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FRANCO-ROUMANIE - Xavier Marcenac, une start-up d'élevage d'insectes

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Écrit par Franco-Roumanie
Publié le 7 août 2018, mis à jour le 7 août 2018

Notre rédaction a rencontré Xavier Marcenac qui a crée la société Nasekomo aux côtés de Marc Bolard et de Olga Marcenac. Nasekomo, qui veut dire « insecte » en langue bulgare, a pour objectif de recycler des déchets organiques en utilisant des insectes bio-converteurs et de les transformer ensuite en protéines animales à haute valeur ajoutée.
 


 

LePetitJournal.com de Bucarest : Comment vous est venue l’idée de créer votre entreprise ?


Xavier Marcenac : Amateur de trekking à travers le monde, l'idée m'est venue au détour d'un chemin devant un nuage d'insectes dérangés par notre passage alors qu'ils étaient en train de se nourrir sur une tas de fruits en décomposition. Voyant l'insecte comme un véritable recycleur naturel, nous nous sommes posés la question si nous étions capable de dompter ces animaux au service des hommes.


 
 

Pourquoi les insectes constituent-ils une source nutritionnelle intéressante ?


Les insectes sont à la base de l'alimentation d'une multitude d'animaux carnivores et omnivores, y compris un grand nombre de nos animaux d'élevage et de compagnie: poules, cochons, poissons, chiens, lézards, ...Tous ces consommateurs ont été naturellement sélectionnés pendant des centaines de milliers d'années pour vivre à partir du cocktail nutritionnel issu des insectes: beaucoup de protéines, des matières grasses d'excellente qualité, des vitamines essentielles ainsi qu'un bon complexe minéral, le tout accompagné de fibres pour une meilleure digestion. Au cœur de régime alimentaire de tant de prédateurs, les insectes se sont à leur tour adaptés en développant des capacités phénoménales de reproduction et de croissance pour survivre, capacités que notre projet utilise aujourd'hui pour répondre aux nouveaux enjeux de nos modes de vie actuels et futurs.

 


 
La réglementation européenne actuelle sur les farines animales stipule que celles-ci sont autorisées uniquement pour le marché du « pet food » et pour l’aquaculture. Pourquoi est-ce encore interdit pour nourrir la volaille et les porcs ?


L’Union européenne vit avec le spectre de la maladie de la « vache folle ». Depuis, elle a mis en place des régulations très strictes pour les autorisations de mise en circulation de produits qui rentrerons dans la chaîne alimentaire humaine. Ce processus est géré par l’agence de la sécurité alimentaire. En alimentation comme ailleurs, le régulateur a toujours un temps de retard vis-à-vis d'une innovation comme celle de l'introduction des insectes dans notre chaîne alimentaire. Il a fallu plusieurs années d’analyses scientifiques pour confirmer qu’il n’y avait pas de danger pour l’homme lorsque les poissons étaient nourris à la farine d’insecte ; maintenant l’agence travaille sur des tests avec les volailles et les porcs. On s’attend à une autorisation dans les 2 prochaines années. En ce qui concerne le pet food, c’est plus simple car les animaux de compagnie n’ont pas vocation à entrer dans la chaîne alimentaire humaine.

 


 
Quelles actions concrètes allez-vous mener en matière de recherche et de développement ?


L'élevage d'insectes capables de répondre aux défis auxquels nous devons faire face reste à inventer et est l'objet de l'essentiel de notre investissement R&D. Contrairement à de l'élevage de volailles ou de porcs par exemple, il n'existe pas de solution disponible sur le marché pour se lancer dans la production de milliers de milliards d'insectes nourris sur des dizaines de milliers de tonnes de déchets de fruits, légumes et autres céréales. Comment reproduire ces animaux complexes? Comment les héberger, les nourrir, les transformer, le tout en répondant aux exigences les plus strictes en matière d'élevage et de production de denrées alimentaires.


 
        
Parlez-nous de votre projet de bioraffinerie d'insectes.


L'insecte qui fait l'objet de toute notre attention aujourd'hui s'appelle la mouche soldat noire ou Hermetia Illucens en latin. Chaque femelle de cette espèce pond prés de 1000 œufs desquels éclosent des larves qui ont chacune la capacité de multiplier leur poids par 10 000 en seulement une douzaine de jour! Nous nourrissons ces larves à partir d'aliments: fruits, légumes et céréales, déchets de nos agro-industries et supermarchés. Une fois à maturité, nous les récoltons et les transformons en un aliment hyper-protéique dégraissé d'un côté et en huiles d'insectes de l'autre. Ces deux produits sont des ingrédients qui rentrent ensuite dans la composition des aliments des espèces cibles que l'on souhaite nourrir à partir d'ingrédients premium. Cerise sur le gâteau, le fumier issu des déjections des insectes est un excellent engrais organique. Ainsi, notre élevage ne produit lui-même aucun déchet, consomme très peu d'eau et pas de terre agricole et a une empreinte écologique positive.

 

 

A quand la commercialisation de produits à destination de l'alimentation humaine ? Croyez-vous que le principal obstacle soit d’ordre culturel ?


Le marché que nous visons pour l’instant est celui de l’alimentation animale car il est beaucoup plus important. Déjà 2 milliards d’humains se nourrissent chaque jour avec des insectes en Asie/Afrique et certainement l’obstacle principal aujourd'hui est culturel. Cependant, nous n’avons pas vraiment le choix en tant que société : les besoins en protéines de la planète croissent sans cesse, leur production demande de plus en plus de ressources (eau, terre, énergie), et pour nourrir une population croissante il faudra mettre en place des solutions non-standards. Je suis certain que d’ici 15 ans il sera tout à fait naturel de manger des produits à base d’insectes ; déjà on voit sur le marché des barres céréales, du pain ou des biscuits fabriqués avec des farines d’insecte.

 


Pourquoi voulez-vous développer cette entreprise ici en Roumanie?

 

La Roumanie est un pays agricole par excellence où il y a de larges volumes de déchets organiques de l’agro-industrie qui ne sont pas ou mal recyclés. Nous apportons une solution aux industriels en recyclant ces déchets et en produisant des protéines qui peuvent être utilisées dans la région ; de ce fait nous pouvons favoriser l’économie circulaire.
 

 

Propos recueillis par Grégory Rateau et Sarah Taher

 

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Publié le 7 août 2018, mis à jour le 7 août 2018

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