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Elisabeth Lamendin, une Française installée dans les monts Apuseni en Roumanie

Ayant grandi dans la campagne française, en Picardie, Elisabeth Lamendin est partie étudier en Belgique pour devenir éducatrice spécialisée. Après avoir travaillé dans le milieu social et associatif, son travail ne la satisfaisait plus. Elle a donc acheté un accordéon avec lequel elle a composé ses mélodies et pris la route pour devenir “nomade et chanteuse de rue”. Au cours de l'un de ses voyages dans les Balkans, elle est tombée amoureuse de la Roumanie et a décidé d’y rester. Elle a d’abord vécu à Brasov puis s’est installée dans les mont Apuseni où elle a rencontré Mihai, son mari avec lequel elle a fondé une famille. Rencontre.

Elisabeth Lamendin et sa familleElisabeth Lamendin et sa famille
Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 26 août 2024, mis à jour le 26 août 2024

Vous avez pas mal voyagé, pourquoi c’est en Roumanie que vous avez décidé de poser vos valises?

En effet, en parcourant mon grand tour des pays des Balkans, mon cœur s'est arrêté en Roumanie! Je suis d’abord tombée amoureuse de la ville de Brașov, ville familiale au décor féerique où j'y ai rencontré mes premiers amis musiciens dont mon premier amour roumain, un accordéoniste ! En ces temps-là, la Roumanie affichait des contrastes qui me plaisaient beaucoup car à l'inverse des pays occidentaux elle restait authentique. La Roumanie m’a plu pour sa nature, encore sauvage et surtout non instrumentalisée, non polluée, et sa végétation folle qui energise et nous rappelle que c’est notre mère nature qui nous fait vivre et qu’il est nécessaire de la respecter. En plus, j'adore toujours autant aller à la piața où on trouve des petits paysans vendant des produits locaux et de saison. J’aime la Roumanie pour sa population qui a su garder un lien humain et un contact facile, des gens curieux qui cherchent à vous parler en toute simplicité de choses qui paraissent banales mais qui sont en fait essentielles. Pour sa musique qui rythme les événements de la vie, naissances, mariage, décès, et ces fêtes de saisons comme à Noël quand la cérémonie de l’ours entre même dans les blocs. Pour l’autonomie des populations qui vivent dans les villages et qui ont réussi à sauvegarder les connaissances essentielles pour y vivre sainement, en autonomie. Enfin, pour sa religion qui maintient la cohésion, l'unité entre les gens, le respect entre eux et l'acceptation de l'autre. Enfin, la Roumanie m’a offert les valeurs qui m’ont fait grandir, évoluer, mais aussi un équilibre et un cadre à mon trop grand besoin de liberté.

 

Vous habitez dans un village des monts Apuseni. Comment s'est passée votre intégration dans la communauté?

Mon intégration dans le village s'est faite avec le temps. En général les villageois ont été très sympathiques et chaleureux, vu ma provenance, la France, qu'ils idéalisent ! Ils se demandaient qu’est ce que je venais faire ici, de quoi j'allais vivre, car eux fuyaient les campagnes pour les villes. Il nous a fallu du temps pour nouer une relation d’amitié profonde avec un voisin car je pense que les différences te font travailler sur toi-même, tout le monde n’est pas prêt, l’acceptation de la diversité des êtres est un long cheminement. Après 7 ans, nous sommes invités à certains mariages, fêtes d’enfants, je vais aux enterrements, parfois à l'église, plus souvent à l'école pour participer aux activités proposées. Une voisine d'une grande générosité m’a même proposé de traire sa vache tous les 2 jours durant 4 mois ! Un vieil homme philosophe nous vend son lait, beurre,.. et nous l'aidons en échange avec le foin par exemple, ou en lui donnant d'autres produits que nous fabriquons, ou en lui achetant du bois de chauffe,... Mihai, mon mari, étant forgeron et soudeur, répare au besoin des matériaux de certains voisins. Avec les enfants, on visite d’autres familles, et on passe du bon temps tous ensemble. Les Roumains sont très accueillants mais je sens toujours du regard qu'ils me considèrent étrangère, ce que je suis! Moi je suis appelée la "frantuzoaica" et Mihai "Brasovianul"!  On bousculera toujours un peu les gens dans leurs préjugés par notre mode de vie, notre rapport à la nature, par notre façon d’être et c'est normal, il faut juste être qui l'on est et ne pas prêter trop d’importance à ce que pensent les autres.

 

Vous avez grandi à la campagne en Picardie. Quel regard posez-vous sur la campagne roumaine?

Selon moi, la campagne roumaine est ce que doit être une vraie campagne ! Elle est vie, nature, homme, animal, cycle de saison, travaux physiques, bois, foin, fleurs, fumée, jardin, fêtes, unité des gens. Moi qui ai vécu à la ferme étant enfant, ici je revis mon enfance, la campagne n’est pas atteinte par le capitalisme sauvage qui, selon moi, a tout détruit en Occident où un village n'est plus un village ! Oui pour beaucoup de personnes c'est une agriculture d'autosuffisance mais qui a de nombreux avantages à mon avis, car le lien au vivant est prioritaire pour moi mais pas pour tous et je l'accepte. Le secret pour vivre à la campagne est de ne pas avoir peur de retrousser ses manches et bosser, car cela en fait te permet de vivre, cela te permet de garder la santé mentale et physique !

