Sylvain Audet-Gainar revient avec un nouveau roman "Charivari à Bucarest" pour achever sa trilogie roumaine. Rencontre...
Après Du Rififi à Bucarest et Micmac à Bucarest, votre nouveau roman intitulé Charivari à Bucarest vient de paraître aux éditions Robert Laffont Canada et sera disponible dès le 6 juin prochain sur le continent européen. Pouvez-vous nous dire comment est né ce nouveau volet des aventures d’Arthur en Roumanie ?
Charivari à Bucarest est né de mon désir de poursuivre les aventures d’Arthur dans un environnement aussi vibrant et imprévisible que la capitale roumaine. Cette fois-ci, je voulais plonger plus profondément dans les mystères et les « loufoqueries » de Bucarest, tout en explorant de nouveaux thèmes et en offrant une dose supplémentaire d’humour et de rebondissements à mes lecteurs.
Quels thèmes explorez-vous dans ce nouveau livre ?
Comme dans mes précédents romans, j’aborde les thèmes de la famille, de l’amitié, de la mémoire, de l’oubli, de la création… Je suis également très intéressé par les notions de justice et de vérité, deux notions parfois inaccessibles dans ce pays à l’Histoire si mouvementée. Dans ce dernier roman, j’explore enfin de manière plus directe le thème du droit à la différence, ainsi que la préoccupante montée de l’extrême droite à travers toute l’Europe.
Comment décririez-vous le style et le ton de votre roman ?
Je dirais à la fois enjoué et captivant. Le ton est léger et humoristique, même lorsqu’il aborde des sujets plus sérieux, ce qui crée une atmosphère de divertissement tout en invitant à la réflexion. Car si j’écris, c’est justement parce que je crois fermement que la littérature joue un rôle essentiel dans la construction de ponts entre différentes cultures et langues en permettant aux lecteurs de découvrir et de comprendre des perspectives et des expériences différentes de celles de leur propre vie.
Y a-t-il des personnages qui vous ont particulièrement inspiré dans ce livre ?
Tous les personnages de ce livre sont le fruit de mon imagination, mais ils sont également inspirés par des personnes que j’ai pu rencontrer au fil du temps et même par des personnages de films ou de romans que j’ai beaucoup aimés. La commissaire responsable cette fois-ci de l’enquête est ainsi une référence sans détour à Bérurier, ce personnage mythique de la série des San Antonio. Dans tous les cas, chacun d’entre eux apporte sa propre contribution à l’histoire et reflète différentes facettes de la société roumaine.
Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées lors de l’écriture de ce livre ?
Les principales difficultés ont résidé dans la création d’une double intrigue complexe et cohérente tout en maintenant un rythme soutenu et un équilibre entre l’humour et le sérieux. De plus, la recherche minutieuse sur l’Histoire roumaine m’a demandé beaucoup de temps et d’efforts.
Pouvez-vous justement nous parler de votre processus de recherche et de documentation pour Charivari à Bucarest ?
Je pense pouvoir dire que celui-ci a été méticuleux et exhaustif. Il a en effet impliqué des lectures approfondies, des entretiens avec des experts, la consultation de documents historiques (notamment des centaines d’archives de la Securitate) et des sources primaires pour obtenir une compréhension précise de l’époque de certains épisodes. Comme je vous le disais précédemment, l’intrigue comporte deux fils narratifs principaux, l’un se déroulant de nos jours et l’autre remontant aux années 1950 jusqu’à la chute du régime communiste. Il était donc primordial pour moi de respecter scrupuleusement la vérité historique de cette période.
Comment votre expérience d’écrivain a-t-elle évolué depuis votre précédent livre ?
Elle a beaucoup évolué, grâce à de nouvelles rencontres, mais aussi à de nouvelles lectures et de nouvelles expériences de vie qui ont enrichi ma perspective et nourri ma créativité. Ma paternité est, par exemple, une source inépuisable d’inspiration ! De plus, au cours de la rédaction de Charivari à Bucarest, j’ai consacré un temps considérable à peaufiner mon style d’écriture, explorant des rythmes de phrases toujours plus originaux, des tournures de mots inattendues et des jeux de langage audacieux. Cette exploration m’a permis d’explorer sans aucune crainte de nouveaux territoires linguistiques, d’intégrer des néologismes et de jouer avec les limites de la langue pour m’exprimer de la manière la plus vivante et captivante possible. C’est parfois complètement louftogomme, je le reconnais, mais qu’est-ce que c’est jubilatoire !
Votre expérience de traducteur du roumain vers le français influence-t-elle votre processus d’écriture et de création littéraire ?
