policière fasse l’objet de mesures disciplinaires. Sa hiérarchie avait fini par lui présenter des excuses.

 

Mais le plus grand rebondissement de cette affaire est sûrement la récente remise en question de la légitimité même du titre d'Oknha. Ainsi, ces différents scandales ayant sali l'honneur du titre, le gouvernement a réclamé la création d'un comité  interministériel chargé d'évaluer la conduite de ces personnalités et de recommander, le cas échéant, la révocation de leurs titres. Le comité se chargera d'évaluer la valeur morale des Oknhas et ne se concentrera plus uniquement sur la générosité de leurs donations mais analysera l'engagement constant de ces hommes pour le développement du pays et la solidarité nationale. 

Sur le même sujet
0 Commentaire (s) Réagir
À lire sur votre édition internationale