Édition internationale

MÉMOIRE – Roland Neveu et la chute de Phnom Penh

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018


Roland Neveu, photoreporter se revoit capturant les images de l'avancée des forces Khmers Rouges dans Phnom Penh ? et pourquoi ses photos racontent-elles une toute autre histoire ?

Une des photos les plus publiées de Roland Neveu montre un convoi de camions et de tanks Khmers Rouges paradant le long du boulevard Monivong en 1975 (crédit : Roland Neveu)

Dans le tumulte de la guerre, le photoreporter Roland Neveu admet que l'on peut facilement perdre la signification réelle des évènements les plus marquants. C'est ce qui lui est arrivé, jusqu'à ce que la poussière ne retombe, et que le besoin instinctif de « continuer à mitrailler » ne s'estompe. Dans le cas d'un évènement qui est devenu une référence pour ce qui a précédé et ce qui a suivi ? les Khmers Rouges paradant victorieusement dans les rues de Phnom Penh et évacuant les habitants de leurs maisons ? la perspective n'est devenue claire non pas des jours, mais des années plus tard. Et pas seulement pour Roland Neveu. « C'était évidemment le début de quelque chose d'autre » évoque t-il dans un entretien récent.

Roland Neveu qui vient de publier un recueil, « The Fall of Phnom Penh », de photos prises ce jour là, a depuis parcouru le monde pour le compte du Time ou de Newsweek. Mais son premier projet, celui pour lequel le jeune homme très ambitieux de 24 ans a tout donné, fut de couvrir la guerre secrète qui se déroulait au Cambodge et qui culmina avec la chute de Phnom Penh ? une histoire qui reste l'une de ses plus recherchées. « Il n'y avait pas alors de coté symbolique, c'était seulement la fin d'une guerre. » souligne t-il en ajoutant « C'était la fin des souffrances, comme un grand soulagement. »

La fin d'une tempête
« C'est comme la fin d'une tempête, tout est beau et calme, et vous ne voyez pas venir la prochaine tempête. » Et bien que ce ne soit pas visible dans les photographies qu'il a prises ce jour là, le Cambodge allait entrer dans une des pages les plus sombres de son histoire. Le début de la tragédie cambodgienne ressemblait alors plus à une journée de réjouissance et de soulagement, des soldats adolescents souriants brandissaient des drapeaux et tiraient en l'air. Cette perspective n'a été photographiée que par peu de photographes, puisque seule une poignée de journalistes occidentaux étaient restés après la prise de la capitale par le nouveau régime. « Il est possible d'explorer les plus infimes éléments en détail » dit Roland Neveu des centaines de photos retenues pour son livre « The Fall of Phnom Penh : 17 avril 1975 » réédité cette année par l'éditeur de Bangkok ?Asia Horizons Books'.

Certains des clichés originaux avaient été perdus dans le transit entre l'agence Gamma photo de Paris, et celle de Gamma Liaison à New York, pour être finalement redécouverts dans les années 1990 lorsque Getty Images a racheté Gamma Liaison. Les photos ont été placées chronologiquement, des instantanés qui donnent une vision complète de la journée vue au travers l'objectif du photographe. « C'est ma contribution pour combler le vide. Je ne vais pas au delà de l'image. Je n'essaye pas de leur faire raconter une autre histoire » précise Roland Neveu. Ses clichés sont mis en valeur avec soin, exposant à la fois les planches contact et les impressions, ainsi que quelques descriptions portant sur d'autres moments de cette journée. Une façon de le crédibiliser dans son rôle de « voyeur » alors que certains ne comprennent pas pourquoi ses photos ne sont pas « assez tristes ». « Je ne peux pas contrebalancer ces photos avec celles de gens mourants pour la simple raison que l'on en a pas vu à ce moment là. »

Combler un vide
Roland Neveu reconnait que les photographies de The Fall of Phnom Penh seront vues différemment par les Cambodgiens et les étrangers. Il se souvient avoir rencontré un Cambodgien réfugié au sein de l'ambassade de France au moment de la chute de la ville. Il n'avait que 14 ans alors, et faisait le choix de rester parce qu'il pensait qu'il n'y aurait pas de problèmes.  « J'aime les photos parce qu'elles ramènent des fragments visuels qui montrent ce qui s'est réellement passé » souligne le reporter, « Les gens peuvent en discuter, et une distance se crée lorsque l'on en discute. » Pourtant et en dépit du pouvoir de ses propres photographies, Roland Neveu ne fait que combler un vide, « pour les Cambodgiens qui regardent ces photos, cela remplit un vide dans leur vie. Ils ont plus d'intimité avec les photos;elles sont profondément incrusté dans leur esprit ». Et de conclure « Moi ? Je suis détaché ! ».

Un article de Georgio Wilkins, de notre partenaire The Phnom Penh Post
Traduit par SK (LePetitJournal.com-Cambodge) jeudi 30 Juillet 2009

Biographie d'un raconteur d'histoire
Roland Neveu a débuté sa carrière de photojournaliste au début des années 1970, après qu'il ait réalisé que son appareil photo pouvait lui servir de passeport. « Je suis tombé dedans sans l'avoir prévu » raconte Roland Neveu, « après plusieurs années tout cela s'est construit dans ma tête, je pensais pouvoir apporter un regard neuf sur chaque pays. » Il fut le premier à suivre la situation désespérée des victimes du SIDA en Afrique, et celle des premiers prisonniers soviétiques dans la guerre sainte d'Afghanistan. Il a aussi suivi le siège de Beyrouth au milieu de l'année 1982, le conflit du Liban jusqu'en 1985, la guerre civile du Salvador, et les guérillas aux Philippines. A la fin des années 1990, le français a travaillé comme journaliste de plateau pour le compte de réalisateurs hollywoodiens comme Oliver Stone, Brian de Palma, et Ridley Scott. Il fut le co-auteur de documentaires télévisés sur le SIDA en Ouganda en 1986, sur la rébellion des Touaregs du Sahara dans les années 1990, et le sort des réfugiés kurdes de la frontière turco-irakienne en 1991. Plus récemment, il a aussi travaillé sur le film ?City of Ghosts' de Matt Dillon tourné au Cambodge.
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Publié le 30 juillet 2009, mis à jour le 8 février 2018
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