Oui, je pense. Me permettant de naviguer sans cesse entre ces deux langues et ces deux cultures, mon travail de traducteur enrichit considérablement mon processus d’écriture et de création littéraire. La traduction m’a également permis de développer un sens aigu de la précision, du jeu et de l’expression, des qualités qui se reflètent, à mon avis, dans mes propres œuvres.
Quels sont vos prochains projets littéraires et comment envisagez-vous votre avenir en tant qu’écrivain et traducteur ?
Mes projets en tant qu’écrivain incluent l’exploration de nouvelles thématiques, ainsi que de nouveaux espaces. Car oui, je vais faire une petite révélation à vos lecteurs, mon prochain roman ne se déroulera pas à Bucarest ! Ni même en Roumanie ! En parallèle, je compte poursuivre mes activités de traduction et renforcer mes collaborations avec d’autres artistes pour enrichir mon expérience. Actuellement, je suis ainsi plongé dans un projet d’écriture collaborative et fragmentaire intitulé #ArchivesRoumaines, qui tire son inspiration de photos anonymes dénichées chez des antiquaires bucarestois. Avec l’aide précieuse de mes followers sur les réseaux sociaux, je m’efforce progressivement de donner vie à ces trésors oubliés, dans l’espoir que ce projet unique aboutisse un jour à une publication originale. C’est en tout cas une aventure passionnante !
Peut-on espérer vous voir présenter votre livre à Bucarest bientôt ?
Absolument ! Je serai là au début du mois de juillet prochain pour rencontrer mes lecteurs bucarestois lors d’un lancement organisé à la fabuleuse librairie Kyralina. Je vous tiendrai évidemment informé de tous les détails dès que possible ! Et début 2025, je reviendrai certainement pour le lancement de la version roumaine de ce roman !
Votre lien avec la Roumanie semble particulièrement tenace. Pouvez-vous nous raconter votre plus beau souvenir ainsi que votre pire expérience en Roumanie ?
Mon lien avec la Roumanie est en effet très fort. Mon plus beau souvenir dans ce pays est sans aucun doute le moment où je suis devenu père et ai pu profiter de deux années de congé parental pour m’occuper de mon fils. Une opportunité que je n’aurais jamais eue en France ! En ce qui concerne ma pire expérience, cela remonte à mes années d’étudiant ERASMUS à Bucarest en 2000, lorsque la ville était encore confrontée à un problème majeur de chiens errants. Cela a été un véritable traumatisme à l’époque. Cependant, malgré cette expérience difficile, cela ne m’a pas dissuadé de revenir vivre quelques années plus tard dans cette ville, où j’ai pu vivre des moments véritablement magiques.
Sentez-vous que les lecteurs ou les gens que vous rencontrez sont curieux quand vous parlez de votre passion pour ce pays méconnu ?
Oui, je constate souvent de l’intérêt de la part de mon auditoire lorsque je parle de la Roumanie. Nombreux sont ceux qui se montrent intrigués par ce pays méconnu et manifestent le désir d’en apprendre davantage sur sa culture, sa langue, son histoire, ses traditions. Par ailleurs, je rencontre de plus en plus de personnes qui ont déjà eu l’occasion de visiter la Roumanie et qui en ont conservé des souvenirs fantastiques ! Et souvent très amusants !
Le regard des Français a-t-il évolué selon vous concernant les Roumains ou des a priori persistent-ils encore ?
Ce regard a heureusement évolué au fil des ans. Cependant, je reste persuadé que des idées préconçues négatives subsistent et qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour les éradiquer. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons qui me poussent à continuer d’écrire sur ce pays. Je suis intimement convaincu que ces stéréotypes sont largement alimentés par l’ignorance et que seules une éducation et une sensibilisation accrues peuvent vraiment favoriser un changement de perspective. De plus, je crois fermement que l’humour peut jouer un rôle déterminant dans ce processus. En abordant ces sujets de cette façon, nous pouvons souvent obtenir des résultats encore plus significatifs !
Une envie de revenir vous installer ici ?
Effectivement, l’idée de me réinstaller en Roumanie me titille de temps à autre. J’ai noué un lien profond avec ce pays et sa culture, et je n’écarte pas l’éventualité d’y poser à nouveau mes valises. Cela dépendra cependant de divers facteurs tels que les opportunités professionnelles et personnelles qui se présenteront. En attendant, je retourne régulièrement en Roumanie pour puiser l’inspiration nécessaire à mes prochaines fictions. C’est un véritable réservoir d’idées et de créativité pour moi !