Nous avons demandé à la photographe Elisabeth Blanchet de nous présenter sa Roumanie en images. Ancienne professeur de maths, Elisabeth Blanchet s’est reconvertie dans la photographie et le journalisme en 2003 à Londres où elle vivait. Elle a travaillé pour différents magazines dont Time Out London. Elle nous présente aujourd'hui quelques photographies de sa nouvelle exposition "Les orphelins de Ceausescu, 30 ans après" où elle suit des jeunes qui ont grandi dans les orphelinats du dictateur.
Le monde occidental se souvient encore des images choc d’après la chute du communisme en Roumanie en 1989, dont les plus prégnantes restent celles des enfants abandonnés des orphelinats. C’est une image tellement forte, qu’elle reste encore aujourd’hui une référence collective quand on parle des effets du communisme. Mais 30 ans ont passé et les gens, les temps et le pays ont changé, ont subi des transformations profondes. Dans les années 90, je suis allée en Roumanie dans l’orphelinat de Popricani, près de Iasi. Avec des amis, nous avions monté une association pour venir en aide aux enfants abandonnés placés dans les casa de copii. Je suis allée de nombreuses fois à Popricani jusqu’à la fin des années 90 et j’ai tissé des liens très forts avec certains des enfants de l’orphelinat. J’ai fait beaucoup de photos à l’époque, de la casa de copii et des enfants. En 2006, quelques mois avant l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne, je suis retournée à Iasi pour retrouver Radu, un des anciens de Popricani, qui avait décidé de venir travailler en Grande-Bretagne. Les retrouvailles furent particulièrement émotionnelles et j’ai décidé de commencer à retrouver les autres ex-pensionnaires de la maison des enfants de Popricani. Aujourd’hui, j’en ai retrouvé 32. Voici les portraits, sous forme de diptyques, de 8 d’entre eux.
B&A sont jumelles. Elle avaient 13 ans quand cette photo fut prise en 1997. En 2006, B a été victime de trafiquants qui l’ont forcée à la prostitution en Italie. Après un raid policier, elle fut renvoyée en Roumanie où elle retrouva sa soeur. En 2009, elles sont de nouveau parties, en Suisse cette fois, pour travailler au noir comme baby-sitters dans des familles kosovars. Elles seraient toujours en Suisse aujourd’hui.
Corina Darabana en 1997 quand elle avait 11 ans. En 2011, elle vivait avec son mari et leurs trois enfants dans une petite maison adjacente à celle de ses beaux-parents, en rase campagne, à une quarantaine de kilomètres de Iasi.
Daniel Hostic à l’orphelinat de Popricani en 1995 puis dans la maison où il louait une chambre à Popricani en 2009. Il travaillait alors comme homme à tout faire dans l’orphelinat, devenu centre de réinsertion des adultes par le travail.
Daniela Hostic - à droite - à l’âge de 13 ans en 1997 dans la cour de l’orphelinat de Popricani. En 2009, elle partageait une chambre avec trois autres anciennes pensionnaires d’orphelinats de la région. Elle travaillait comme couturière dans une usine de vêtements.
Diamanta Cojocaru à l’âge de 9 ans dans la cour de l’orphelinat de Popricani en 1993. En 2011, elle vivait dans un squat sordide de Iasi avec son fils et elle était sur le point d’accoucher d’un deuxième enfant.
George Stingaciu, surnommé Dodo - au milieu - quand il avait 5 ans en 1995 dans la cour de l’orphelinat de Popricani puis en 2011 dans un bar du village. Dodo travaillait alors sur des chantiers et vivait avec son père qu’il avait retrouvé.
Dragos - au milieu - à l’orphelinat de Popricani en 1993 à l’âge de 8 ans. En 2011, il était devenu moine orthodoxe au Monastère de Sihia en Bucovine où il disait « avoir trouvé sa place ».
Carmen Bobocel en 1995 à l’âge de 12 ans. Elle est décédée de négligences médicales un an plus tard en novembre 1996. A droite, Dan Palimaru, son éducateur d’alors, se recueille sur sa tombe en 2009.