 

En France, vous étiez très engagée pour les sans papiers, les immigrés mais aussi pour l’écologie. Est-ce que vous continuez cet engagement politique en Roumanie ?

Après cette implication militantiste en Belgique, j'ai compris que l’union fait la force mais que pour être fort ensemble il est nécessaire d’être fort soi-même, alors c'est ce que j’essaye de faire! Comme on le sait, on ne peut changer le monde qu'en commençant par soi-même ! Par ma nature, je ne peux cesser d'aider les autres alors oui je m’implique dans la vie de certains que l'univers a semé sur ma route. J’aide en particulier une famille d’amis tsiganes, on leur donne des habits, des jouets, … Dans le village, ça m'arrive d’aller donner un repas à un petit vieux sans sous. J'aide des filles ado à Huedin par ma présence, mon temps passé auprès d’elles. Je rends visite à certaines personnes âgées seules. Offrir son temps est la plus précieuse des choses au monde, avec l'écoute et l'empathie.

 

Vous avez rencontré Mihai il y a 8 ans et aujourd’hui vous avez fondé une famille. Comment a eu lieu cette rencontre?

Lui est de Brașov et même si moi aussi j’y ai passé beaucoup de temps, nous nous sommes rencontrés ici au beau milieu des montagnes !  Lui faisait de l'escalade avec une amie et moi je passais sur son chemin allant à la cascade avec une amie en visite. Ça s’est résumé en trois brèves questions : 

- Vous êtes étrangères ?

- Oui ! 

- Tu fais quoi en Roumanie ?

- Je joue de l'accordéon !

- Moi aussi 

- Tu vis où ?

- A Brașov !

- Moi aussi 

Et la dernière :

- vous dormez où ce soir ?

Depuis on ne s’est plus séparé! Quatre mois après, on a trouvé et acheté notre maison, un an après le premier petit bonhomme Gaston est né, puis Mugurel et Cazimir ! L'amour vient quand tu ne l’attends pas. Quand tu désires en ton âme très fort la même chose qu'un autre être en même temps, l'univers intervient et conspire alors pour nous rassembler! Simple !

 

Vous êtes musicienne de rue. Parlez-nous-en.

L'univers m’a offert cette qualité afin de dépasser certaines peurs, me découvrir certaines qualités, m’apprendre à m'ouvrir, à m'aimer. Cette période de nomadisme a été la plus belle et la plus intense de ma vie. J’y ai appris énormément, par la souffrance mais aussi par la joie! Depuis que je suis maman, les priorités ont changé! Dur à accepter au début mais.... asta e ! Avec les enfants, j'ai moins le temps pour jouer, donc c'est devenu une passion parmi d’autres et plus mon gagne-pain. Tout de même j'aspire encore à partir jouer, seule au gré de l'univers, avec pour seul compagnon mon accordéon ! Je me fais encore plaisir en chantant dans la rue, même si maintenant on doit demander une autorisation... Le plus important c’est de ne pas s'arrêter, de transmettre aux enfants, aux amis autour d’un bon feu, la joie et le plaisir de la musique.

 

D’autres projets d’avenir dont vous aimeriez nous parler?

Depuis deux ans je me suis découverte une nouvelle passion, je feutre la laine ! Et donc je réalise de nombreuses créations, que j’aimerais vendre, alors que Mihai confectionne des bijoux de cuivre, forgés. Nous qui sommes assez bohèmes et rêvons toujours de vivre de notre art, nous partons par ci par là à des festivals, montrer nos arts, techniques et vendre nos réalisations. Nous aimerions à l'avenir faire plus de workshop lors d'événements pour transmettre et inspirer et peut être pouvoir en vivre ! Nous souhaitons voir en Roumanie l'art mieux considéré! Nous aimons être sur la route, avoir le ciel comme toit, rencontrer des gens, voir les enfants se développer en toute liberté, sans peurs, sans préjugés, vivre le maximum au présent ! Je souhaite toujours de temps en temps me faire plaisir en jouant dans la rue car j'ai l’impression que je ne vieillis pas ! Mon coeur reste jeune ! Et aussi toujours vivre près de la nature, simplement avec le jardin, les abeilles,... apprendre à réaliser de nouvelles choses, faire des crèmes de galbenele, de tătăneasă cette année, des bougies de cire d'abeilles, ....de petites choses mais qui ont de l'importance car elles nous apprennent à prendre soin de nous et à nous aimer !  Petit conseil pour une vie bien remplie: soyez curieux et essayez de comprendre d'où vous venez et quelle est votre mission d'âme ! Soyez un éternel enfant confiant et aimant ! 

lepetitjournal.com bucarest
Publié le 26 août 2024, mis à jour le 26 août 2024

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