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MILITANTISME - Les moines 3.0 de Phnom Penh

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 26 mars 2014, mis à jour le 28 mars 2014

A l'heure où le Père François Ponchaud donne une série de conférences sur le bouddhisme à Phnom Penh, depuis hier mercredi 26 mars, Le Petit Journal vous livre un témoignage sur le réseau informel de moines qui, suite aux résultats des élections, utilisent les réseaux pour promouvoir la justice sociale.

 

Confinés dans une chambre dans l'enceinte de Wat Sarawan, l'une des plus vieilles pagodes de la ville, le Vénérable But Buntenh et ses six apprentis donnent le ton à ? la Voix des Bonzes indépendants?. Depuis le mois de février, ils s'affairent à réaliser et monter deux vidéos qu'ils diffuseront sur Facebook pour témoigner de la vie des citoyens cambodgiens. Cerné par des murs gris qui sentent encore la colle pour isolant mural, But Buntenh est fier d'avoir transformé sa chambre pieuse en studio de réflexion : ?Aujourd'hui, le gouvernement est en train de réformer et je pense que c'est un peu grâce à nous?, explique-t-il au Petit Journal. Selon lui, les moines ont toujours baigné dans la politique au Cambodge. ? Le tout est de ne pas agir pour un parti politique, mais dans l'intérêt d'un pays. C'est cela être citoyen?, précise-t-il.

Bouddhisme et politique

An Vicheth, 23 ans et l'un des architectes du projet « on line », opine de sa tête enfantine et ajoute: ? c'est plus difficile que cela en a l'air car il n'y a pas d'entre-deux aujourd'hui. Si l'on essaie de faire quelque chose qui va dans le même sens que les citoyens, on nous traite d'opposants. Si on ne fait rien, on ne respecte pas nos principes bouddhistes de compassion. Le gros problème, c'est la définition que chacun veut donner au mot ?politique' ?, dit-il. Pour lui, Bouddha est le père de la démocratie et le réseau de moines auquel il se sent appartenir veut partager ces valeurs de compassion, bonté, joie et justice à qui veut les recevoir.

Depuis l'annonce des résultats des élections législatives en juillet dernier, But Buntenh a constitué un réseau informel de moines indépendants en faveur de la justice sociale (traduit en anglais par Independent Monk Network for Social Justice- IMNSJ ). Ce réseau regroupe aujourd'hui 5000 membres dans six provinces du pays. Ils participent aux manifestations, rendent visites aux communautés qui connaissent des conditions de vie difficiles (voir l'article du Petit Journal sur les Kuoy à Preah Vihear par exemple). Tous sur Facebook et communiquant grâce aux nouvelles applications disponibles sur les smartphones, qui permettent de créer des groupes de discussion, ils veulent participer au nouveau visage du Cambodge que les citoyens dessinent petit à petit.

Faire évoluer les mentalités

Les réseaux sociaux sont devenus un outil et un espoir de changement. Et depuis que leur aîné, le Vénérable Loun Sovath, a commencé à filmer les expulsions qui touchaient sa famille près de Siem Reap en 2009,  chacun à sa manière a recours aux nouvelles technologies pour montrer au monde ce qu'il se passe au Cambodge.

La vie d'un moine engagé n'est toutefois pas sans danger. Le Vénérable Loun Sovath, aujourd'hui reconnu et auréolé de prix, réside dans la seule pagode clandestine du Cambodge. Il est en effet banni des pagodes de  Phnom Penh et des environs en raison de son militantisme. Loun Sovath assure qu'il est parfois suivi en moto quand il se rend en province. Même s'il  ne joindra pas le réseau car il tient à sa singularité,  il salue le pouvoir de leur action: ? avant ce réseau, j'étais le seul à parler de droits de l'homme et de justice sociale. Le gouvernement n'avait qu'un seul bouc émissaire. Aujourd'hui, beaucoup de moines osent s'exprimer et le gouvernement a moins d'influence sur eux ? explique-t-il.

Les chefs de la  religion de l'Etat, pratiquée par 95% des Cambodgiens, ne sont toutefois pas prêts à faire évoluer les traditions. Ainsi, le Vénérable Kim Son, guide spirituel des moines de Phnom Penh, affilié au PPC, a déclaré que ?la Voix des Bonzes indépendants? violait les règles monastiques. Il a interdit  la diffusion le programme mi-février. Pour But Buntenh, ceux qui tiennent de tels propos sont des adeptes de la tradition et ne veulent pas évoluer. ?Il en va de même pour ceux qui disent que l'on ne peut pas posséder de téléphone portable ou d'ordinateur. En vertu de quoi ? Il faut savoir vivre dans les principes du bouddhisme mais avec son temps ?, lance But Buntenh en appuyant sur la touche ?entrée? de son clavier. Il vient de mettre en ligne la dernière vidéo du jour sur Facebook.

Clothilde LE COZ - www.lepetitjournal.com - Vendredi 28 mars 2014

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Publié le 26 mars 2014, mis à jour le 28 mars 2014

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