KOH KONG - Un Français sème l'avenir

Jan est le seul expat français de Koh Kong. Arrivé au Cambodge en 2002, il a décidé d'y développer la foresterie dans un pays pillé par les compagnies étrangères et l'exploitation forestière illégale. A sa petite échelle, il encourage ses voisins agriculteurs à suivre cette voie.
(Jan surveille ses plants sur son terrain de Koh Kong - crédit photo : Camille Lorente)
Il est le seul Français de Koh Kong, ce village du sud à deux pas de la frontière thaï. Son vrai prénom c'est Jean-Louis. Mais les Cambodgiens le prononcent ?John? et comme ça ne lui plait pas du tout, il a opté pour Jan. Ça sonne breton mais ses racines sont tunisiennes. Il ne se sent pas chez lui en France et le Cambodge c'était un rêve de gosse. Une attirance qui ne s'explique pas. ?Ça doit être karmique ?, plaisante-t-il. A 56 ans, il a l'air dans la lune avec ses cheveux longs et ses grandes théories sur le monde. Mais son travail, c'est du concret. Lors de sa venue au Cambodge en 2002, il s'est mis en tête d'y développer la foresterie. Il se construit maintenant une maison ? à la française?, un peu à l'écart du village de Koh Kong. Acheté avec l'aide d'un ami khmer, son terrain est constellé de bâches bleues qui abritent les jeunes pousses.
Objectif : développer la foresterie
Il a déjà été technicien agricole lorsqu'il vivait en Ariège mais cette fois c'est un autre défi. ? Les agriculteurs khmers n'exploitent pas leurs terres autant qu'ils le pourraient", constate-t-il. "Sans parler de ceux qui attendent la spéculation pour revendre des terrains dont ils ne font rien pour l'instant.? Alors il se renseigne, fait des recherches, des essais. Il ramène des graines de ses voyages en France et se réjouit de faire pousser les premiers oliviers du Cambodge. Une fois par mois, il va aussi ?faire ses courses? en Thaïlande. C'est là qu'il a découvert le Paulownia. Il mise tout sur cet arbre originaire de Chine qui pousse en un rien de temps. ?C'est la plante idéale pour reboiser le pays?, affirme-t-il. Le Moringa est une autre de ses trouvailles. On l'appelle aussi ?l'arbre miracle?. Il en a planté une vingtaine qui a fleuri en a peine un an. L'huile qu'on en extrait peut servir à produire du savon, des cosmétiques ou du combustible. Des racines aux fleurs, on vante ses vertus médicinales et il peut aussi servir de fourrage pour le bétail. Et puis il y a les arbres fruitiers : figues, pêches, abricots... Il en ramène au Royaume ? pour s'amuser, pour expérimenter.? Il encourage les agriculteurs du coin à en planter aussi. Car sa vraie vocation est bien de transmettre son savoir.
? Pousser les gens à avancer ?
De son éducation militaire, Jan a gardé le sens de l'organisation et le goût de la gestion. ? J'aime bien superviser?, reconnait-il. ?Ici les gens se contentent de ce qu'ils ont mais ce n'est pas comme ça que marche la société d'aujourd'hui. Je les pousse à avancer, à planter davantage.? Avec parfois l'impression de se battre contre des moulins à vent. Pour promouvoir sa cause, il a créé il y a deux ans une organisation appelée CADDO pour Cambodia Agriculture Durable Development Organization. Et depuis son arrivée, il a tout de même observé une prise de conscience des autorités contre lesquelles il a dû se battre au cours de ses démarches administratives. ?Au début j'ai été attiré par la relative anarchie du pays mais il faut des règles lorsque l'on veut faire les choses correctement.? Alors il n'hésite pas à faire pression pour obtenir ce qu'il veut, que ce soit faire passer les statuts de son organisation ou, comme en 2008, faire avancer la législation sur la prostitution. ?On me dit toujours que j'aurais pu être avocat ou curé?. Il ?fait dans le social?, comme il dit. Selon ses besoins, il embauche ses voisins, de petits cultivateurs auxquels il donne des graines et transmet ses techniques. Taille, greffe, bouture... Il projette de construire une serre qui ?donnerait l'exemple?. Le développement de la foresterie passera par le changement des mentalités et la transmission pérenne des techniques. Il le sait, la réussite de son projet demande de la volonté. Mais comme il n'en manque pas, il n'y a plus qu'à toucher du bois !
Camille Lorente (www.lepetitjournal.com) Vendredi 17 juin 2011